Ce vendredi 5 juillet, à l’occasion d’une cérémonie symbolique de pose de première pierre, Martine et Léon Cligman, ont dévoilé une plaque « Fontevraud Le musée d’art moderne –Collections nationales Martine et Léon Cligman » qui prendra place dans le musée lors de son
inauguration en mai 2020.
D’une donation à un Musée de France:
Pour rappel, une convention tripartite signée le 29 septembre 2017 entre l’État, la Région des Pays de Loire et M. et Mme Cligman a fixé le cadre d’une donation d’environ 600 œuvres de la collection Cligman à l’État et de l’affectation de cette donation auprès de la Région, avec
l’engagement de créer un musée dans la Fannerie*. L’acte de donation et d’affectation de la collection entre M. et Mme Cligman, la ministre de la culture (à l'époque Mme Françoise Nyssen) et la présidente de la Région des Pays de la Loire a été signé officiellement le 23 juillet 2018 au ministère de la Culture (article du 1er septembre 2017)
Une nouvelle donation directement à la Région, sera signée le 17 juillet prochain, complétant ainsi le fonds du musée d’Art moderne de Fontevraud.
La Région assure la responsabilité de conserver, restaurer, étudier et enrichir la collection Cligman, et continue le recrutement de l’équipe scientifique. Conservatrice en chef du patrimoine, Dominique Gagneux a été choisie en mars 2018 pour prendre la direction du musée, développer le projet scientifique et culturel du musée, réaliser l’inventaire de la collection, préparer le catalogue et organiser le parcours du futur musée, avec le studio Constance Guisset. Le transfert des œuvres pour le chantier des collections devrait démarrer dans le courant du mois de juillet 2019. Les travaux d’aménagement de la Fannerie sont dirigés par Christophe Batard, architecte en chef des monuments historiques (agence 2bdm).
L’appellation Musée de France annoncée cette semaine témoigne de la reconnaissance du projet par le ministère de la Culture et signale aux futurs visiteurs l’intérêt de la collection du musée d’art moderne de Fontevraud. En effet, est considéré comme « Musée de France » : « toute collection permanente composée de biens dont la conservation et la présentation revêtent un intérêt public, organisée en vue de la connaissance, de l’éducation et du plaisir du public. »
Un investissement État- Région:
L’État a accordé une aide financière de 500 000 € pour accompagner le projet et apporte un conseil et un soutien scientifique et technique via la DRAC pour le suivi du projet. Le budget global engagé par la Région pour financer les travaux du musée d’Art moderne de Fontevraud s'élève à 11,8 M€. Une partie de cette somme sera couverte à terme par un montant de 4 M€ issu du fonds de dotation de 5 M€, pour l’installation et l’enrichissement des collections, mis en place par Martine et Léon Cligman pour accompagner leur donation.
Pendant plus de soixante ans, Martine et Léon Cligman ont rassemblé des peintures, des dessins et des sculptures d’artistes des XIXe et XXe siècles, ainsi que des antiquités et des objets extra‐européens (Afrique, Océanie, Asie, Amériques). Par cette confrontation de formes
et d’usages provenant de civilisations différentes, cette collection constitue un ensemble original et de grande qualité.
Martine est elle‐même fille de collectionneurs. Élevée parmi les toiles de Maurice de Vlaminck, de Raoul Dufy et de Chaïm Soutine, les sculptures d’Auguste Rodin et les dessins de Degas, Martine ne pouvait que s’engager très jeune vers les chemins de la création et avoir aussi l’envie de les collectionner. Lorsqu’elle rencontre Léon Cligman au sortir de la guerre, le jeune homme, brillant élève de l’école supérieure de commerce et résistant à l’âge de vingt ans, entame une carrière d’industriel dans le domaine du textile, une activité qu’il poursuivra avec succès dans les sociétés qu’il crée ou rachète, dont Newman, Saint Laurent Rive Gauche, Christian Lacroix ou Lacoste sont les marques phares. Ses usines, souvent ultra‐modernes, sont localisées dans un périmètre dont il se plaît à dire que l’abbaye de Fontevraud est l’épicentre (Issoudun, Tours, Angers, Cholet). Mariés en 1954, Léon et Martine Cligman décident de suivre la tradition familiale et commencent à acquérir les objets qui constitueront leur environnement quotidien pendant toute leur vie : attirés par les expressions d’une modernité classique, ils collectionnent les tendances figuratives de l’art de l’entre‐deux‐guerres comme les artistes venus d’Europe de l’Est qui participèrent, dès le début du XXe siècle, à la vitalité de l’École de Paris. En écho, les objets de toutes origines pour peu qu’elles soient marquantes par leur expression, la synthèse de leurs formes ou la solidité de leurs structures acquises sur des coups de cœur, au gré de leurs voyages ou sur le marché de l’art parisien, dans des galeries et en ventes publiques.
Leur principe : ne jamais acheter d’œuvres sans l’accord de l’un et de l’autre, chaque œuvre devant être le reflet d’un regard parfaitement commun.
Une collection muséale, un autre regard sur l’art moderne : Henri de Toulouse‐Lautrec, Edgar Degas, Maurice de Vlaminck, Albert Marquet, Kees van Dongen, Robert Delaunay, Juan Gris, André Derain, Germaine Richier,... Autant de noms qui ont marqué l’histoire de l’art et qui figurent parmi l’importante collection d’art moderne de Martine et Léon Cligman, constituée tout au long de leur vie.
La collection comprend notamment :
- Plus d’une centaine de peintures des XIXe et du XXe siècle, de Toulouse –Lautrec et Camille Corot à Robert Delaunay, Juan Gris, Georges Rouault, Chaïm Soutine ou Bernard Buffet.
- Près de 300 dessins dont les 36 illustrations originales pour le Satyricon de Pétrone par André Derain.
- Des sculptures d’Edgar Degas, d’André Derain, et surtout, un ensemble remarquable de quatorze oeuvres de Germaine Richier.
- 88 spectaculaires verreries de Maurice Marinot.
- des objets antiques et extra‐européens (mésopotamiens, égyptiens et cycladiques, africains, océaniens, asiatiques et amérindiens).
« L’une des profondes originalités de cette collection réside dans les associations de formes et d’idées qu’elle propose, la beauté et l’universalité des exemples dont elle dispose. La collection Cligman diversifie, en effet, les champs de curiosité en s’attachant d’ordinaire à des objets de grande qualité voire d’insigne rareté, provenant d’horizons très variés. » Olivier Le Bihan, Professeur d'histoire de l'art, université de Nantes.
L’ambition du musée : restituer une histoire de l’art vue par l’œil d’un collectionneur. Le nouveau musée sera identifié grâce à l’histoire qu’il veut raconter: rendre l’esprit d’une collection. La restitution d’un « musée imaginaire », phénomène mental très personnel –voire passionnel– conduira le visiteur à pénétrer dans un univers de formes et à comprendre le regard qui a pu guider les choix d’acquisition. En s’appuyant sur la richesse et la variété de cette collection,le parcours révélera l’approche passionnante qui consiste à passer d’un univers privé à un espace
public, à proposer à ses visiteurs l’expérience d’une lecture qui transcende l’espace et le temps par la confrontation d’objets de cultures et d’époques différentes, enfin, par la découverte d’artistes à travers le regard d’amateurs éclairés de la deuxième moitié du XXe siècle.
*La Fannerie, restauration d’un bâtiment historique :
Le bâtiment dit de la Fannerie, dans l’Abbaye royale de Fontevraud, a été choisi pour accueillir le futur musée. Situé à l’entrée du site, dans la cour d’honneur, c’est un des premiers bâtiments que les visiteurs découvrent en entrant à l’abbaye. Édifié vers 1786, c’est l’un des tout derniers construits pendant la période monastique. Délimitant la partie nord de la cour d’entrée, il est judicieusement placé dans l’axe du logis de l’abbesse qui lui fait face et dont on imagine qu’il devait compléter la composition. Avec la nef de l’église abbatiale du Grand Moûtier, il est l’un des plus imposants bâtiments de l’abbaye de Fontevraud. Il accueillait à la fin du XVIIIème siècle les écuries des mères abbesses de Fontevraud.
Très vite utilisée pour des fonctions pénitentiaires à partir du début du XIXème siècle, la Fannerie (appelée ainsi car prévue pour, entre autres, entreposer le foin) sera modifiée, adaptée, entresolée, tout en gardant sa volumétrie et son élégance extérieures d’origine.
Le projet architectural et scénographique :
Le projet, réalisé par Christophe Batard, Agence 2BDM, ACMH, pour l’architecture, et le Studio Constance Guisset pour la scénographie, trouve l’origine de son fonctionnement dans celui du site de l’Abbaye. Un accueil commun sera aménagé à l’emplacement de l’accueil actuel, et desservira d’un côté l’abbaye et de l’autre le musée d’Art moderne.Le projet se déploie sur 1726 m², auxquels il faut ajouter 170 m² de cour extérieure dédiée à l’exposition. Les espaces d’exposition seuls représentent 1205 m² dont 455 m² pour le parcours temporaire.
Voyage au cœur d’une collection :
Une collection privée résulte de choix personnels, d’engagements forts, révélant le monde sensible de ceux qui l’ont rassemblée. Le futur musée créé à Fontevraud pour accueillir la donation Martine et Léon Cligman, dévoilera au regard du plus grand nombre un univers de formes, un imaginaire artistique où tous les rapprochements sont possibles. La muséographie des collections permanentes jouera sur la confrontation des objets rassemblés, dans la perspective de dialogues culturels et formels entre toutes formes d’art, de provenance très variées (antiquité, Afrique, Asie, Amériques, art moderne occidental). Le parcours mettra en valeur le désir d’éclectisme de ces amateurs, cette quête intuitive qui les a conduits à établir des correspondances fascinantes entres les œuvres. « Ainsi, centré sur le dialogue des formes, le futur musée invitera le visiteur à découvrir le musée imaginaire des collectionneurs et à vivre une expérience visuelle inédite. » Dominique Gagneux, directrice du futur musée d’Art moderne de Fontevraud.
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