Sur proposition de la Commission régionale du patrimoine et de l'architecture du Grand Est (CRPA), quatre monuments du Grand Est ont été inscrits sur la liste des édifices protégés au titre des monuments historiques, par arrêté de la Préfète de région du 7 juillet 2022 :
L'hôtel de ville de Charleville-Mézières (Ardennes)
Inauguré en 1933, l'hôtel de ville de Charleville-Mézières mêle les styles gothique, Renaissance et Art déco. Cet édifice monumental se voulait "la vitrine" d'une ville qui a su sortir des gravats de la Première Guerre mondiale.
L'Auberge "A la Couronne verte" – peintures murales à Barembach (Bas-Rhin)
Ces peintures murales, conçues en 1899 pour la salle du café de l'Auberge "A la Couronne verte" à Barembach témoignent de la parfaite maîtrise du trompe-l'œil du peintre-décorateur Camille Braun. Elles révèlent également le climat politique de l'époque et l'attachement de l'artiste à la France.
La Villa Scheyder à Schiltigheim (Bas-Rhin)
Cette villa, de style régionaliste et pittoresque, qui porte le nom de son architecte et premier propriétaire, Franz Scheyder, est stylistiquement unique dans cette commune du Bas-Rhin, mais illustre parfaitement les "sensibilités des constructions de la petite bourgeoisie de Schiltigheim à la fin du XIXe siècle".
La Maison dîmière à Magstatt-le-Haut (Haut-Rhin)
Cette maison dîmière, datée de 1588, est l'une des plus anciennes maisons de la commune de Magstatt-le-Haut, dans le Haut-Rhin. Elle présente toutes les caractéristiques des vastes maisons du XVIe siècle.
Présentation détaillée des monuments
Charleville-Mézières (Ardennes)
Hôtel de ville
Date de construction : de janvier 1927 au 16 juillet 1933 (inauguration)
Date de l'inscription : 7 juillet 2022
Dans la nuit du 10 au 11 novembre 1918, juste avant la signature de l’Armistice, la ville de Mézières est fortement bombardée. La mairie, l’hôpital et une multitude d’habitations sont détruits, faisant apparaître une vaste clairière de ruines dans ce qu’il reste du centre-ville.
La municipalité choisit les architectes Eugène Chifflot et Robert Colle en 1924 pour dessiner et exécuter les plans de deux grands immeubles : le bâtiment dit communal et l’hôtel de ville.
Les deux architectes ne s’arrêtent pas à l’enveloppe architecturale de l’hôtel de ville, ils s’attardent aussi sur sa disposition intérieure et ses décorations.
Les travaux de gros-œuvres débutent en juillet 1928 et s’achèvent en 1930. Les enveloppes budgétaires dédiées aux dommages de guerre permettent de payer les coûts de construction.
La présence de personnalités politiques importantes durant la pose de la première pierre, le 9 octobre 1927, et durant l’inauguration le 16 juillet 1933, montre l’intérêt de cet édifice et son poids sur son territoire.
Cet hôtel de ville est la vitrine d’une ville qui a su sortir de ses gravats, un édifice monumental à la décoration presque présomptueuse.
L’immeuble de l’hôtel de ville de Charleville-Mézières est un bâtiment massif en pierre de taille blanche. Il est érigé sur le flanc Est de la place de l’Hôtel de ville.
La variété de ses décors et l’organisation de son élévation mêle les styles gothique, Renaissance et Art déco.
La composition de la façade antérieure, sa richesse décorative, son vocabulaire ornemental varié, témoignent de la grande maîtrise des architectes.
Plus le regard se porte vers le haut, plus la description de l’édifice se complexifie.
Les architectes font jouer les tracés aux courbes brutes avec ceux aux courbes douces. Les traits rectilignes horizontaux ou verticaux font face à des courbes géométriques. Certains éléments structurels se déforment pour développer des espaces et venir ainsi contrarier les éléments plats.
Outre sa fonction décorative, l’ornementation dispose des symboles et autres allégories ça-et-là sur la façade. Ces derniers visent à illustrer la richesse et l’autorité de la Ville.
Si certaines parties d'élévations se ressemblent, les architectes parviennent néanmoins toujours à les différencier via l’apport de supports, d’ouvrages ou d’organes plus ou moins sophistiqués.
Le thème ornemental de l’édifice traduit l’atmosphère d’une nature paisible. Il se confronte à l’immeuble communal en face qui oriente ses décors sur la chasse.
L’édifice se déploie sur un sous-sol, un rez-de-chaussée, un entresol, deux étages, un demi-étage et un comble.
Quelques pièces sont particulièrement intéressantes d’un point de vue esthétique. Parmi elles se trouve le Grand escalier avec ses garde-corps en fer forgés ou ses vitraux, le bureau du maire avec un ensemble mobilier remarquable, la série de pièces au second étage (salle du conseil, salle des mariages, salle des fêtes) et leurs lambris, parquets, radiateurs…, et les combles avec l’imposante charpente en métal et bois.
La Ville a restauré récemment la façade principale de l’hôtel de ville. Elle a également soustrait la fonction de parking au-devant de l’édifice. Ces travaux ont permis de retrouver le miroitement entre l’immeuble communal et l’hôtel de ville.
Barembach (Bas-Rhin)
Auberge "A la Couronne verte" – peintures murales
Date de réalisation : 1899
Propriétaire : privé
Inscription au titre des monuments historiques des décors peints de la salle du café et des immeubles par nature et par destination, le 7 juillet 2022
En entrant dans la salle de l’auberge "A la Couronne verte", on est immédiatement séduit par l’atmosphère de café qui y règne. Une douce chaleur flotte dans l’air, que les boiseries et le mobilier viennent renforcer, tout comme les peintures murales, et notamment le plafond ouvert sur un ciel bleu d’été.
L’œuvre du peintre-décorateur Camille Braun (1878-1943) à Barembach pose autant de questions sur le petit patrimoine que sur l’histoire du café lui-même – près de cinq générations de cafetières d’une même famille s’y sont succédées ! – que sur l’histoire des conflits en Alsace.
En 1996, un incendie détruit le 5 rue du Presbytère de Barembach, l’une des auberges du village.
Le bâtiment reconstruit conserve la porte de l’ancienne grange à droite, qui donnait accès à une salle de bal et de théâtre, disparue dans les années 1950. La petite porte et la fenêtre de l’écurie ont définitivement disparu mais l’entrée principale et les fenêtres du rez-de-chaussée sont restées dans leur état originel. Une volée de trois marches d’escalier conduit à l’intérieur de l’auberge. Miraculeusement, la partie de l’auberge dédiée au café a échappé aux flammes : le mobilier d’origine pour partie et les peintures murales de Camille Braun datées de 1899 ont été sauvés.
K1000
Né à Saint-Dié le 5 juillet 1878, Camille Braun et Eugénie, sa sœur de deux ans son aînée, sont les enfants d’un couple de cafetiers.
Eugénie, se mariera avec Charles-Louis Walter, le premier propriétaire de l’auberge "A la Couronne verte", ou "Café Walter", comme longtemps, il va s’appeler.
La formation de Camille n’est pas connue à ce jour – vraisemblablement, il est formé à l’Ecole des Arts Décoratifs de Nancy de 1895 à 1897. Parallèlement à sa formation, il est apprenti chez plusieurs employeurs, notamment à Saint-Dié, Gérardmer et Paris.
En 1899, alors qu’il signe les peintures de la salle du café de Barembach, il s’engage dans la marine. On le retrouve à Cherbourg, puis en Guyane, à Cayenne.
De retour en métropole en 1902, il se marie à Moyenmoutier, avec une fille de cafetiers également. Ils auront trois enfants.
En 1914, il est mobilisé dans les Vosges. Outre son titre d’estafette, ou agent de liaison, titre qu’il aura jusqu’en 1919, pour parcourir et prendre en photo les villages détruits, on lui attribue celui de cartographe ; il dessine les lignes de front et les positions ennemies. Il travaille beaucoup d’après photo - il signe subtilement ses photos « K1000 », pour Camille – et trace les repères topographiques pour les services géographiques de l’armée.
Dans les années 1920, et jusqu’à son décès de maladie en 1943, il réalise de nombreux décors et travaux de peinture, pour des enseignes sur façade ou des ciels pour des commerces, tels que des cinémas ou des cafés, principalement dans le département des Vosges et disparus aujourd’hui. Bon peintre-décorateur, ses travaux en tant qu’artiste peintre sont pour majorité conservés dans des fonds familiaux. Seul le musée de Saint-Dié conserve trois de ses œuvres, ainsi que les mairies de Plainfaing et d’Etival des panoramas.
Devant le comptoir
Un sas de bois et de verre pour faire office de zone « tampon » et limiter la déperdition de chaleur conduit à l’entrée de l’auberge.
Des peintures en trompe-l’œil de faux marbres et faux bois y sont présentes.
Des boiseries vernies courent dans le sas et se prolongent jusque dans la salle du café, le long des trois murs. Celle-ci, n’est pas très importante, à peine une vingtaine de mètres carrés. Si la salle n’est pas très grande, en revanche, l’effet est tout à fait surprenant : un ciel de nuages avec pots de fleurs, oiseau et balustrade, couronne l’ensemble des trois murs peints également.
Ces peintures sont réalisées sur un enduit à l’eau. Elles témoignent d’une parfaite maîtrise du trompe-l’œil de Camille Braun. Elles reprennent des thèmes chers à l’époque, mais aussi au cœur de la tradition décorative, que ce soit le ciel – morceau de choix des peintres- décorateurs – ou les décors muraux avec les allégories comme les quatre saisons. Un zinc contemporain réalisé après l’incendie de 1996, structurant le comptoir et permettant son éclairage, « délimite » la salle du café avec ses peintures anciennes.
Des saisons politiques
A gauche en entrant, après le sas d’entrée, sur le mur ouest, on note deux séries de couples peints dans un rectangle, reprenant parfaitement la division du mur en lais. Ils sont encadrés de part et d’autre de paysages dans des tableaux carrés.
Le premier des paysages n’est pas visible en entier, en raison du sas d’entrée. Seules des branches d’arbres avec des rochers sont visibles depuis la salle du café.
Pour les deux séries de couples qui suivent, viennent l’allégorie de l’Hiver puis celle de l’Automne. Dans le prolongement de ces deux scènes de genre, apparaît un village. En face, sur le mur est, se lisent les scènes suivantes, de gauche à droite, et de façon symétrique au mur ouest : une allée d’arbres menant vers un château, l’allégorie de l’Eté puis le Printemps. Entre les fenêtres du mur sud, apparaissent des motifs d’arbres – notamment un cerisier japonais - et des oiseaux. Enfin, un ciel couronne la salle.
A chaque saison, précisément sur chacune des tenues des jeunes femmes, on peut y lire le drapeau tricolore avec davantage, comme dans la composition de l’Eté, un drapeau Rot un Wiss à l’arrière-plan pour manifester le soutien à l’Alsace française. Si le sujet des Quatre saisons se retrouve dans la peinture de l’époque, et le thème du déjeuner sur l’herbe en particulier, on la retrouve aussi dans les arts et traditions populaires d’alors.
Sous des airs quelques peu naïfs et emprunts aux tendances pré-impressionnistes de l’époque, au référentiel du peintre-décorateur et à la mode aussi, les peintures de Camille Braun à l’Auberge de la Couronne verte révèlent le climat politique d’alors et celui de l’attachement de sa famille à la France.
Très subtilement, Braun glisse ici et là les couleurs des sentiments pro-français des Walter-Braun et d’une Alsace française que l’occupant traque - Eugénie et Charles-Louis Walter se feront arrêtés et exilés par les Allemands en 1915, puis leur fils Henri et sa famille seront arrêtés et internés à Schirmeck en 1940. Le café ne sera rouvert qu’à la Libération.
Schiltigheim (Bas-Rhin)
Villa Scheyder
Architecte : Franz Scheyder (1876-1949)
Date de construction : 1906
Propriétaire : commune de Schiltigheim
Inscription en totalité au titre des monuments historiques le 7 juillet 2022
Du nom de son constructeur et premier propriétaire, la Villa Scheyder est facilement repérable en raison de son style régionaliste pittoresque et aussi des crayons de couleurs gigantesques signalant l’entrée de l'école maternelle Jacques Prévert de Schiltigheim.
L’architecte Franz Scheyder ne l’habite que quelques années avant qu’elle ne devienne siège de la Raboterie strasbourgeoise, puis siège du Service des Eaux et de l’Assainissement (SDEA) du Bas-Rhin.
En 1980, la commune rachète la maison et y installe, dans l’annexe arrière, l’école maternelle.
En 2013, un projet d’extension de l’école est souhaité mais n’aboutit pas.
La Villa Scheyder est désormais protégée dans sa totalité.
"La Cité des Brasseurs"
La "Cité des Brasseurs", comme on surnomme Schiltigheim, trouve sa forme urbanistique globale dans l’histoire de son industrie brassicole.
La révolution industrielle et le développement économique sans précédent liés à l’installation de cinq brasseries vont caractériser son tissu urbain avec la construction de nombreuses usines en rapport.
En quelques décennies, le centre ancien est délaissé au profit d’une occupation vers la périphérie nord. Rapidement, et dès le dernier quart du XIXe siècle, la ville se dote d’un plan d’aménagement. Cependant, outre le canal de la Marne au Rhin mis en service en 1853 et la voie de chemin de fer à partir de 1852, les deux axes routiers que sont la route de Bischwiller et la route du Général de Gaulle – anciennement route de Brumath - déterminent une partie de la ville et fait figure de limite-même dans son développement, jusque dans le premier quart du XXe siècle.
C’est sur cet axe, au numéro 55, que se trouve la villa dite Scheyder, du nom de son constructeur et premier propriétaire : Franz Scheyder.
Bien qu’elle représente un cas relativement à part stylistiquement sur la commune, cette maison correspond pourtant aux sensibilités des constructions de la petite bourgeoisie de Schiltigheim à l’extrême fin du XIXe siècle.
Equerre et compas
La villa ne possède plus son portail donnant sur la rue, ni son « Vorgarten » – petit jardin donnant sur la rue – et elle a subi des transformations dans ses combles et au niveau de l’entrée au sud mais elle a conservé sa façade en retrait et la très grande partie de sa silhouette ancienne.
Habitation de l’architecte à Schiltigheim à l’origine, cette construction mêle tout à la fois des références régionalistes, des éléments néo-romans ou encore néo-renaissants.
Elle est LA vitrine de Franz Scheyder à Schiltigheim où il a pu réaliser plusieurs maisons et collaborer à des projets de lotissements. Ses deux façades visibles, est et sud, sont très différentes, avec des éléments saillants et des percements de profils distincts, singularisant d’autant plus cette maison à l’aspect hétéroclite.
Son élévation est de quatre niveaux.
L’ensemble est en maçonnerie recouverte d’un enduit blanc, avec des pierres en grès rose et en grès clair, et un pan de bois décoratif au troisième et quatrième niveau, et pour moitié de son corps principal.
D’importantes baies sur la façade est – notamment une baie à double niveau couronnée d’un mascaron à tête d’Alsacienne original – rythment son élévation.
Son toit est à longs pans, couvert de tuiles plates pour le long versant. Sa cheminée sur façade a disparu.
Sa façade sud, donnant sur un parking, est différente de la façade est mais elle est également de quatre niveaux. Son entrée sous porche a été modifiée comme sa porte principale intérieure déplacée, bien que conservée. Le balcon qui couronnait ce porche a disparu, tout comme l’ensemble de la porte-fenêtre et l’oculus qui la surmontait. Trois fenêtres ont été percées. On peut noter la petite fenêtre en ogive au rez-de-chaussée, qui fait référence à une niche à l’intérieur, dans l’ancien séjour. On distingue également le bas-relief décoratif médiéval.
Enfin, l’annexe de l’école maternelle est visible à l’angle, derrière le porche d’entrée.
La façade ouest, simple et sur une cour arrière fermée, reste peu accessible. La façade nord est mitoyenne avec le n°57 de la Roue du Général de Gaulle.
Atmosphère médiévale
Dans son architecture, Franz Scheyder convoque plusieurs styles. On peut y lire le vocabulaire du régionalisme – le Heimatstyl –, le néo-roman, le néo-renaissant et le Jugendstil, ou Art Nouveau.
A l’intérieur, les décors de boiseries en bois fruitier au niveau des portes, de la cage d’escalier et des plafonds, le carrelage géométrique en ciment de l’entrée et du vestibule n’ont pas été modifiés.
De même, de nombreux éléments – portes, radiateurs, moulures, portes, verrières – sont encore à leur place.
Le long du mur sud au rez-de-chaussée présente une niche, dont la petite baie centrale est en voûte d’ogive. Elle est couronnée d’un baldaquin en bois fruitier tourné, avec des colonnes torses, incluant un banc, une sorte de dais princier. Cette curiosité, avec le plafond chargé en décor néo-gothique ou néo-roman, accentue la sensation d’atmosphère médiévale de la villa.
A noter le raccordement de l’école maternelle à une aile construite dans les années 1980, au niveau de l’étage, qui accueille la cantine, des sanitaires et les salles pour les activités périscolaires.
Maison Egyptienne
Franz Scheyder a réalisé l’une des plus emblématiques maisons 1900 à Strasbourg : l’immeuble dit la Maison Egyptienne, situé au 10 rue du Général Rapp, dans la Neustadt. Cette maison est réalisée en collaboration avec le peintre Adolf Zilly (1873-1931), avec qui il travaille également pour une droguerie à Schiltigheim, en 1906. Elle date de la même année que la villa du 55 route du Général de Gaulle à Schiltigheim.
Une troisième maison, située au 16 rue de Verdun à Strasbourg, est également datée de 1906. La concomitance de ces trois constructions fait penser que Scheyder était alors à la tête d’un cabinet d’architecte remarqué, au carnet de commande établi. L’ensemble de sa production n’est cependant pas encore connu à ce jour, pas plus que le détail complet de sa formation.
Magstatt-le-Haut (Haut-Rhin)
Maison dîmière
Architecte : non connu
Date de construction : 1588 (date portée)
Propriétaire : privé
Inscription au titre des monuments historiques le 7 juillet 2022 : la Maison dîmière en totalité et le four à pain
L’Empereur Charlemagne décrète la dîme obligatoire : en moyenne un dixième des récoltes ou de la production – dîme, du latin decima pars, soit dixième partie – devra être prélevé au profit de l’Eglise, pour une répartition au sein du clergé et des pauvres.
Les divers types de produits ainsi versés – animaux d’élevage, céréales, vin, etc. – mais aussi le prélèvement en espèces, définissent en conséquence des lieux de collecte spécifiques : des bâtisses de pierre, pour la bonne conservation de la collecte, et sécures aussi, pour l’impôt en espèces.
Leurs architectures sont souvent imposantes, de plan rectangulaire, avec des caves et des greniers vastes, à proximité de l’église.
En Alsace et dans l’ensemble de la Région Grand Est, il existe moins d’une dizaine de maisons (ou de granges) aux dîmes/ dîmières ou dîmeresses protégées au titre des monuments historiques.
L’évêché de Bâle
Au Moyen Âge, le village de Magstatt-Le-Haut fait partie de la seigneurie d'Altkirch puis de celle de Landser.
A partir du XVe siècle, et jusqu’en 1648, le village et tout le Sundgau sont sous l’autorité du Prince-Evêque de la Ville de Bâle.
En 1820, Magstatt devient paroisse indépendante – elle était jusqu’alors rattachée à Magstatt-Le-Bas – et de nouveaux habitants s’y installent, conséquence de nombreuses constructions dans le village à partir de cette date et tout au long du XIXe siècle.
Au XVIe siècle, l’Europe entière est secouée par la Réforme. Pour les prélats balois, et le Prince-Evêque en particulier, le Jura français voisin permet un repli rapide, à Porrentruy.
Magstatt-Le-Haut, bien qu’en Terre d’Empire, est sous l’autorité de celui-là, dont l’avoué est le Roi de France, représenté sur place par le Conseil d’Alsace à Colmar.
L’évêché de Bâle à Porrentruy et aussi la Ville de Bâle perçoivent directement les différents droits de propriétés. Ainsi, la Maison dîmière de Magstatt-Le-Haut qui appartenait au couvent Saint-Alban à Bâle, puis à l’église Saint-Laurent de Magstat-Le-Haut, récolte la dîme jusqu’à la Révolution.
La Maison dîmière trouve par la suite une autre fonction : elle est logis pour les époux et fermiers Brunner et Bissel – une immense grange à foin perpendiculaire à la maison laisse apparaître le nom des époux et le millésime de 1832 sur le linteau de sa porte – et bien plus tard, pendant la Seconde Guerre mondiale, elle est hôpital de campagne pour les soldats blessés.
Maison gothique en pierre
Située rue d’Alsace, le long de l’une des rues les plus longues du village, prolongée par la rue du Maréchal Foch, parallèle à la rivière le Moosbach, la Maison dîmière est datée de 1588 (date portée sur le linteau de la porte d’entrée).
Connue et repérée par l’Inventaire Général, elle constitue l’une des plus anciennes maisons de Magstatt-Le-Haut. En grès et moellons enduits, elle présente toutes les caractéristiques des vastes maisons du XVIe siècle. Elle conserve par ailleurs des dépendances : deux granges, dont l’une datée de 1832, un four à pain et une fontaine avec un puits. Elle est qualifiée de « maison gothique en pierre » dans les chroniques anciennes et l’iconographie témoigne du fait que cette maison n’a que peu été modifiée depuis plus de cinquante ans.
Un four à pain
Avec son toit à longs pans, couvert pour partie des deux versants inférieurs en tuile mécaniques et en tuiles biberschwanz, la Maison dîmière présente une demi-croupe visible au niveau du pignon. Une souche de cheminée est installée au faîte du toit. La corniche est en pierre, datable du XVIe siècle. Sur sa façade principale, au sud, son élévation est de quatre niveaux. L’accès à la porte d’entrée principale au sud se fait par un escalier. Une galerie étroite avec un garde-corps fin conduit jusqu’à la salle de collecte de la dîme. On peut distinguer deux périodes de construction : celle du XVIe siècle des fenêtres d’origine à triplets, chanfreinées, sans meneaux, et celle des XVIIIe-XIXe siècles, des autres fenêtres plus simples et à feuillures. Le premier étage est percé de quatre baies au-dessus de chacun des percements, portes et fenêtres du rez-de-chaussée.
La façade nord est tout à fait distincte de la façade sud. La maison a conservé son four à pain, formant au premier niveau l’élément majeur de cette façade. Les baies sont vraisemblablement d’origine. Elles possèdent leurs caractéristiques XVIe : petites, étroites, avec appui mouluré d’une gorge saillante et encadrement important. Par ailleurs, deux d’entre-elles possèdent encore des barreaux. Un four à distiller fin XIXe-début XXe s’appuie contre la façade. Le four à pain ancien est constitué de briques peintes d’un enduit jaune, avec d’un soubassement en pierre et d’une sorte de treillis de poutres. Il est couvert d’un petit toit en bâtière, avec tuiles mécaniques. Ce toit a sans doute été refait à l’identique à de nombreuses reprises.
Façades est et ouest
Le pignon est présente une élévation à quatre niveaux, avec à chaque niveau des baies rythmant la façade. Toutes anciennes, ces baies pourraient correspondre à deux époques de constructions comme pour la façade sud : le XVIe siècle et le XVIIIe-XIXe siècles. Le pignon ouest reçoit quant à lui bien plus de lumière : sept fenêtres, là aussi vraisemblablement de deux campagnes de construction différentes, ouvrent sur la rue.
En ce qui concerne les intérieurs, le logis décrit un plan simple, avec une série de pièces, autour d’un escalier. A sa droite, est installé le séjour, avec un plafond à caissons de bois et un rare poêle alsacien, ou Kachelofen, signé Joseph Wanner, datant de 1843. Son décor mêle à la fois les carreaux au pochoir et des scènes bucoliques. Le poêle voisine avec une Kunscht, une sorte de coin-lecture située entre le poêle lui-même et la cuisine, où se trouve sa source d’alimentation. Après le salon suit la stub, avec un plafond également à caissons, puis la cuisine, avec la trappe du four à pain visible dans le mur nord. Un escalier menait vraisemblablement à la première cave – une trace est visible sous la table de la salle à manger. A l’étage, un palier présente des chambres et espaces au-dessus de l’ancienne salle de collecte de la dîme avec un long couloir, utilisés pour accueillir les lits de l’hôpital de campagne pendant la Seconde Guerre mondiale – lesquels sommiers sont toujours au grenier de la maison ! A gauche au-dessus du logis, sont installées d’autres chambres, dont l’une conserve un ancien fumoir. On y note les mêmes plafonds à caissons et des planchers anciens.
La salle de collecte de la dîme
Accessible par l’extérieur uniquement, au bout d’une coursive avec un garde-corps qui aurait été réalisé par un soldat allemand alors que la maison était un hôpital de campagne pendant la Seconde Guerre mondiale, l’ancienne salle de la collecte de la dîme, chaulée pour partie, est restée dans un état de conservation ancien. L’encadrement en pierre de la porte reste caractéristique du XVIe siècle. Un pan de bois sépare le corps du logis de la salle de la collecte alors que les autres murs sont en moellons. Trois baies, dont les verres ont été refaits par le propriétaire, percent les deux murs gouttereaux et le pignon est.
Les deux caves semi-enterrées sont en moellons et terre battue. La première est la plus vaste. Elle possède une ouverture en plein cintre ; il s’agirait d’une cave destinée à la conservation des liquides. Un escalier accédait au rez-de-chaussée du logis, dans l’actuelle salle à manger. De petites baies sont percées dans le mur ouest. Un puits a été dégagé par le propriétaire, du côté de son mur ouest. La seconde cave sous la salle de collecte était destinée à d’autres denrées.
La protection au titre des monuments historiques
La protection au titre des monuments historiques est un statut juridique qui permet de protéger un bien mobilier ou immobilier de la destruction ou de la dénaturation. Les notions de rareté, d’exemplarité et d’intégrité des biens sont prises en compte. Par cette protection, l’État en reconnait la valeur patrimoniale.
La Commission régionale du patrimoine et de l'architecture (CRPA) et la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA) formulent des avis sur les demandes de protection (respectivement inscription ou classement).
La demande de protection peut émaner des services de l'État, du propriétaire ou de tout autre acteur y ayant intérêt.
Les immeubles ou parties d’immeubles, bâtis ou non bâtis(comme les jardins, grottes, parcs, vestiges archéologiques...) et les objets mobiliers (meubles par nature ou immeubles par destination, comme les orgues) sont susceptibles d'être protégés.
- En savoir plus sur la protection
- Consulter la liste des édifices protégés dans le Grand Est par département
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