Restituer le chef d'œuvre du facteur parisien Cavaillé-Coll
La partie instrumentale
Réalisé par Nicolas Dupont entre 1756 et 1763, l’orgue de la cathédrale de Nancy est, dès cette époque, l'un des orgues importants de France. Il s’inscrit dans la lignée d’une nouvelle esthétique sonore mise en œuvre à Notre-Dame de Paris dès 1733.
Lorsqu’entre 1859 et 1861 Aristide Cavaillé-Coll, l'un des plus célèbres facteurs d’orgues français, reconstruit l’instrument, il devient, avec ses 64 jeux sur quatre claviers et pédale, un des plus grands orgues français.
Parmi tous les états successifs qu’a connu le grand orgue de la cathédrale de Nancy, celui laissé par Cavaillé-Coll en 1861 est le dernier état cohérent. C’est la restitution de cet état qui constitue l’objectif de cette restauration.
Cet état est bien documenté et les incertitudes demeurent très minimes, portant essentiellement sur le nombre de rangs du plein-jeu au positif et sur la facture du jeu de Flautone 8 du grand-orgue.
Bien que l’instrument ait été dénaturé par l'intervention de Hærpfer-Erman en 1965, surtout pour ce qui est du positif, il conserve encore une proportion non négligeable du matériel d’origine.
Près de 4 200 tuyaux démontés
L'orgue étant classé au titre des monuments historiques, ce parti pris de restauration a été examiné par la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, lors de la séance du 10 octobre 2019, et approuvé à l’unanimité.
Toute la partie instrumentale sera démontée et transportée en atelier pour y être restaurée en profondeur.
Le buffet
Deux corps du buffet resteront en place sur la tribune, à l’exception de quelques éléments :
- le baldaquin qui relie les deux tourelles principales à la voûte de l’édifice, ainsi que le grand cartouche ;
- l’abat-son situé entre la boîte expressive du récit et le baldaquin ;
- les couronnements des sept tourelles du grand orgue ;
- les couronnements des cinq tourelles du positif ;
- les boiseries latérales reliant le grand corps au mur latéral au-dessus de la corniche, avec les portes qui y mènent.
Le buffet sera nettoyé à la brosse aspirante, et à l’éponge humide pour les parties les plus encrassées. Toutes les surfaces seront ensuite traitées à la cire microcristalline.
Calendrier prévisionnel des travaux
- 15 novembre 2021- 15 janvier 2022 : montage de l’échafaudage
- 15 janvier 2022 – 15 avril 2022 : démontage de l’orgue
- 2022 - 2024 : travaux de restauration
Montant de l'opération
1 386 428 € : financement 100% Etat / DRAC Grand Est, dans le cadre de la mesure « Plan cathédrales » du Plan de relance de l’économie.
Maîtrise d'ouvrage
Direction régionale des affaires culturelles Grand Est (Conservation régionale des monuments historiques).
Maitrise d’œuvre orgue
Christian LUTZ
Expert organologue
30 rue du village 67310 Dangolsheim
Maîtrise d’œuvre échafaudage
Pierre-Yves CAILLAULT
Architecte en chef des Monuments Historiques
1 rue Bénard 75014 Paris
Coordonnateur SPS
Cabinet PREVLOR BTP
56 rue du 8e régiment de Dragons 54300 Lunéville
Entreprises
Facture d’orgue
Sarl Michel JURINE Facteur d’orgue
13 route de Fondrieu 69510 Rontalon
Sarl Atelier CATTIAUX - Olivier CHEVRON successeur
La Vidalie Haute 823 route de Sionac 19120 Liourdres
Sarl Manufacture d’orgues Jean-Christian GUERRIER et associés
1 rue des Seigneurs 68960 Willer
Installations de chantier, échafaudage et protections
Europe Echafaudage
7 rue du Patis 55320 Rupt-en-Woevre
Historique
Construit de 1756 à 1763, immédiatement après l’achèvement du chantier de l’édifice, l’orgue de la Primatiale (elle ne devient cathédrale qu’en 1777) est dû au facteur d’orgue de Nancy, Nicolas Dupont (1714-1781), créateur, par ailleurs, des orgues de la cathédrale de Toul et de l’église Saint-Jacques de Lunéville.
Cet instrument constitue, avec ses 44 jeux, le plus grand ouvrage de ce facteur et son chef d’œuvre. Il manifeste l’ambition épiscopale que le duc de Lorraine souhaitait pour sa capitale.
Du point de vue musical, il se situe dans la continuité de la nouvelle esthétique sonore des orgues initiée en 1733 à Notre-Dame de Paris par François Thierry, le maître de Dupont.
Survivant au vandalisme révolutionnaire, il est une première fois agrandi en 1808 par Jean-François Vautrin (1755-1835), facteur d’orgues à Nancy, qui porte l’étendue des claviers principaux de 50 à 53 notes, ajoute des jeux au récit et deux bombardes en bois dont une de 32 pieds, derrière le buffet, l’une des premières construites en France.
Entre 1835 et 1843, plusieurs interventions ponctuelles ont lieu qui ne remettent pas en cause la structure classique de l’instrument.
En 1857, le conseil de fabrique de la cathédrale fait appel à Cavaillé-Coll qui transforme l’instrument en un véritable orgue symphonique avec l’ambition d’en faire l’un des plus beaux d’Europe. La fabrique y consacre 25.000 francs et le reste des 50.250 francs est couvert par le ministère des cultes. Il répartit les jeux du grand orgue sur deux claviers et ajoute un grand récit expressif avec deux jeux de 16 pieds. Il place deux parois de verre de part et d’autre de la boîte expressive, ce qui en constitue la particularité. Il multiplie aussi le nombre des jeux d’anches : 23 sur 63 jeux, ainsi que les jeux de pédale (15 sur 63). Ce chef d’œuvre du facteur parisien est le plus grand construit par lui pour une église de province.
Les travaux sont achevés en 1861.
Même s’il a été altéré durant la seconde moitié du XXe siècle, l’instrument conserve un impressionnant potentiel sonore, qui en faire encore en puissance l’un des orgues majeurs du patrimoine européen.
Nicolas Dupont a sans doute aussi participé au dessin de la structure du buffet, avec ses nombreuses tourelles, inspiré des réalisations rocailles de l’architecte Jean-Nicolas Jennesson (1686-1755). Il s’intègre sur toute la largeur de la tribune et est couronné des armes du chapitre.
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