Le mausolée de Bourgogne-Fresne (Marne) est une superbe illustration de l'art religieux de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, le Théâtre des Bleus de Bar à Bar-le-Duc (Meuse), inauguré en 1902, s'inscrit dans la tradition des théâtres à l'italienne et le site du Grand tissage à Husseren-Wesserling (Haut-Rhin), réalisé en 1835, est un exemple remarquable d’usines à étage, nées avec l'invention de la machine à vapeur.
La commission régionale du patrimoine et de l'architecture Grand Est a demandé au Préfet de région l'inscription des trois édifices. L'inscription permet de préserver les monuments qui présentent un intérêt d'histoire ou d'art (art. L621-25 du code du patrimoine).
La DRAC Grand Est recensait, à la fin 2019, 1 475 immeubles classés, 2 806 immeubles inscrits au titre des monuments historiques et 182 protections mixtes dans la région Grand Est. Liste des édifices protégés au titre des monuments historiques dans le Grand Est
Présentation des trois édifices
Théâtre des Bleus de Bar à Bar-le-Duc (Meuse)
Réalisation : Louis Morel
Date de construction : 1902
Propriétaire : Association Pour la Sauvegarde du Théâtre des Bleus de Bar
Inscription au titre des monuments historiques le 24 avril 2020
L’édifice se distingue par l’utilisation précoce du béton armé pour sa structure ainsi que par la préservation de son mécanisme scénique.
Claude-Marcel Mayeur (1859-1936), négociant en vin et confiture, et passionné de théâtre, fait l’acquisition, en 1900, d’un terrain situé sur le flanc de la ville haute de Bar-le-Duc en vue d’y construire un théâtre. La réalisation est confiée à l’entrepreneur en travaux publics Louis Morel. Baptisée « Nouveau Théâtre », la salle est inaugurée en 1902.
Dès 1906, en proie à des difficultés financières, Mayeur est contraint de céder le théâtre à l’un de ses créanciers qui le revend rapidement à une société civile créée par sept Barisiens. Les locaux sont dès lors mis à disposition de l’association Les Bleus de Bar / Patronage Saint Joseph. La salle est renommée « Théâtre Jeanne d’Arc » et accueille de nombreuses représentations théâtrales jusque dans les années 1960.
Pendant la Première Guerre mondiale, les deux salles superposées constituant les foyers du théâtre sont réquisitionnées pour accueillir des soldats. C’est à cette époque qu’un espace formant un troisième niveau est construit, remplaçant la terrasse d’origine. Durant la Seconde Guerre mondiale, l’édifice est occupé par les Allemands puis réquisitionné par les Américains entre 1944 et 1945.
Après la guerre, le lieu prend le nom de « Théâtre des Bleus de Bar ». Après être transformé en gymnase au début des années 1970, puis resté sans occupation pendant plusieurs années, le théâtre, menacé de destruction, est acquis en 2016 par l’Association Pour la Sauvegarde du Théâtre des Bleus de Bar qui, depuis, orchestre la restauration de l’édifice, afin de redonner au lieu sa vocation culturelle et théâtrale.
En 2018, le théâtre a fait partie des 18 édifices emblématiques bénéficiant des sommes récoltées par le premier loto du patrimoine. Désormais, l’édifice est inscrit en totalité au titre des monuments historiques, ainsi que son passage d’entrée couvert, son mur de clôture le long de l’avenue du Château et de la rue du Roat et la passerelle située à l’ouest.
Description architecturale
La salle comporte un parterre encadré par deux niveaux de balcons portés par des poutres de béton armé dissimulé sous des stucs et des plâtres. Le décor est varié, constitué de chapiteaux d’inspiration ionique, de putti, palmettes, guirlandes et rinceaux. Des cartouches honorent le nom de musiciens et d’écrivains célèbres alors que des médaillons sont ornés des armoiries de villes meusiennes.
La façade principale reprend un vocabulaire de style classique avec un couronnement de balustrades alors que la façade latérale, située rue du Roat, est rythmée par des baies orientalisantes.
Le mausolée de Bourgogne-Fresne (Marne)
Architecte : Octave Courtois-Suffit (1856-1902)
Sculptures : Roger Bloche (1865-1943) et Gustave Michel (1851-1924)
Vitraux : Gustave Rochegrosse (1859-1938)
Maître-verrier : Schmitt-Besch
Date de construction : 1900-1914
Propriétaire :
Inscription au titre des monuments historiques le 24 avril 2020
Le mausolée par sa mise en œuvre remarquable et son décor alliant somptuosité et finesse, illustre l'art religieux en France de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, exprimé d'importants artistes de l'époque.
Situé dans le cimetière de Bourgogne, il a été commandé par Mme Faynot pour honorer la mémoire de son mari et celle de sa famille.
Elle confie la conception à l'architecte Octave Courtois-Suffit (1856-1902) et fait intervenir les sculpteurs Roger Bloche (1865-1943) et Gustave Michel (1851-1924) à qui l'on doit le décor des ponts Alexandre III et de Bir Hakeim, à Paris.
Les vitraux, créés par le peintre Gustave Rochegrosse (1859-1938), sont réalisés par le maître-verrier parisien, Schmitt-Besch. Rochegrosse a également donné les motifs des mosaïques qui décorent l'édifice. Les travaux financés par Mme Faynot et ses héritiers ont duré de 1900 à 1914.
La Première Guerre mondiale épargne plutôt le mausolée. Seuls les vitraux sont soufflés par les explosions et la porte d'entrée, en métal, est enlevée par l'armée allemande. L'ensemble sera restauré après la guerre.
Laissé sans entretien pendant de nombreuses années, le monument fait l'objet, depuis 2012, d'une campagne de restauration et de mise en valeur par l'Association de Sauvegarde du mausolée de Bourgogne.
Il a été inscrit au titre des monuments historiques par l'arrêté préfectoral du 24 avril 2020, dans l'attente de sa présentation devant la Commission nationale de l'architecture et du patrimoine qui se prononcera sur son classement.
Description architecturale
L'intérieur du mausolée évoque la crypte Pasteur à Paris, achevée en 1896 et ses formes extérieures, la chapelle Notre-Dame de la Compassion érigée également, à Paris, en 1843, pour honorer la mémoire du prince Ferdinand, fils de Louis-Philippe.
L'édifice de 18 m de long et de 10 m de large, au transept, est réalisé dans une pierre blanche, proche de celle de la cathédrale de Reims. L'architecte a adopté un plan cruciforme et une coupole a été aménagée à la croisée.
Le transept est éclairé par de grandes baies semi circulaires autour desquelles sont sculptés des hauts-reliefs illustrant le thème de la Passion du Christ.
La façade principale, au sud, offre une porte en fer forgé semée d'anémones et décorée par deux plaques de bronze doré représentant des anges dont les traits évoquent l'esthétique Art-Déco.
A l'intérieur, les parois sont revêtues de marbre rouge opposés à des marbres italiens aux nuances jaunes et orangées ; l'ensemble est somptueux. La voûte en berceau cintré de la nef est une mosaïque représentant le Christ en croix avec la Vierge et saint Jean.
La coupole est soutenue par quatre groupes de trois colonnes avec des chapiteaux en marbre de Carrare. Au centre, on découvre le gisant de M. Faynot, sculpté également dans un marbre de Carrare, d'un blanc éclatant. A chaque angle, se détachant sur un fond de mosaïque dorées à l'or fin, sont représentés les quatre âges de la vie, tandis que les grandes arcades de la coupole reprennent le décor floral du mausolée de Galla Placida à Ravenne.
Dans le chœur, voûté en cul de four, la mosaïque offre une vision de la Trinité.
Le site du grand tissage de Wesserling à Husseren-Wesserling (Haut-Rhin)
Architecte : inconnu
Date de construction : 1835-1900
Propriétaire : Communauté de Communes de la Vallée de St-Amarin
Demande d’extension de protection : formulée par le propriétaire le 30 décembre 2009
Protection actuelle : parc de Wesserling comprenant château, barette (ancienne indiennerie), villas. Ensemble inscrit depuis 1998
Installé au cœur du Parc de Wesserling, le site du grand tissage de Wesseling est aujourd’hui l’un des plus beaux exemples d’usines dites à étage (ou « usines-blocs », comme les décrit Pierre Fluck, spécialiste du site), nées grâce à la machine à vapeur.
Description architecturale
Construit en 1835, le bâtiment s’élève sur cinq niveaux avec des planchers soutenus par trois files de colonnes de fontes. Il figure parmi l’un des premiers usages attestés de la fonte dans le bâti industriel en France. Étonnamment, l’épaisseur des murs extérieurs est décroissante d’étage en étage : ils atteignent jusqu’à 1,10 m en rez-de-chaussée pour finir à 60 cm au quatrième étage !
Quant à sa cheminée, de type « obélisque », elle est la dernière des onze cheminées du site de Wesserling et l’une des vingt dernières parmi les cheminées carrées de première génération restant en Alsace. Elle dispose d’un système d’économie d’énergie.
Cette construction répond à un contexte de développement économique sans précédent après la Révolution industrielle de 1830, après la fin de la prohibition des « indiennes » (impression sur étoffes), jusque-là fabriquées uniquement à Mulhouse (encore hors de France).
Historique du site
Pendant cent trente ans, Wesserling est une cité-usine d’une ampleur considérable occupant près de 70 hectares de terrain, dont 17 hectares de parc et jardins, 24 hectares de zone industrielle productive et une trentaine d’hectares de zones naturelles. Vers 1900, le site emploie près de 5 000 personnes et est reconnu mondialement pour la qualité de ses produits d’impression textile. Longtemps propriété de l’entreprise Gros-Roman et Cie, Wesserling a été racheté dans les années 1980 par Boussac Textiles qui a fermé ses portes en 2003.
Peu de temps avant, à la fin des années 1990, le Conseil Général du Haut-Rhin, propriétaire d’une grande partie du site industriel, a des projets impliquant la destruction d’un certain nombre de bâtiments historiques du site, comme la « barette », ayant abrité une usine d’impression sur étoffes (impression à la planche telle qu’elle est visible au MISE et au musée du papier peint de Rixheim). Une association de protection du patrimoine se constitue alors pour obtenir la protection du site au titre des monuments historiques. Son inscription au titre des monuments historiques intervient en 1998 et porte sur le parc paysager avec château, villa et ferme.
A partir des années 2000, l’Association de Gestion et d’Animation du Parc Textile de Wesserling développe l’attractivité touristique du parc et fait une demande d’extension de protection qui sera portée par la suite par la Communauté de Communes de la Vallée de Saint-Amarin ; favorable, l’extension de la protection, par arrêté du 24 avril 2020, porte ainsi sur le bâtiment du grand tissage de 1835 et les équipements afférents (carneau, turbines de 1900, canaux, chaudière dans la chaufferie, gazomètre), ainsi que sur la cheminée et deux usines à toitures en shed subsistant à l’état de vestiges.
Destiné à abriter un hôtel haut de gamme ou des logements, le nouveau monument historique s’inscrit dans la Vallée de Saint-Amarin comme un bel exemple de projet de sauvegarde du patrimoine industriel textile.
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