Chers amis,
La musique réussit ce miracle permanent de résonner de façon personnelle, pour chacun de façon différente, tout en nous reliant les uns aux autres. Elle scande nos vies en nous offrant des espaces de liberté et d'émotion. La jeunesse grandit grâce et à travers la musique, se construit collectivement grâce à elle quand tant d'autres choses la divisent.
Regardons autour de nous, en Europe, dans notre pays même, les incitations au repli, au rejet de l'autre sont une réalité. Le dénigrement de la culture une tentation à laquelle certains cèdent. Pour cette fête de la musique, un groupe nantais a dû refuser le contrat d’une municipalité qui lui imposait une prétendue « neutralité politique ». le retour à l’âge de pierre, « qui paie commande ». Un populisme à visage découvert et décomplexé.
Mais l’esprit de la fête de la musique, cette année, ce sont les musiciens et le public qui le donneront.
Au Pulse, à Orlando, il y a quelques jours, comme au Bataclan, à Paris, l’an passé, la culture, un mode de vie, une passion pour la musique, la danse, bref la passion de la liberté, celle de rire et d’aimer librement aussi en massacrant un club LGBT, a été frappée.
Beaucoup, je crois, voudront affirmer par la musique, par leur pratique libre, qu’ils tiennent à ces libertés acquises, à ce mode de vie, à cette liberté, à cette possibilité de se rassembler autour de propositions d’artistes.
Pour ma part, j’ai voulu que le siège historique du ministère soit transformé en une véritable scène ouverte aux artistes et au public.
La fête de la musique, c’est ce rassemblement.
Cette année, le thème de la sécurité publique s’est invité à la Fête de la Musique. Un thème lancinant qui ne peut être ignoré. En plein accord avec Bernard Cazeneuve, les mesures de sécurité qui s’imposaient ont été prises.
Avec la mobilisation des forces de sécurité pour les matches de l’Euro, quelques grands concerts ont dû être annulés [comme à Paris, Place Denfert Rochereau, l’événement FAIR et Ricard Live Music] ou reportés : Marseille organisera sa fête de la musique le 23 juin. A ces grands rassemblements se substituent d’autres formes, plus modestes mais fidèles à l’esprit original de la fête de la musique.
Après l’attentat contre le Bataclan, pour pallier une baisse de fréquentation, mais aussi pour que les festivals, les scènes, les cirques, puissent renforcer leur dispositif de sécurité aux points d’entrée, nous avons créé un fonds d’aide, géré par le CNV.
Pour que les arts de la scène vivent cet été, pour les festivals aussi, nous venons de débloquer 7 millions d’euros qui permettent de doubler les moyens déjà engagés. C’est un effort qu’il était nécessaire et important de faire, apprécié comme tel par les professionnels. Ils permettront de ne céder en rien sur les propositions culturelles en traitant de façon responsable les enjeux de sécurité.
Au-delà, le ministère de la Culture et de la Communication a déployé des efforts constants pour favoriser le renouvellement des talents, la diversité, le soutien à la création artistique et la consolidation de la filière musicale, pour laquelle de nouveaux modèles économiques, enfin, se dessinent.
Je pense en particulier aux moyens déployés afin de créer un réseau spécialisé de salles pour le développement de carrière des musiciens et des chanteurs par l’achèvement du « Plan Smac ». Depuis 2012, ce plan a progressivement permis la structuration d’une centaine de salles de production et de diffusion de spectacles qui ont principalement comme vocation de soutenir des artistes en développement. Elles sont essentielles pour le développement des musiques actuelles. (Ce réseau a bénéficié en 4 ans de 4 M€ supplémentaires, dont 2 M€ au titre de la seule année 2016.)
Au total, avec l’achèvement de ce plan pour une centaine de salles, l’effort annuel de l’État pour contribuer, aux côtés des collectivités territoriales partenaires à la vitalité de ce réseau, atteindra 12 M€.
Je pense bien sûr aussi au crédit d’impôt pour la production phonographique qui a été prolongé et renforcé afin de mieux soutenir les entreprises, et notamment les plus petites. Au crédit d’impôt créé à partir de cette année en faveur des producteurs de spectacle dès lors qu’ils s’engagent dans le développement d’artistes émergents. C’est aussi un fonds de soutien à la transition numérique de la musique qui est créé, doté de 2M€, pour contribuer au développement de l’offre légale.
C’est bien sûr aussi le renforcement de l’effectivité des quotas à la radio. Comme vous le savez, le Parlement s’est accordé sur le projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine. J’étais aujourd’hui même à l’Assemblée Nationale pour la lecture du texte, qui sera promulgué avant le 14 juillet. Je salue la présence de Patrick Bloche, rapporteur, et président de la commission des affaires culturelles qui y a joué un rôle majeur.
Ce texte conforte la place des artistes et de la création dans notre quotidien.
Il garantit la liberté de création mais aussi de diffusion des œuvres.
Il encourage la diversité, objectif majeur pour la musique
grâce aux quotas, instrument exemplaire et nécessaire pour combattre l’uniformité et assurer une réelle diffusion de la musique francophone.
La chanson française regorge de talents mais encore faut-il qu'ils puissent être entendus.
Mais la diversité à la radio n'est pas toujours spontanée.
Elle demande à être défendue et protégée.
Les artistes doivent pouvoir défendre leur chance auprès du public.
J’ai proposé une mesure pour garantir l'application réelle des quotas de chansons francophones et améliorer l’exposition de la diversité des artistes, soutenue en cela par l’ensemble de la filière musicale, par plus de deux mille artistes. Je voudrais vous remercier de votre soutien -explicite et massif - qui a réussi à emporter la conviction des sénateurs, d’abord sceptiques sur la mesure. C’est la possibilité pour les artistes de se faire connaître et d’exister qui était en jeu. Les quotas ne pourront plus être faits en se concentrant sur quelques titres à succès.
A terme, le bilan pour les radios aussi sera extrêmement positif j’en suis sûre. Leur ligne éditoriale est d’ailleurs prise en compte car des engagements strictement définis en faveur des jeunes talents et de la diversité au sens large pourront leur permettre d’accéder à un régime adaptés.
Promouvoir la chanson francophone, garantir plus de diversité des titres diffusés et donner toute leur place aux jeunes talents et aux nouvelles productions : c’est le message que nous portons car il n’y a pas de culture sans diversité, ni diversité sans renouvellement de la création.
Enfin, il n’y a pas de création sans créateurs. C’est pour cela que nous défendons le droit d’auteur à Bruxelles, pour cela que nous avons inscrit dans la loi, pour les usages numériques de la musique, le principe de rémunération minimale garantie des artistes – qui est négocié dans le cadre du droit des conventions collectives. Pour cela aussi que la loi va créer aussi un observatoire de l’économie de la musique auprès du CNV
Surtout, cette année, la Fête de la musique se déroule alors que nous allons clore une longue période d’incertitudes et de fragilités pour le régime d’assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle. Dans un cadre sécurisé par la loi, avec le soutien de ce Gouvernement, les partenaires sociaux ont su trouver le 28 avril un accord historique dont il convient de mesurer la portée.
Cet accord est en effet historique : pour la première fois, ce sont les partenaires sociaux du spectacle qui ont eu les clés de la négociation. Et ils s’en sont emparés. Ils ont trouvé un accord unanime : tous les partenaires l’ont signé, tous les syndicats de salariés, tous les employeurs à travers leur fédération.
Cet accord est juste : il est mieux adapté à la réalité de l’emploi des artistes et des techniciens du spectacle. Il répond à des revendications en déshérence depuis plus de 10 ans.
Cet accord est responsable : il devrait générer de 84 à 93 M€ d’économies en année pleine, grâce à des contributions accrues des employeurs et aussi des plafonnements nouveaux. La prise en charge par le Fonds de professionnalisation et de solidarité (Fonds de 2007, volet indemnisation) de deux mesures s’apparentant à la solidarité nationale pour un montant de 12M€ permettra d’atteindre les 105M€ d’économies demandées au secteur par le cadrage initial.
En ce sens, l’accord est aussi exemplaire, car on sait désormais que ce qui a été réussi par les employeurs et salariés du spectacle ne l’a pas été pour le régime général.
Cet accord du 28 avril entrera en vigueur dès le mois de juillet, grâce à un décret du Gouvernement.
L’accord est transparent, il est responsable, il sera pérenne.
S’ajoute à cet accord la mise en place d’un fonds en faveur de l’emploi doté de 90 M€ dont nous définissons actuellement avec les professionnels les contours.
Il nous faut collectivement mesurer que ce qui vient d’être fait est exceptionnel, à la fois inédit, juste et sécurisant pour ces artistes et techniciens qui font la richesse de la création dans ce pays.
Enfin, c’est aussi la pratique de la musique par les plus jeunes que nous voulons encourager et développer.
Grâce à 8 M€ de mesures nouvelles en 2016, l’Etat va réinvestir dans les conservatoires, aux côtés des collectivités territoriales, en accordant une attention toute particulière à la mixité sociale.
Nous allons aussi accompagne de nombreuses initiatives qui ont fait leur preuve. Je pense bien sûr à DEMOS, projet développé par la Philharmonie de Paris, sous l’impulsion de Laurent Bayle, ou au travail que fait l’association « Orchestre à l’école ».
DEMOS, en partenariat avec les collectivités locales, permet à des jeunes issus de quartiers populaires et parfois en difficulté scolaire de s’initier à une pratique instrumentale en dehors du cadre scolaire ou du conservatoire. Ce sont en 2013-2014 plus de 1000 enfants qui ont bénéficié du projet. J’assisterai ce week-end à leur concert de fin d’année. L’objectif est d’atteindre 30 orchestres soit 3000 jeunes d’ici à 2018.
Je veux aussi vous faire partager mon enthousiasme pour l’initiative qu’Olivier Mantéi et son équipe de l’Opéra Comique ont prise avec l’OpéraOké.
Ce travail qui s’est déroulé sur plusieurs mois avec des publics d’adultes et d’enfant dont 60% n’avaient jamais vu un spectacle à l’opéra s’est conclu par un événement mémorable samedi dernier dans le cadre de la FanZone du Champ de mars, avec le soutien de la Ville de Paris, avec le chœur Accentus et deux magnifiques chanteurs solistes.
Le public a repris en chœur des extraits de Carmen, de la fille de Madame Angot, de Ciboulette dont les paroles s’affichaient sur les écrans géants …et il faut voir en ligne la diversité des contributions comme l’adaptation rap de Reynaldo Hahn par les Apprentis d’Auteuil.
Comme pour DEMOS, j’ai demandé à Olivier Mantéi d’imaginer comment élargir cette opération dès l’année prochaine à l’ensemble du territoire national. Et à terme, au-delà.
Il nous faut plus que jamais soutenir ces dispositifs d’émancipation, en direction des jeunes ou des personnes qui n’osent pas faire la première démarche vers la musique et le chant, et qui s’appuient sur la pratique musicale mêlant professionnels et amateurs. Mieux que personne Jean-Claude Casadesus, qui était parmi nous ce soir, incarne par son engagement de toujours, non seulement ces valeurs mais leur mise en œuvre concrète comme vous il l’a fait en précurseur, il y a 40 ans avec l’Orchestre National Lille.
Chers amis,
Dans ces temps de repli des imaginaires, de tentation populiste, la culture reste une formidable puissance d’espérance, un espace de liberté et d’écoute de l’autre.
A travers la défense de la liberté de création, le combat pour la rémunération des créateurs, la diversité musicale à la radio, dans les salles de spectacles, le renforcement des outils d’exportation de la musique, à travers aussi la pérennisation, grâce à un accord responsable et historique, du régime d’intermittence, nous avons su collectivement trouver comment donner à la création son espace, comment la renforcer, comment lui donner les moyens de se défendre, de nous défendre. Je vous souhaite une excellente fête de la musique, ici ce soir avec Marvin Journo, Julien Ribot, Raphaele Lannadere et enfin Jeanne Added. Merci à eux, merci aux mécènes qui nous accompagnent ce soir, merci à vous.