Avec « Les rêves n’ont pas de titre », l’œuvre qu’elle va présenter à partir du 23 avril à la biennale de Venise, Zineb Sedira explore les différentes facettes de sa fascination pour le cinéma.
C’est un dispositif artistique étonnant, bourré d’intelligence et d’humanité, mais aussi de plaisir et d’émerveillement, que va présenter à partir du 23 avril l’artiste Zineb Sedira au Pavillon français de la biennale d’art contemporain de Venise.
« Les rêves n’ont pas de titre » – c’est l’intitulé, en forme de clin d’œil, de cette installation labyrinthique – nous entraîne sur les chemins de ses origines et de son identité, en empruntant plusieurs voies, celle de la découverte fascinée de l’univers du cinéma mais aussi celle de l’émergence d’une conscience politique. Entretien.
Votre désir de cinéma s’ancre au cinéma Jean-Vigo, mais aussi dans un autre cinéma de Gennevilliers qui aujourd’hui n’existe plus, Les Variétés.
Je me souviens des péplums que j’y voyais enfant. Les femmes, les costumes, la lumière, les décors, tout m’interpellait. Je ressortais de la salle avec des étoiles dans les yeux. Il y avait aussi les westerns-spaghetti. On était habitués aux westerns américains, alors l’Italie qui s’invitait dans ce cinéma de genre, cela créait un effet de surprise. Parmi mes souvenirs marquants de cinéma, il y a eu aussi les films égyptiens. La musique et la danse me fascinaient.
Par quoi avez-vous été le plus frappée en plongeant dans les archives cinématographiques ?
Par la richesse de l’histoire du cinéma algérien. Très peu de gens en sont conscients, seuls les films très connus leur évoquent quelque chose. En parcourant les archives, j’ai eu une vision plus concrète de ce cinéma, par exemple des articles de presse qui parlaient de certains films et de la réaction du public, des affiches, des bobines de films… Et, surtout, j’ai retrouvé des traces des coproductions entre les trois pays.
Comment avez-vous eu accès au film Les mains libres, réalisé par Ennio Lorenzini, premier long métrage algérien après l’indépendance ?
En faisant des recherches et en lisant beaucoup. Les spécialistes du cinéma algérien ne sont pas nombreux mais ont beaucoup écrit. Dans les ouvrages que j’ai consultés, le titre de ce film revenait tout le temps. C’est en allant à la Cinémathèque française que j’ai découvert des éléments tangibles, en particulier qu’il y avait eu à l’époque des discussions entre le festival de Cannes et la maison de production Casbah Film à Alger. J’ai enquêté jusqu’à ce que je trouve le film dans les archives de l’AAMOD (l’Archive Audiovisuelle du Mouvement Ouvrier et Démocratique), à Rome.
L’Algérie a entièrement financé ce film qui posait les questions d’une nation en construction. Ennio Lorenzini était un grand ami de Gillo Pontecorvo, le réalisateur d’un film resté dans nos mémoires, La bataille d’Alger. Ce n’est pas anodin, leurs problématiques cinématographiques, mais aussi leurs interrogations, sont très proches. À l’époque, une première avait été organisée à Alger puis plus rien, le film avait disparu. La Cinémathèque de Bologne est en train d’achever sa restauration et j’espère qu’ensuite, le film pourra voyager.