Clémentine-Hélène Dufau, Autoportrait, 1911, Paris, musée d'Orsay

Clémentine Hélène Dufau (Quinsac, 1869 – Paris, 1937)

Née dans une famille aisée du Bordelais, Clémentine Hélène Dufau doit, à la suite d’une chute dans l’enfance, rester allongée de longs moments et garder le repos. Pour tromper l’ennui, elle commence à dessiner. Alors que la famille s’installe à Paris en 1888, la jeune femme s’inscrit à l’Académie Julian, dans la section féminine rue de Berri, dans l’atelier de William Bouguereau (1825-1905), où elle réalise bien vite de grands progrès, assimilant rapidement la technique et écoutant les conseils avisés de son professeur. Dès 1889, elle expose grâce au soutien de son maître, au Salon des artistes français, un portrait de son père au pastel. Mais ce n’est qu’en 1895 qu’elle se fait remarquer avec sa toile Ricochets, pour laquelle elle reçoit le prix Marie Bashkristeff, qui récompense les jeunes talents. Alors que la presse commence à la citer, elle reçoit diverses commandes : illustrations de livres et projets d’affiches.

Clémentine-Hélène Dufau, La Fronde, 1898, Paris, musée Carnavalet

En 1897, le jury du Salon des artistes français lui octroie une médaille de troisième classe avec Fils de mariniers (Cognac, musée d’art et d’histoire) et l’Etat acquiert la toile. En 1898, à la demande de Marguerite Durand (1864-1934), elle dessine l’affiche pour le lancement du journal féministe La Fronde. D’un point élevé de la cité, des femmes, de toutes âges, de toutes classes sociales, regardent vers l’avenir. Solidaires, elles joignent leurs mains ou se tiennent par l’épaule. Aux côtés de ses sœurs féministes (l’ouvrière comme la bourgeoise), la jeune artiste tient fermement son carton à dessin. « Superbe composition d’un réalisme grandiose et d’un vibrant symbolisme » écrit E. de Crauzat à propos de cette affiche dans le journal L’Estampe et l’Affiche.
La même année, conformément au vœu émis par le Conseil Supérieur des Beaux-Arts, Clémentine Hélène Dufau obtient une bourse de voyage de 4 000 francs qui lui permet de visiter longuement l’Espagne, la Belgique et la Hollande. Lors de son périple, elle exécute bon nombre d’œuvres, qu’elle propose d’exposer dès son retour à Paris.
En 1902, la médaille de deuxième classe obtenue pour L’Automne (Paris, musée d’Orsay) la consacre comme artiste reconnue et l’Etat se porte acquéreur de l’œuvre pour le Musée du Luxembourg. Dès lors, la carrière de Clémentine Hélène Dufau bénéficie très nettement de soutiens. Son travail est régulièrement suivi par la presse, notamment par le critique d’art Camille Mauclair (1872-1945). Les commandes institutionnelles et les achats de l’Etat sont réguliers. En 1905, elle reçoit la prestigieuse commande de panneaux pour la Sorbonne :  Astronomie-Mathématiques, Radioactivité-Magnétisme, Zoologie et Géologie. Les commandes privées sont aussi nombreuses. De 1906 à 1912, elle réalise, pour la maison d’Edmond Rostand à Cambo-les-Bains, deux grands panneaux pour orner la bibliothèque et trois médaillons pour décorer l’escalier. En 1909, elle est promue chevalier de la Légion d’honneur.

Clémentine-Hélène Dufau, Nu au bord de la Méditerranée, avant 1935, Marseille, musée Cantini

En 1926, elle décide de s’installer à Antibes. Elle change alors sa manière, revenant, avec un dessin plus sûr et des couleurs plus franches, à un réalisme moderne, comme en témoigne son Nu au bord de la Méditerranée (Marseille, musée Cantini). En 1931, elle achève son livre-testament Les Trois couleurs de la lumière. Dans son ouvrage, elle travaille à partir des écrits de René Guénon (1886-1955), du Sâr Péladan (1858-1918) et de Louis de Broglie (1892-1987) à une pensée « féminine » et « unificatrice ». Elle tente une sorte de synthèse entre les écrits de la tradition ésotérique et les recherches scientifiques, notamment sur la résonnance et les fréquences des couleurs. Dans son plaidoyer « pro-femina », elle dénonce les violences faites aux femmes et lance un appel à l’égalité des sexes.

Franny Tachon

Sélection d'oeuvres de Clémentine Hélène Dufau sur la base Joconde Pop

Bibliographie
Milhou Mayi, De lumière et d’ombre. Clémentine-Hélène Dufau, Bordeaux, Art & Arts, 1997
Chaperon Sylvie, Bard Christine, Dictionnaire des féministes. France - XVIIIe-XXIe siècle, Paris, Hors Collection, 2017