Peut-on imaginer thème plus symbolique et fédérateur pour la 23e édition de la Semaine de la langue française et de la Francophonie ? En choisissant de célébrer la "parole" sous toutes ses formes, la Semaine fait la part belle à l’expression en public, à la transmission, aux débats, aux histoires orales, à la voix et aux accents. Elle fait également écho à la nouvelle impulsion que le Président de la République entend donner à la francophonie. Car le français, cette "langue-monde" qui relie 274 millions de locuteurs, n'est-il pas aussi un "espace de rencontre et d’échange" ? C'est sur cette dernière dimension que le ministère de la Culture a voulu mettre l'accent en accueillant au Palais-Royal, le 20 mars, des jeunes venus de tous horizons.
La Comédie-Française joue avec les dix mots
Quel est le point commun entre Molière, Baudelaire, Queneau et Cyrano de Bergerac ? La réponse se trouve dans un spectacle pétillant d'intelligence conçu par Suliane Brahim, sociétaire de la Comédie-Française, qui était présenté dans la matinée à plusieurs classes de collèges et de lycées ayant participé à la bataille des dix mots. En prenant place avec ses élèves, Brahim Choukje, professeur-documentaliste au collège Edouard Vaillant, à Gennevilliers, s’est réjoui de la motivation du groupe qu’il accompagnait : « ils se sont vraiment appropriés ce projet, ils ont pris l’initiative et ils étaient très enthousiastes à l’idée de venir aujourd’hui », a-t-il observé. Un engouement partagé par Françoise Nyssen : « la langue française est avant tout une langue de partage et d’émerveillement. Merci d’être là, chez vous », a déclaré la ministre de la Culture.
Sur l'estrade faisant figure de scène, les quatre sociétaires de la Comédie-Française se sont emparés du langage en général et des dix mots en particulier, en passant de la récitation au théâtre et du théâtre au chant. Les dix mots autour desquels le spectacle a été conçu – accent, bagout, griot, jactance, ohé, placoter, susurrer, truculent, voix et volubile – ont servi de prétexte à un éloge de la littérature plein de finesse. On a ri devant les badinages de Dom Juan, on s’est étonné en écoutant Le Grand Combat d’Henri Michaux, on s’est émerveillé avec la fable "Le Corbeau et le Renard" de La Fontaine, qui donné lieu à de piquantes versions en argot ou en verlan. Les comédiens ont donné là le meilleur d’eux-mêmes en jouant, littéralement, avec les mots. « C’est là l’essence même de notre métier », a rappelé Suliane Brahim.
Les matches d'improvisation ont toujours la cote
Changement de décor, l’après-midi, dans les salons du Palais-Royal. Une véritable arène a remplacé l’estrade de velours bleu qui faisait jusqu’alors office de scène. Pourquoi une arène ? Elle va abriter un match d’improvisation intercollèges entre des élèves de la ville de Trappes. La manifestation, organisée en partenariat avec la Fondation Culture & Diversité, a eu lieu de manière simultanée dans l’ensemble de la France, mobilisant près de 900 collégiens au total, issus de 64 établissements partenaires.
Rue de Valois, les répliques ont fusé : la parole est au service d’une imagination galopante. Dans les thèmes imposés par l’arbitre, souvent cocasses – citons notamment « Amer comme ma mère » ou « Costard de tartare assorti à sa cravate de patate » – se sont parfois glissés des mots de l’opération « dis-moi dix mois ». Les équipes ont alors dû rivaliser d’ingéniosité pour incarner un « griot dans le métro » ou élaborer un scénario autour « d’accents très très graves ». Le tout dans un esprit d’écoute, de respect de l’autre, de dérision et d’autodérision exemplaires. L'esprit même de la Semaine de la lague française et de la Francophonie, en somme.
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