Les six monuments qui viennent d'être protégés, par arrêtés de la Préfète de région, datés du 3 novembre 2020, sur proposition de la Commission régionale du patrimoine et de l'architecture du Grand Est, sont désormais inscrits au titre des monuments historiques, en raison de leur intérêt historique et artistique :
- le domaine de Vaux représentatif d'un domaine aristocratique des XVIIIe et XIXe siècles ;
- Nancy-Thermal (début du XXe siècle), un ensemble atypique, implanté en milieu urbain, alliant thermes et bains municipaux ;
- la ferme des Custine témoin de l’habitat rural du XVIIIe siècle ;
- le fort de Queuleu réalisé sur le modèle de Séré de Rivières et lieu mémoriel de la Seconde Guerre mondiale ;
- les vestiges du château de la Horgne, en tant que témoignage du siège de Metz en 1552, puis comme lieu de culte majeur pour les protestants du pays messin ;
- l’église luthérienne de Frœschwiller représentative du courant néo-gothique et de l’histoire des monuments historiques.
Trois autres édifices ont été protégés en 2020 (arrêté du 24 avril 2020) : le Mausolée de Bourgogne-Fresne (Marne), le Théâtre des Bleus de Bar à Bar-le-Duc (Meuse) et le Site du Grand tissage à Husseren-Wesserling (Haut-Rhin).
en savoir plus
La Région Grand Est compte, au 1er janvier 2021 :
- 2815 immeubles inscrits ;
- 1475 immeubles classés ;
- 182 protections mixtes.
Liste des monuments protégés au titre des monuments historiques dans le Grand Est
Présentation des six édifices protégés en date du 3 novembre 2020
FOUCHÈRES (Aube)
CHÂTEAU DE VAUX – extension de protection
Architecte : Philippe De Laforce et inconnus
Dates de construction : 1721-1780 et XIXe siècle
Propriétaire : privés
Inscription au titre des monuments historiques le 3 novembre 2020 (l’ensemble des éléments architecturaux du domaine sont inscrits en totalité, en complément des protections partielles existantes)
Pour avoir conservé le château et ses communs, son pigeonnier, la maison du gardien, les murs du potager, un abreuvoir-pédiluve, les allées structurant les vestiges du parc, le domaine de Vaux est représentatif de ce qu’était un domaine aristocratique au XVIIIe et XIXe siècles.
Le château de Vaux est construit à l’écart du village de Fouchères pour le comte Jacques d'Aubeterre (1663-1726) dont la famille possède la seigneurie de Fouchères et de Vaux depuis la fin du XVIe siècle. Une première campagne de travaux, sous la conduite de Philippe De Laforce, architecte de la famille d’Orléans, commence en 1719 et s’achève en 1724 sans terminer tous les aménagements intérieurs.
Un projet d’achèvement et de modifications des intérieurs est proposé par De Laforce en 1752 à la famille d'Aubeterre. Le document précise que le château a été construit d’après un dessin de Germain Boffrand (1667-1754), le célèbre architecte du XVIIIe siècle, mais De Laforce l’a librement interprété car le bâtiment reflète ses réalisations entre 1725 et 1733, l’hôtel de ville de Sainte-Menehould (1725) ou l’hôtel-Dieu de Troyes (1733).
Le nouveau propriétaire de Vaux, en 1760, François Rémond, marquis de Montmort achèvera définitivement les aménagements intérieurs et poursuivra le tracé de l’avenue du château jusqu’à la route de Troyes à Dijon, entre 1770 et 1780, complétant la vue sur le château et l’intégrant dans le paysage.
Le XIXe siècle apportera peu de changements à la composition du XVIIIe siècle : une maison de gardien est construite en 1834 à l’entrée de l’avenue qui perd sa double rangée d’arbres, un abreuvoir-pédiluve (1834) et un nouveau potager est représenté sur le plan du domaine de Vaux en 1862. Charles de Maupas, ancien ministre de la Police de Napoléon III, ancien préfet puis président du conseil général de l’Aube, en est propriétaire depuis 1855. Sa famille le restera jusqu’en 1971 et vendra le château à une association d’aide à des enfants handicapés. L’association occupera les communs mais abandonnera le château ; elle demandera sa protection au titre des monuments historiques ainsi que celle des communs.
Le premier arrêté n’a pas pris en compte tous les éléments constitutifs du domaine et le nouveau propriétaire depuis 2015 a entrepris la mise en valeur de l’ensemble du château et a demandé un complément de protection au titre des monuments historiques.
Le château se compose d’un corps central, de trois ailes de communs, d’un pigeonnier et d’une longue avenue d’accès offrant une belle perspective dans l’axe du château ; celle-ci parcourt une ligne droite de 2,9 km. Elle est large de 50 m avec une chaussée de 17,50 m qui varie, selon les endroits, entre 40 et 44 m, avec une chaussée large de 6 m. C’est un chemin de terre bordé par deux étendues latérales, en pelouse, et par des arbres. À l’origine, une double rangée d’arbres, formant une contre-allée, longeait chaque côté de la chaussée. Un pont en pierre a été construit sur son tracé dans le courant du XIXe siècle.
La maison du gardien apparaît sur le cadastre de 1834. Elle comprend deux niveaux ; les murs sont enduits et tous les encadrements rectangulaires ou en arcs brisés sont en briques rouges. Le plan est rectangulaire avec un grand porche en saillie sur la façade principale, s’ouvrant avec un arc brisé. La couverture est en ardoise. L’ensemble reproduit les modèles des « cottages » anglais et romantiques diffusés en France dès le début des années 1830.
Le potager offre un vaste enclos de 100 m sur 50 m bien conservé ; l’ancien abreuvoir-pédiluve, en forme de trou de serrure, soigneusement maçonné complète la ferme du château. Il est représenté sur le cadastre de 1834 mais déjà une description de 1795 mentionne un abreuvoir. Il n’est pas en eau actuellement.
NANCY (Meurthe-et-Moselle)
NANCY-THERMAL
Architecte : Louis Lanternier
Dates de construction : 1912 – 1914
Propriétaire : Métropole du Grand Nancy
Inscription au titre des monuments historiques le 3 novembre 2020 (sont inscrites en totalité au titre des monuments historiques les parties suivantes du bâtiment des thermes : le hall principal, la piscine ronde, le pavillon de la source, la galerie nord. Sont inscrites au titre des monuments historiques les façades de la galerie Est du bâtiment des thermes. Est inscrite en totalité au titre des monuments historiques la grande piscine d'eau thermale, actuelle piscine olympique).
Composée de luxueux thermes ainsi que d’une vaste piscine d’eau thermale conçue comme des bains municipaux, cette station thermale érigée à la veille de la Première Guerre mondiale constitue un ensemble atypique de par son implantation en milieu urbain et les différents publics visés.
Après avoir découvert en 1909 la présence d’une source naturelle d’eau chaude à proximité du parc Sainte-Marie, l’architecte Louis Lanternier (1859–1916) esquisse les plans d’un ambitieux complexe thermal entendant transformer Nancy en ville d’eaux.
Ce projet de grande ampleur, qui s’inscrit dans l’émergence d’un nouveau quartier autour du parc Sainte-Marie, prévoit la construction d’imposants thermes, mais aussi de bains municipaux, d’un grand hôtel, d’un théâtre, d’un casino, d’un restaurant, de magasins et d’un bâtiment dédié à l’embouteillage.
La Compagnie fermière des Thermes de la Ville de Nancy est créée en 1910 pour mener à bien l’ambitieux dessein de l’architecte. Toutefois, la Première Guerre mondiale met un frein à la construction de Nancy-thermal. En effet, seuls les bains municipaux et une partie des thermes sont inaugurés, respectivement en 1913 et en 1914.
La conjoncture est ensuite peu favorable au bon fonctionnement de l’ensemble thermal qui fait face à des difficultés financières et techniques, en raison du tarissement de la source au début des années 1930.
Le rachat du site par la ville en 1935 ainsi que la réalisation quelques années plus tard d’un deuxième forage permet à l’établissement thermal de ne pas péricliter. Ce dernier est cependant fragilisé par des travaux inadaptés menés par les autorités allemandes durant la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, après avoir remis en état le complexe thermal et creusé un troisième forage en 1964, l’activité reprend.
Suite au succès d’un quatrième forage réalisé en 2010, la perspective de réhabiliter l’établissement en pôle thermal agréé se concrétise, l’ensemble faisant depuis l’objet d’un important projet de requalification mené par son actuel propriétaire, la Métropole du Grand Nancy.
Le complexe thermal se divise en deux entités distinctes : d’une part les thermes, abritant la piscine ronde et le pavillon de la source, et d’autre part les bains municipaux correspondant à l’actuelle piscine olympique.
L’édifice accueillant les thermes se compose d’un hall principal qui mène à la piscine ronde. L’ensemble est bordé par deux galeries situées sur les côtés nord et est, au croisement desquelles se trouve le pavillon abritant la source découverte en 1909.
La silhouette de l’édifice est magnifiée par trois dômes, surplombant la piscine ronde, le hall principal, ainsi que le pavillon de la source.
Conçue comme des bains municipaux, la grande piscine d’eau thermale est constituée d’une vaste nef, couverte par une voûte en berceau percée de sept lanterneaux.
Bien que le complexe thermal ait connu au fil du temps un certain nombre de modifications, certains éléments ont conservé leurs dispositions historiques et leurs décors, notamment en grès (piscine ronde) ou en mosaïque (pavillon de la source).
ASSENONCOURT (Moselle)
FERME DES CUSTINE
Architecte : inconnu
Dates de construction : entre 1722 et 1725 puis réaménagements réalisés au XIXe siècle et après 1945
Propriétaire : privés
Inscription au titre des monuments historiques le 3 novembre 2020 (sont inscrits en totalité au titre des monuments historiques le corps de logis et la grange composant la ferme des Custine)
Particulièrement bien documentée et bien conservée, la ferme des Custine à Assenoncourt constitue un précieux témoignage des possessions de la famille de Custine et de l’habitat rural du XVIIIe siècle dans une zone qui a connu les destructions des guerres.
Le domaine d’Assenoncourt était une dépendance des seigneurs de Guermange, comtes de Custine. Construites entre 1722 et 1725, la maison et la grange font partie d’un important domaine agricole confié à des fermiers tout au long du XVIIIe siècle.
Les biens des Custine sont placés sous séquestre en 1794, puis en 1802 le domaine d’Assenoncourt est vendu par la famille. Racheté par un cultivateur en 1851, le domaine reste dans la même famille durant les XIXe et XXe siècles sans que des modifications majeures soient entreprises. Des travaux d’aménagement sont réalisés pendant et après la Seconde Guerre mondiale.
Le domaine des Custine se caractérise aujourd’hui par sa maison de maître et sa grange construites en briques rouges au début du XVIIIe siècle.
De plan massé rectangulaire, le corps de logis est couvert d’un toit brisé à croupes. Sa structure intérieure reprend celle des maisons rurales lorraines : ancienne cheminée au large surmontée d’un fumoir, poêle, cloisons intérieures en pan de bois et clayonnage.
La grange aux briques rouges apparentes est couverte d’une charpente à poteaux caractéristique des maisons lorraines.
METZ (Moselle)
FORT DE QUEULEU
Architecte : Séré de Rivières (ingénieur)
Dates de construction : 1868-1870 ; 1872-1874 ; 1885-1890
Propriétaire : propriété de l’État
Inscription au titre des monuments historiques le 3 novembre 2020 (sont inscrits en totalité au titre des monuments historiques les structures, les substructures et les fossés du Fort de Queuleu, ainsi que le sol des parcelles : n°73, n°62, n°192. Cette protection vient compléter une protection antérieure comprenant la caserne II, inscrite au titre des monuments historiques en tant que lieu de détention de 1943 à 1944 par arrêté du 13 février 1970).
Le fort de Queuleu relève du modèle défini par Séré de Rivières avant la guerre de 1870 pour les forts détachés, et à ce titre il préfigure le système mis en place à l’échelle de toute la France à partir de 1874.
Annexe du camp de concentration du Struthof, camp spécial d’internement de la Gestapo, puis centre de séjour surveillé après la Libération, le fort de Queuleu devient un lieu mémoriel après la Seconde Guerre mondiale.
Conçu pour renforcer la place forte de Metz, le fort de Queuleu est construit à partir de 1867 sur les plans de Séré de Rivières.
Les travaux interrompus par la guerre de 1870 sont repris par l’armée allemande qui achève et modernise le fort. Rebaptisé Feste Goeben, le fort conserve les caractéristiques définies par Séré de Rivières avant 1870, ouvrage autonome avec des casernements importants, de vastes fossés et des communications intérieures facilitées.
Sa physionomie est fixée avant la Première Guerre mondiale. Ayant perdu de son intérêt stratégique après 1918, le fort de Queuleu devient un lieu de casernement puis d’internement.
Annexe du camp de concentration du Struthof en 1943-1944, camp spécial d’internement de la Gestapo en 1943-1944, puis centre de séjour surveillé après la Libération en 1945, le fort de Queuleu devient un lieu mémoriel après la Seconde Guerre mondiale.
La fonction mémorielle est reconnue par l’inscription au titre des monuments historiques par arrêté du 13 février 1970 de la caserne II qui a servi de camp spécial de la Gestapo, puis par l’inauguration du Mémorial de la Résistance et de la Déportation, œuvre de Roger Zonca (1925-2010) en novembre 1977.
Aujourd’hui fortement boisé, le fort de Queuleu est constitué de six bastions, entourés par un fossé sec comprenant murs d’escarpe et de contrescarpe maçonnés.
De plan pentagonal, le fort est organisé autour du cavalier central (élévation de terre où se plaçait l’artillerie).
Les importantes levées de terre réalisées pour constituer les parapets, talus et autres plateformes sont encore largement présentes et structurent le site.
Composé de nombreux ouvrages (casernes, abris, casemates, magasins, poudrières, poternes, latrines), le fort se caractérise par la présence de trois importantes casernes construites sur deux niveaux, la caserne du cavalier est la plus remarquable par son élévation ordonnancée et sa finition soignée.
L’ensemble des bâtiments présente des graffiti et inscriptions qui témoignent de l’occupation du site, et notamment des périodes d’internement. La caserne I, sur le front de gorge, renferme des peintures murales aux sujets militaires (en 1939-1940) ou plus inattendus (personnages de Walt Disney pendant l’occupation nazie).
Le fort de Queuleu présente aujourd’hui la quasi-totalité des ouvrages construits avant 1914. Au-delà des ouvrages construits, c’est l’ensemble de la structure du fort qui a été largement préservée avec ses cheminements, ses accès, ses dénivellations.
MONTIGNY-LES-METZ (Moselle)
VESTIGES DU CHATEAU DE LA HORGNE
Architecte : inconnu
Dates de construction : XVe – XIXe siècles
Propriétaire : privés
Inscription au titre des monuments historiques le 3 novembre 2020 (sont inscrits en totalité au titre des monuments historiques les vestiges conservés du château de la Horgne, ainsi que le sol correspondant à l'emprise de l'ancienne ferme fortifiée (parcelle 337)).
Avec les fortifications médiévales de la ville de Metz, les vestiges du château de la Horgne constituent un des rares sites permettant d’évoquer le siège de Metz en 1552. Cet évènement historique majeur marque l’avancée vers l’est du royaume de France ainsi que le déclin de l’empereur Charles Quint à la fin de son règne.
En outre, l’ancienne ferme fortifiée présente un intérêt pour l’histoire du protestantisme en Moselle. Lieu de culte majeur pour les protestants du pays messin, elle a accueilli au XVIIe siècle des célébrations par le pasteur Paul Ferry à plusieurs reprises.
Construite au Moyen Age, la ferme fortifiée de la Horgne est la propriété de l’abbaye Saint-Clément de Metz, avant d’appartenir successivement à plusieurs familles patriciennes messines.
En 1552, lors du siège de la ville de Metz par les impériaux, Charles Quint réside au château de la Horgne, tandis qu’un camp militaire est établi à proximité.
En partie détruite sur ordre du duc de Guise, la maison-forte est reconstruite au cours des années suivantes.
A partir de 1604 et jusqu’à 1680, elle constitue un lieu de culte majeur pour la communauté protestante du pays messin. Le pasteur Paul Ferry, célèbre pour sa controverse avec Bossuet, s’y marie puis y prêche à plusieurs reprises. Pendant la Révolution, son pont-levis et une des tours sont détruits lors de la fête du 14 juillet 1794. Elle devient alors une simple ferme.
De nombreux bâtiments sont démolis à la fin des années 1960.
La ferme de la Horgne était organisée autour de trois cours séparées par des murs ou des bâtiments.
La plus anciennes des trois cours est celle située au sud-est, qui correspond à l’emprise de la ferme fortifiée médiévale. Ceinte de murs, elle était entourée de fossés qui ont vraisemblablement été comblés à l’ouest et au nord au cours du XIXe siècle. Les deux autres cours se situent au sud-ouest et au nord de la cour fortifiée médiévale.
En dépit des destructions réalisées à la fin des années 1960, le site a conservé plusieurs vestiges en élévation. De la cour médiévale fortifiée subsiste une tour dite de Charles Quint, qui présente d’épaisses maçonneries et qui est pourvue de canonnières, ainsi que plusieurs vestiges de murs. La cour située au sud-ouest a conservé plusieurs murs en élévation, des escaliers semi-circulaires permettant d’accéder à une terrasse et une tour dotée de canonnières. De la façade principale, il subsiste des vestiges du portail d’entrée. En outre, le diagnostic archéologique réalisé par le Pôle d’archéologie préventive de Metz-Métropole a mis en évidence, sur la parcelle cultivée à l’ouest du site, des structures pouvant être interprétées comme une partie du camp militaire construit pendant le siège de Metz par l’armée impériale.
FROESCHWILLER (Bas-Rhin)
ÉGLISE DE LA PAIX ET MONUMENT AUX MORTS DES STRAUS-DURCKHEIM
Architecte : Charles Winkler
Date de construction : 1874-1876
Propriétaire : Commune de Frœschwiller
Inscription au titre des monuments historiques le 3 novembre 2020 (sont inscrits en totalité au titre des monuments historiques l’église de la Paix, parcelle 66, et le monument funéraire des Straus-Durckheim, parcelle 67).
Église consacrée à la Paix, l’église luthérienne de Frœschwiller a une haute valeur symbolique.
Son architecture, tout comme son mobilier, restent également représentatifs du courant néo-gothique. Enfin, son statut de monument historique classé par les autorités allemandes, puis son déclassement tardif lors du retour de l’Alsace à la France et enfin cette nouvelle protection par arrêté du 3 novembre 2020, apportent un témoignage particulier à l’histoire des monuments historiques.
Situé dans la vallée de la Sauer, à proximité immédiate de Woerth, Frœschwiller est un village passé très tôt à la Réforme luthérienne. En 1685, un simultaneum est introduit dans la commune, dans ce qui était alors la première église du lieu. En 1841, la construction d'une nouvelle nef est planifiée, puis élevée en 1845 avec l'entrée principale sur la rue, dans le sens nord-sud.
Le 6 août 1870, la bataille de Frœschwiller-Woerth met environ 20 000 hommes hors de combat, les pertes étant d’environ 10 600 côté allemand et 9 600 côté français. Au cours de cette journée, l’église de Frœschwiller, qui sert d’ambulance pour plus d’une centaine de blessés, est incendiée, et les autorités victorieuses se sont engagées à reconstruire une église au même emplacement. Ainsi, en 1872, un projet de Charles Winkler, architecte des Monuments Historiques, est accepté. Les travaux débutent selon ses plans – la pose de la première pierre a lieu le 6 août 1872 – et très vite le prince royal Frédéric Guillaume place la reconstruction sous son autorité et de très nombreux dons provenant d'Allemagne aident à financer les travaux et l'ameublement de l'église.
L'édifice de style néo-gothique est achevé et inauguré en 1876. Le pasteur Charles Klein, qui avait suivi et encouragé les travaux, prononce le discours d'inauguration le 30 juillet 1876, en dédiant l'église à la Paix.
Celle-ci est classée monument historique par les autorités allemandes vingt ans après sa construction, puis radiée par les autorités françaises en 1929 de la liste des monuments classés.
L'église, orientée nord-sud, est précédée d'un porche à trois travées, voûtées d'ogives. Les portails sont en arc brisé, surmontés d'un gâble ; au sommet de l'arc central, se trouve une statue d'ange. Le tympan de la porte ouvrant sur la nef est sculpté d'un relief : le Christ et le tétramorphe. Le clocher en pierre de taille est couvert d'une flèche, avec dais, gâbles et gargouilles.
La nef compte quatre travées. Elle est en moellons couverts d'enduit, éclairée par deux niveaux de fenêtres, à une lancette au niveau inférieur, à deux lancettes et trilobes dans le niveau supérieur. Il n’y a pas de transept. La façade nord de l’église présente deux tourelles d'escalier aux angles nord-est et nord-ouest, avec escaliers en vis. Le chœur est peu profond. A l'intérieur, le vaisseau central voûté d'ogives est flanqué de tribunes au-dessus de passages latéraux couverts de voûtes en berceau surbaissé. Entre les travées, on retrouve des arcs trilobés. Les piliers, arcs, nervures des voûtes sont en grès sculpté. Les clés de voûte sont ornées de rosaces, et les chapiteaux des piliers sont à crochets. Les garde-corps des tribunes sont en tôle découpée, sauf celle de la tribune d'orgue, qui est en bois. Le chœur est couvert d’une voûte à croisée d'ogives, et percé de cinq baies hautes.
L’église de la Paix de Frœschwiller est l’une des œuvres majeures de l’architecte Charles Winkler.
Elle est aussi une église construite par l’Empire allemand dans un élan fédérateur au sein de l’Allemagne nouvellement unifiée et, dans une moindre mesure peut-être, dans un souci de réparation des dommages subis par les paroissiens de Frœschwiller.
Elle est aussi le témoignage de l’histoire des monuments historiques : en effet, l’édifice a été classé monument historique par l’administration allemande en 1898 puis, le 8 février 1927, il fait partie de la liste manuscrite des édifices à « supprimer » de la liste des Monuments Historiques d’Alsace-Moselle destinées à être transmise au secrétariat des Beaux-Arts pour mise à jour et publication dans le J.O. du 16 février 1930. Ainsi, l’église de la Paix est déclassée avec la mention suivante : « d’après 1870, sans intérêt, à moins d’un intérêt ” patriotique ” pour les Allemands ». Les demandes de re-protection de l’édifice déposées par la commune à trois reprises après-guerre (en 1968, en 1979, et enfin en 1981) ont toutes essuyé une fin de non-recevoir.
Le monument a, au moment de sa construction, un caractère intrinsèquement allemand, avec, indéniablement, une connotation reflétant l’Allemagne conquérante. A ce titre, il a une valeur historique significative. Par ailleurs, il s’agit aussi d’un lieu de culte et un mémorial aux soldats tombés, qui a été voulu et promu par un pasteur à la double culture, fortement marqué par le conflit et très attaché à la notion de paix. Cette église peut être regardée aujourd’hui comme l’incarnation d’une page incontournable de l’histoire qui a façonné le destin de l’Alsace et, par la suite, depuis sa construction, le visage évolutif des relations franco-allemandes.
Partager la page