A l’occasion de la 15ème journée nationale des mémoires de l’esclavage, des traites et de leur abolition, le ministère de la Culture s’associe à l’initiative numérique de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage.

Le « mois des mémoires »  débutera le 10 mai avec pour thème « la page manquante », pour « symboliser l’ignorance qui entoure encore l’esclavage et la mémoire de notre passé colonial dans le grand public. Un manque qui est une blessure pour toutes celles et tous ceux dont l'histoire familiale est ainsi niée, ou qui vivent encore aujourd'hui le racisme et la discrimination. »

Membre du réseau Patrimoine déchaînés, le Ministère réaffirme lors de cette journée et des commémorations son attachement à la lutte contre l’oubli ainsi que contre les formes contemporaines d’esclavage et de traite des êtres humains qui concernent encore près de 40 millions de personnes dans le monde.

La place de l'esclavage dans le patrimoine artistique français

Les traces de l’esclavage sont nombreuses dans le patrimoine artistique français mais demeurent méconnues des publics. Certaines œuvres du XIXème siècle restent notamment  emblématiques des débats qui ont secoué la France lors des deux abolitions (1794 puis 1848) ainsi que sa célébration. Le Portrait d’une femme noire de Marie-Guillemine Benoist (1800), L’Abolition de l’esclavage dans les colonies françaises en 1848, de François Auguste Briard (1849) ou encore le Jeune noir à l’épée de Pierre Puvis de Chavannes (1850) sont des témoins artistiques emblématiques de l’abolition de l’esclavage. Le site internet « L’Histoire par l’image », soutenu par le ministère de la Culture, propose ainsi une mise en contexte de ces œuvres et une exposition en ligne sur la période esclavagiste à travers l’Histoire de l’art

Les mémoires de l’esclavage : une inspiration pour les artistes contemporains

Plus de 170 ans après son abolition, l’esclavage continue d’inspirer les artistes de tous horizons qui s’emparent de cette thématique complexe à travers une diversité de techniques. Ainsi, pour le 10 mai, le ministère de la Culture a sélectionné trois œuvres contemporaines des collections du Centre national des arts plastiques qui participent à la construction des mémoires de l’esclavage et à la lutte contre ses formes actuelles.

  • Le Cri, l’écrit, sculpture de Fabrice Hyber (2007)

Commande du ministère de la Culture, Le Cri, l’Écrit est conçue par l’artiste français Fabrice Hyber. La sculpture, installée au jardin du Luxembourg, commémore l’abolition de l’esclavage et est inaugurée en lors des commémorations du 10 mai en 2007. 
Haute de 3,70 mètres, la sculpture est lisible de tous et toutes, et située symboliquement proche du Sénat qui adopta la loi tendant à la reconnaissance de la traite négrière et de l'esclavage en tant que crimes contre l'humanité, dite « loi Taubira », en 2001. 
L’artiste considère cette œuvre comme « une métaphore de cet asservissement qui a été aboli par les textes ». En 2011, a été posée face à l’œuvre une stèle rendant hommage à tous les esclaves des colonies françaises.

Synopsis : Les ombres de l'armée napoléonienne ondulent sur les parois d'une grotte baptisée Marie-Jeanne, en hommage à une combattante de la révolution haïtienne.

Ce court-métrage de onze minutes, primé lors du festival international du film d’animation d’Annecy en 2018, traite de la révolution haïtienne de 1791. Première révolte d'esclaves réussie du monde moderne, elle débouche sur l’instauration en 1804 de la première république noire libre du monde d’Haïti, qui succède à la colonie française de Saint-Domingue.
Pour la réalisatrice, cette œuvre est l’occasion de « se confronter à la culture banale de l'oubli collectif, un moyen de contempler les traumas de mes ancêtres ancrés dans mon propre corps. C’est aussi une invitation à d'autres peuples, une histoire sur nous tous. Un moyen de contempler les péchés pour vaincre l’oubli. Puisque l'histoire oubliée est condamnée à se répéter ».

  • Esclavage domestique, série photographique de Raphaël Dallaporta et Ondine Millot (2006) 

Ce documentaire photographique sensibilise au problème de l’esclavage moderne et à son existence aujourd'hui en France. Réalisé en collaboration avec le Comité contre l’esclavage, il relate l’expérience de femmes d’origine étrangère venues en France pour travailler, et leur parcours après avoir été exploitées en tant qu’esclaves domestiques. 
Ces photographies représentent l’extérieur des habitations où ont été signalés les cas d’esclavages domestiques et sont confrontés directement aux témoignages de ces femmes, recueillis par la journaliste Ondine Millot.

Une influence majeure dans la musique : l'exemple du rap français

Si la mémoire de l’esclavage a irrigué l’histoire de l’art et est toujours une source d’inspiration pour les arts visuels contemporains, c’est peut-être la musique qui a été la plus imprégnée par l’esclavagisme, comme vient nous le rappeler une émission enregistrée par la radio FIP  en 2018 à l’occasion des 170 ans du décret d’abolition.
« Et le tempo libère mon imagination / Me rappelle que ma musique est née dans un champ de coton » scandait à ce propos Shurik'N, membre du groupe IAM, en 1991.

En France, en effet, c’est particulièrement le rap qui s’est emparé de la thématique de l’esclavage au tournant des années 1990 et 2000, en plein débat sur la loi Taubira de 2001. Dans plusieurs morceaux de rap français de cette époque, les références à l’esclavagisme, à la mémoire et à la menace de l’oubli sont nombreuses comme l’expliquent un certain nombre de ressources en ligne.

Récemment, c’est par exemple le rappeur Abd Al Malik qui a proposé une relecture poétique  du Jeune noir à l’épée de Pierre Puvis de Chavannes, œuvre citée plus haut, dans le cadre de l’exposition « Le modèle noir » au Musée d’Orsay en 2020.