3.Inspiratrices
Germaine de Staël et Juliette Récamier : deux femmes d'influence sous le Premier Empire
Le Premier empire n’est pas favorable aux femmes, et moins encore aux femmes de tête : Germaine de Staël (1766-1817) et Juliette Récamier (1777-1849) en sont deux exemples. Figures emblématiques de l’opposition à un régime tyrannique, toutes deux vont inspirer artistes et écrivains.
Femme de lettres, Germaine de Staël s’intéresse particulièrement à la philosophie. Fidèle à la tradition des Lumières, elle utilise un support populaire – le roman - pour véhiculer ses idées. Après la publication de Delphine (1803), roman épistolaire sur la liberté des femmes, Germaine de Staël est exilée. L’exil lui devient une source de réflexion. Elle écrit De l’Allemagne, ouvrage saisi et détruit par la censure. Corinne ou l’Italie (1807) est un roman d’esprit romantique. Par l’intermédiaire de Juliette Récamier, le prince Auguste de Prusse (1779-1843) commande au peintre Gérard (1770-1837), l’illustration d’un passage du roman : Corinne au Cap Misène. Le tableau sera offert à Madame Récamier (il apparaît sur une représentation de son appartement, qui le lèguera au musée de Lyon. Ce tableau inspirera diverses interprétations, et notamment une version sur porcelaine, réalisée par Maire Victoire Jacquotot ( 1772-1855).
Issue d’une famille bourgeoise lyonnaise, Juliette Bernard, sans doute encouragée par sa mère, bénéficie d’une éducation artistique solide, se formant à la musique auprès du compositeur François Adrien Boieldieu (1775-1834), au dessin auprès du peintre Hubert Robert (1733-1808).
Alors qu’elle épouse à l’âge de quinze ans le banquier Jacques-Rose Récamier (1751-1830), qui est probablement son père naturel, les deux époux acquièrent en 1798 un hôtel particulier rue du Mont-Blanc, dans le quartier à la mode de la Chaussée d’Antin. Aidé du décorateur Charles Percier (1764-1838), l’architecte Louis-Matin Berthault (1770-1823) imagine un décor harmonieux conçu comme un ensemble : boiseries, tentures, meubles se répondent par des jeux de matériaux et de couleurs. Il apporte un grand soin à la chambre à coucher et au salon, meublés sobrement par la maison Jacob Frères, dans un style néo-classique raffiné, librement inspiré de l’Antiquité.
Amie intime de Madame Tallien, la « merveilleuse » reçoit, dans son appartement, les personnalités les plus brillantes de son temps. Si son salon perd peu à peu son côté mondain pour prendre une orientation littéraire, sous l’impulsion de ses amis Germaine de Staël et François-René de Chateaubriand, elle y organise lectures, concerts et récitals. Prenant grand plaisir à fréquenter les artistes, elle n’hésite pas à les solliciter pour qu’ils réalisent son portrait. Ainsi, Joseph Chinard (1756-1813) sculpte le portrait, en terre, en plâtre ou en marbre de la Lyonnaise, qu’il représente en buste, à mi-corps ou en médaillon. En 1800, Juliette Récamier commande à Jacques-Louis David (1748-1825) son portrait (Paris, musée du Louvre) : entourée de meubles pompéiens, allongée gracieusement sur une méridienne, la jeune femme, vêtue d’une robe blanche à l’antique, tourne gracieusement la tête vers le spectateur. Insatisfaite par la lenteur du peintre, Juliette Récamier confie finalement la commande à l’un de ses élèves, François Gérard (Paris, musée Carnavalet), laissant l’œuvre de David inachevée.
Contrainte par la police impériale de quitter Paris, Juliette Récamier séjourne à Châlons-sur-Marne puis à Lyon avant de partir pour l’Italie. Si elle rencontre, en 1813, Antonio Canova avec qui elle lie une relation étroite, le sculpteur lui présente, quelques mois plus tard, lors d’un nouveau séjour à Rome, deux bustes d’elle, réalisés de mémoire. Déroutée par son image idéalisée, Juliette Récamier ne se reconnaît pas. Vexé, l’artiste transforme l’identité du modèle, en ajoutant une couronne de laurier et en rebaptisant l’œuvre « Béatrice », du nom de l’amante de Dante Aligheri (Lyon, musée des Beaux-arts).
Contrainte par une situation financière difficile, à la suite d’une faillite de son époux, Juliette Récamier se réfugie à l’Abbaye-aux-Bois, couvent de religieuses, dont elle loue un appartement rue de Sèvres à Paris. Tenant toujours son salon, elle s’entoure de grands esprits : le philosophe Ballanche (1776-1847), le savant Ampère (1775-1836), l’écrivain Balzac (1799-1850).
Alors qu’elle décède à la suite d’une épidémie de choléra en 1849, Benjamin Constant (1767-1830), Pierre Simon Ballanche ou François-René de Chateaubriand lui rendent hommage dans leurs ouvrages. Sa nièce Amélie Lenormant écrit une biographie, parue en 1859, qui publie une partie des nombreuses lettres reçues de ses illustres correspondants, aujourd’hui conservées à la Bibliothèque nationale de France. En 2009, le musée des beaux-arts de Lyon organise l’exposition « Juliette Récamier, muse et mécène ».
Les inspiratrices de la Troisième République
Plusieurs femmes de la Troisième République seront les modernes inspiratrices du milieu artistique et littéraire.
Judith Gautier (1845-1917) est la fille de Théophile Gautier (1811-1872), romancier et critique d’art de l’époque romantique. Au cours de son enfance, elle côtoie le milieu littéraire d’avant-garde, et notamment Victor Hugo (1802-1885), dont elle passe pour avoir été la maîtresse, Gustave Flaubert (1821-1880) ou Charles Baudelaire (1821-1867). Elle épouse l’écrivain Catulle Mendès (1841-1909), qui la quitte pour aller vivre avec la compositrice Augusta Holmès (1847-1903), avec laquelle il aura trois enfants, représentés par Auguste Renoir (1841-1919). Elle semble avoir eu un véritable pouvoir de fascination sur les hommes, de Jean Lorrain (1855-1906) à Pierre Louÿs (1870-1925). Alphonse Daudet (1840-1897) s’inspire d’elle pour créer le personnage de Félicia Ruys, la sculptrice du Nabab : « En tout, l'apparence un peu hautaine d'un être d'exception ». Ayant appris le chinois auprès d’un lettré, elle publie poésies et romans d’inspiration asiatique, dont le succès est considérable. Elle écrit de nombreux romans, ainsi qu’une pièce de théâtre, en collaboration avec Pierre Loti (1850-1923), destinée à Sarah Bernhardt. Elle contribue à faire reconnaître à Paris la musique de Richard Wagner (1813-1883), avec lequel elle correspond, qu’elle rencontre dès 1869, et auquel elle consacre une étude. Elle sera la première femme à entrer à l’académie Goncourt, en 1910. Le peintre américain John Singer Sargent (1856-1925) l’a représentée à deux reprises (Detroit Institute of Arts).
Nina de Callias (Lyon, 1843 – Vanves, 1884)
Anne Marie Gaillard (1843-1884) est la fille d’un avocat lyonnais aisé. Elle épouse en 1864 le journaliste Hector de Callias (1841-1896). Selon Arsène Houssaye (1814-1896) : « Callias et Nina, deux excentriques, ruisselants d'insenséisme. Ils avaient beaucoup trop d'esprit, c'est ce qui les a tués. J'avais été avec Nieuwerkerke témoin de leur hyménée. Je les retrouvai l'été suivant à Ems ; lui, poète et journaliste, avait brisé sa plume ; elle, grande pianiste, avait donné la clef de son piano à son mari, qui la jeta par la fenêtre. Que faisaient-ils à Ems ? Ils s'aimaient. Voilà qui est bien ; mais ils apprenaient trop à apprécier les vins du Rhin […] Ce n'était encore qu'une douce griserie sous le rayonnement de l'amour. Mais la dame, ayant retrouvé la clef de son piano, exaspéra bientôt le mari, qui avait horreur de la musique. Il eut la grandeur d'âme de se séparer de sa femme, quoiqu'il n'eût pas un sou vaillant et quoiqu'elle eût 80 000 livres de rente ». En réalité, H. de Callias est victime de l’absinthe. Proche de tous les grands littérateurs de la génération romantique, ancien administrateur de la Comédie Française et directeur de La Presse, inspecteur des musées de Province, A. Houssaye était une personnalité en vue du monde des arts et lettres. Tout comme le sculpteur Emilien de Nieuwerkerke (1811-1892) à cette date, et depuis 1849, il était directeur général des Musées.
Le divorce étant interdit, Nina vit séparée de son mari. Elle réunit dans son salon de la rue des Moines, le monde littéraire et musical d’avant-garde : Augusta Holmès (1847-1903), Stéphane Mallarmé (1842-1898), Léon Dierx (1838-1912), Catulle Mendès (1841-1909), François Coppée (1842-1908), Anatole France (1844-1924), Villiers de L’Isle-Adam (1838-1889), Jean Richepin (1849-1926) et, le plus assidu de tous, Charles Cros (1842-1888). Catulle Mendès s’est inspiré de ces rencontres pour écrire La Maison de la vieille : « du dîner jusque bien avant dans la nuit, un cénacle de jeunes et révoltées intelligences, se livraient, fouettées par l'alcool, à toutes les débauches de la pensée, à toutes les clowneries de la parole, remuant les paradoxes les plus crânes, et les esthétiques les plus subversives, dans la surexcitation d'une jolie femme, d'une Muse légèrement démente. » Nina devient la maîtresse de Charles Cros, qui lui dédie Le Coffret de santal (1873) : « A NINA J’offre ce coffret de santal ». L’année suivante, Édouard Manet (1832-1883) illustrera à l’eau-forte Le Fleuve de ce même Charles Cros. C’est en 1873, et chez Nina, que Manet fait la connaissance de Mallarmé. Cette même année, Manet peint le portrait de Nina. L’image qu’il nous donne de son modèle est assez proche de la description faite par le poète bohème Emile Goudeau (1849-1906) : les « yeux noirs très expressifs, avec de magnifiques cheveux d’ébène, un teint d’une blancheur de lait ». Goudeau évoque également le salon et les amitiés de Nina dans Dix ans de bohême (1888, p. 108-122). Le salon de Nina a également été décrit par Edmond Lepelletier (1846-1913) dans Paul Verlaine, sa vie, son œuvre. Villers de l’Isle-Adam a également raconté Une soirée chez Nina de Villard.
La pose adoptée par Nina, dans le tableau de Manet, est aussi peu conventionnelle que l’était le modèle. Nina a la joue écrasée par sa main. Cette position devait toutefois lui être habituelle car, en 1879, le graveur Marcellin Desboutin (1823-1902) la représente également la main appuyée sur la joue. Bohème, mais soucieux de sa réputation, H de Callias écrira à Manet : « Mme Nina Gaillard a fait peindre son portrait par vous, ce dont elle a le droit, à condition que le dit portrait ne sorte pas de chez elle ou de votre atelier […] Depuis longtemps il était intervenu un arrangement entre cette femme et moi, par l’intermédiaire de son notaire, et dans lequel il était convenu qu’elle prendrait tous les noms qu’elle voudrait, excepté le mien ». Manet se conformera à la demande d’H. de Callias. Mais il est vrai que ce dernier précisait dans son courrier qu’un manquement à cet égard [l]‘amènerait à prendre immédiatement contre elle [Nina] les mesures les plus énergiques ». Selon la femme de lettres Marie de Grandfort (1829-1904), une amie de Nina, « On venait de la peindre […] à demi couchée sur un canapé bas, entourée de fleurs [sic] et d’éventails. Elle en montrait une joie enfantine ». Pourtant, et malgré l’assertion d’H. de Callias (« Mme Nina Gaillard a fait peindre son portrait par vous ») le tableau restera en la possession de Manet et ne réapparaîtra qu’après la mort de celui-ci, dans son fonds d’atelier. Nina ne cherchera pas à l’acquérir. Elle était encore vivante mais, usée par l’alcool, et elle mourra bientôt. Lors de la vente posthume de l’atelier de Manet, Berthe Morisot découvre cette peinture et elle est immédiatement séduite. Elle l’achète et elle écrit à sa sœur : « Je suis sûre que tu seras enthousiasmée par « Madame de Callias ». Moi, j’en suis folle. Je ne la laisse aller que pour entrer au musée et cela arrivera, si ce n’est de mon vivant, ce sera de celui de Bibi [sa fille] ». Conformément au souhait de sa mère, Julie Manet offrira cette peinture au Louvre, en 1930.
Un recueil de poésie, Feuillets parisiens, a été publié en 1885, après la mort de Nina, sous le nom de Nina de Villars, avec une préface d’Edmond Bazire (1846-1892, encore un proche de Manet) et avec un portrait de l’auteure gravé par Henri Guérard (1846-1897), le mari d’Eva Gonzalès.
Méry Laurent (Nancy, 1849 – Paris, 1900)
Enfant naturelle d’une blanchisseuse, Anne-Rose Louviot devient très jeune la maîtresse du général Certain Canrobert (1809-1895). Elle épouse à l’âge de quinze ans un marchand de sa ville natale, Jean-Claude Laurent (1836-1891), lequel fait faillite la même année, à la suite de quoi son épouse demande la séparation des biens et part pour Paris. L’union aura duré sept mois. Elle commence une modeste carrière de figurante au théâtre à partir de 1870, puis connaît un début de succès « dans le rôle très déshabillé de Vénus dans La Belle Hélène ». Henri Gervex (1852-1929) s’en serait inspiré pour peindre sa Naissance de Vénus (bien que, à l’évidence, la Vénus de Gervex n’ait pas les formes plantureuses de Méry Laurent). Elle est assez connue pour apparaître sur un album de photographies d’acteurs des années 14860-1880, au côté d’Adelina Patti (1843-1919), de Virginie Déjazet (1798-1875), de Jean-Baptiste Faure (1830-1914) et de Frédéric Lemaître (1800-1876). Néanmoins, elle abandonne le théâtre quatre ans plus tard, après avoir fait la rencontre du richissime docteur Thomas Wiltberger Evans (1823-1897), ancien dentiste de la cour impériale, dont elle devient la maîtresse et qui l’entretien luxueusement.
En 1876, elle fait la connaissance d’Édouard Manet (1832-1883), dont elle apprécie le talent et qui la représentera à différentes reprises, nue ou habillée. Elle sera la seule femme tutoyée par l’artiste. Après le décès de celui-ci, elle ira déposer chaque année sur sa tombe, le jour anniversaire de sa mort, un bouquet de lilas blancs. Elle va également devenir une amie intime de Stéphane Mallarmé (1842-1898). Méry Laurent réunit dans son salon, peintres : Jacques-Emile Blanche (1861-1942), James Abbott Mac Mc Neil Whistler (1834-1903), gens de lettres : Théodore de Banville (1823-1891), François Coppée (1842-1908), José Maria de Heredia (1842-1905), Joris-Karl Huysmans (1848-1907), Marcel Proust (1871-1922), Henri de Régnier (1864-1936), Villiers de L’Isle-Adam (1838-1889) et musiciens : Reynaldo Hahn (1874 ou 1875-1947), qui sera son principal légataire. Méry Laurent va devenir la muse de plusieurs de ces créateurs. F. Coppée, S. Mallarmé, H. de Régnier, Villiers de L’Isle -Adam lui dédient des poèmes, Proust s’inspirera largement de ce modèle pour créer le personnage d’Odette Swann. En 2005, le musée des Beaux-Arts de Nancy lui consacrera une exposition.
Une inspiratrice des photographes : la Comtesse Virginia de Castiglione
Virginia Oldoïni (Florence, 1837 - Paris, 1899) nait à Florence d’un père diplomate et d’une mère juriste. En 1856, elle s’installe à Paris avec son époux pour – d’après son cousin Cavour – conquérir Napoléon III par sa beauté légendaire et plaider la cause anti-autrichienne. En effet, les contemporains la décrivent comme un : « miracle de beauté : cheveux admirables, taille de nymphe, teint de marbre rose ! En un mot, Venus descendue de l’Olympe ! ». Si cette mission est évoquée dans diverses correspondances et que les rumeurs d’une liaison impériale animent les conversations autant qu’elles attisent la défiance à son endroit, elle-même, à la fin de sa vie, démentira toute mission diplomatique et toute relation intime avec l’empereur.
Personnalité célèbre et fantasque du Second Empire, La Castiglione, dite aussi la Divine comtesse, se met en scène avec des costumes surprenants aussi bien lors de bals mondains que devant l’objectif de Pierre Louis Pierson, associé de l’atelier Mayer & Pierson, photographe de l’empereur. Dès l’année de son arrivée à Paris en 1856 et jusqu’à 1895, elle entretient avec le photographe une étroite collaboration, certainement la plus longue de l’histoire du portrait.
Mise en cause après un attentat manqué contre l’empereur en 1857, elle est mise au ban de la cour impériale et perd peu à peu les faveurs de la haute société parisienne. Femme divorcée, elle poursuit la mise en scène d’elle-même, produisant près de cinq cent clichés empreints d’inventions d’iconographiques (angles inhabituels de prise de vue ou fragmentation du corps). Elle est tour à tour Ermite de Passy, religieuse, reine de la nuit ou Reine d’Étrurie.
Le projet de glorification de sa beauté, qu’elle cherchera en vain à concrétiser sous la forme d’une exposition au titre explicite, La plus belle femme du siècle, confère une place singulière à la comtesse de Castiglione dans l’histoire de la photographie. Certes elle ne pratique pas – les clichés qui la représente sont signés de Pierre Louis Pierson – mais c’est elle qui, suivant une démarche obsessionnelle, engendre l’œuvre. Certains auteurs comme l’américaine Abigail Solomon-Godeau (la première historienne d’art à lui consacrer une étude poussée) ont proposé une lecture freudienne du narcissisme de la comtesse qui cherche à conserver le souvenir de sa beauté, tandis que d’autres voient en elle l’incarnation d’une artiste émancipée de la réalisation matérielle. La Castiglione délègue à un autre le soin de concrétiser l’œuvre, se concentrant sur la conception intellectuelle, à travers des mises en scène audacieuses, puis intervenant ensuite pour donner des consignes sur le tirage final, notamment son agrandissement, inaugurant ainsi une pratique répandue au siècle suivant. L’atelier Mayer & Pierson, l’un des plus célèbres du Second Empire, est spécialisé dans les photographies peintes. Là encore, c’est la comtesse qui donne les indications de réalisation. Comme ses contemporains, elle est attachée au rendu de la carnation et des matières textiles. Les rehauts de couleurs peuvent aller jusqu’au masquer complètement l’épreuve photographique. Ses prérogatives sont encore visibles sur certaines épreuves où consignées dans des carnets intitulés Série des roses. Cette collaboration hors-norme entre un photographe commercial et une mondaine, malgré la longue durée de l’entreprise – quarante ans – et la renommée de l’un et de l’autre a certainement contribué à l’ « occultation » jusqu’à la fin des années 1980 de cette œuvre difficile à classer. L’avènement de pratiques contemporaines fondées sur l’autofiction et l’autoportrait comme les œuvres de Cindy Shermann ou de Sophie Calle a donné un nouvel éclairage à ce duo singulier. À la fin de sa vie, désargentée et esseulée, elle poursuit sa quête d’immortalité, consciente de sa beauté perdue. Elle meurt à Paris.
En France, les portraits de la comtesse sont conservés dans diverses institutions : le fonds de négatifs de l’atelier Mayer & Pierson donné en 1968 au musée Unterlinden (Colmar) est conservé aux archives départementales du Haut Rhin; le Château de Compiègne possède des portraits rehaussés à la gouache ; le musée d’Orsay conserve des photographies de la période 1893-1895 dans six cahiers et la bibliothèque nationale de France conserve des tirages provenant de la collection Georges Sirot ainsi que la célèbre Dames de cœur.
Les figures historiques du XIXe siècle
Deux figures historiques vont également jouer un rôle important dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Charlotte Corday (1768-1793) est l’exemple de la femme prête à aller jusqu’au meurtre, et jusqu’à sa propre mort pour défendre ses idées. Cependant, cette figure contre-révolutionnaire inquiète tout autant qu’elle attire. Au contraire, Jeanne d’Arc devient un symbole unanimement revendiqué sous la Troisième république. Engagés dans le combat pour le droit de vote des femmes, les articles du journal la Citoyenne, d’Hubertine Auclert (1848-1914), vantent la détermination de l’héroïne à accomplir sa mission.
Angelina Meslem, Laurent Manoeuvre & Franny Tachon
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