Jusqu'au 12 février à l'espace Tonkin de Villeurbanne, les Têtes de Bois, qui depuis 25 ans suivent de près l’essor extraordinaire des arts de la marionnette, font connaître aux enfants et aux familles les meilleures créations découvertes ici ou là par les organisateurs, notamment au Festival Mondial des Théâtres de la Marionnette de Charleville-Mézières ou Au Bonheur des mômes, le festival international de spectacles Jeune Public du Grand-Bornand.
Au plus près du jeune public
Théâtre d’objet, théâtre d’ombres, conte musical, multimédia, vidéo, musique… Aucune forme, y compris la danse et le nouveau cirque, n’est étrangère au jeune public de l’espace Tonkin, cette salle de spectacle voisine d’un collège et d’une médiathèque. Aujourd’hui, une toute jeune équipe de direction reprend le flambeau de cette institution municipale gérée par le centre Léo Lagrange, association d’éducation populaire, parfaitement inscrite dans son quartier et un peu au-delà.
Têtes de bois est aussi la vitrine d’une activité intense à l’Espace Tonkin, qui se déploie sur l’année entière et tisse des liens étroits avec les habitants de Villeurbanne. Depuis 2005, en effet, la ville a confié l’ensemble du spectacle jeune public à cette salle, avec pour mot d’ordre : « Un enfant, une place par an ! ». « Vous imaginez, nous confie Jorge Costagliola, le directeur, dans une commune populaire comme la nôtre, quelle dynamique a été créée, et combien d’enfants, de la petite section de Maternelle jusqu’au CM2, ont pu assister chez nous à des spectacles ! Aujourd’hui, certains d’entre eux, qui venaient autour de 2005, sont parents à leur tour et nous amènent leurs enfants. »
Une Île au trésor
« Nous sommes très séduits, poursuit Jorge Costagliola, par les spectacles qui osent le mélange des genres artistiques, l’appel à d’autres formes et à de nouveaux supports, sans abandonner pour autant des formes classiques toujours renouvelées, comme le théâtre d’ombre, par exemple. Des univers qui reposent sur un décor magnifique, fait de multiples petites choses qui déclenchent l’imaginaire des enfants, avec des jeux de lumières bien pensés. Nous essayons de favoriser cette pluridisciplinarité, et cela nous est facilité par la chance que nous avons d’avoir à l’espace Tonkin un technicien régisseur incroyable qui parvient toujours à mettre les artistes dans des conditions de jeu optimum. Grâce à lui nous pouvons recevoir ces spectacles ambitieux. Par ailleurs, nous veillons à satisfaire tous les âges. Ces deux critères, la pluridisciplinarité et l’éventail des âges de notre jeune public, ainsi que, bien sûr, nos propres coups de cœur, guident nos choix. »
Parmi les spectacles invités, L’Île au trésor, adapté du célèbre roman de Stevenson, a gagné le prix du public « off » à Charleville, l’an dernier. « Ils étaient venus de Toulouse, où ils résident, donner à Lyon une représentation aux professionnels, pendant le confinement. Nous avions été emballés : c’est un spectacle très original, qui n’est joué qu’avec des chaussures ! Tous les personnages sont incarnés par ces bottes et ces souliers, manipulés par un comédien formidable, accompagnés d’un violoncelle. »
Pour le Voyage de Zadim, la compagnie Obatala, basée à Lyon, a été reçue en résidence par l’espace Tonkin pendant quinze jours afin de lui permettre d’enrichir son spectacle d’une création vidéo. « Il s’agit d’une conteuse d’origine malgache. Elle joue de la harpe, elle chante, elle narre un conte oriental, s’enthousiasme Jorge Costagliola. On traverse l’Orient et l’Extrême Orient, avec Zadim parti à la recherche d’une solution pour libérer son père, victime d’un mauvais sort. Mais le plus beau et le plus étonnant, c’est le couple de la marionnette et du marionnettiste, ce dernier tout habillé de noir, ganté et cagoulé, à la façon du théâtre japonais bunraku. On n'entrevoit que ses yeux, et il disparaît parfois derrière cette marionnette de taille humaine ! »
On verra aussi Itzaal, l’histoire de l’amitié de deux enfants (compagnie Dr Troll). Un spectacle très musical, d’une grande légèreté, « une véritable fête sur la scène, un univers d’instruments de musique, guitare, guimbarde, et même didgeridoo, cette trompe des Aborigènes de l’Australie ! » Et puis Le Bal des éclopés, par la compagnie La Maladroite, spectacle porté par trois musiciens qui jouent de leur instrument, chantent et incarnent des personnages, tandis qu’un manipulateur représente l’histoire sur un théâtre d’ombres. De beaux moments de rêves pour les petits et les grands !
« Sikilinik » : le fruit d’une dynamique insufflée par le label Capitale française de la culture
« La ville de Villeurbanne a toujours été auprès de nous pour nous aider, précise Jorge Costagliola, mais depuis qu’elle a postulé pour le label Capitale française de la culture, elle a encore resserré nos liens. Nous participons à des réunions avec l’ensemble des acteurs culturels de la ville, laquelle organise même des rencontres conviviales autour d’un verre, afin de mieux faire connaissance et de faciliter la naissance des projets et des partenariats. La période est très stimulante, il y a beaucoup d’émulation et c’est très encourageant. »
Ainsi sollicité par la municipalité, le centre Léo Lagrange, lui aussi, a voulu se joindre à l’effort commun, avec un projet spécifique visant la jeunesse, indépendant de ses activités régulières.
C’est ainsi que Sikilinik a vu le jour. Il s’agit de mobiliser l’ensemble de la communauté éducative du quartier autour d’une production théâtrale réalisée entièrement par des écoliers, rien que ça ! Un pari audacieux qui met en jeu une compagnie professionnelle, la Nième Compagnie, et sa directrice artistique, Claire Truche, la médiathèque du Tonkin et neuf classes (CE2, CM1, CM2) de l’école Louis Armand avec leurs professeurs.
Tout part d’un conte inuit disponible à la médiathèque : Sikilinik est un enfant dont l’esprit se glisse dans les animaux. A l’école, les élèves travaillent actuellement à écrire par groupes de nouveaux chapitres du cycle, chacun autour d’un animal totémique, en utilisant la technique du cadavre exquis. Claire Truche construira une synthèse de toutes ces histoires puis les enfants volontaires, en participant à des ateliers, entourés par la Nième compagnie, s’essaieront au jeu théâtral autour de Sikilinik. Au final, une troupe éphémère sera constituée qui, sur le temps extrascolaire, préparera un spectacle qui sera donné à l’Espace Tonkin, dans le cadre de représentations scolaires et tout public.
« Le centre Léo Lagrange – Espace Tonkin anime tout le projet, qu’il complète en proposant aussi des ateliers de costumes et de musique, conclut Jorge Costagliola. On travaille avec des gens adorables : les artistes, les professeurs, les enfants. Après ces deux années de crise sanitaire, nous souhaitons renouveler dans ce quartier une soif de culture qui a eu tendance à s’étioler. Il faut parier sur la jeunesse, en l’invitant à se saisir des pratiques culturelles d’écriture, de théâtre, de spectacle vivant. »
Partager la page