Élément incontournable de notre vie culturelle, le réseau de l'enseignement supérieur culture, qui forme chaque année plus de 37 000 étudiants dans une centaine d'établissements, constitue une richesse qui irrigue l'ensemble du territoire. Pour cette rentrée universitaire, nous mettons l'accent sur trois écoles emblématiques en région. Premier volet de notre série : la Villa Arson, à Nice (1/3).

Depuis son inauguration en 1972, la Villa Arson est un établissement public administratif du ministère de la Culture dédié à l’art contemporain. Unique en son genre, elle réunit dans un même site une école d’art, un centre d’art, une résidence d’artistes et une bibliothèque spécialisée. Le vaste domaine qu’elle occupe sur la colline Saint-Barthélemy surplombe la ville de Nice et la Baie des Anges. Des œuvres d’artistes contemporains dialoguent avec l’architecture de ce labyrinthe de béton, de galets et de plantes entremêlées, conçue dans les années 1690 par Michel Marot, où s’imbriquent rues intérieures avec patios, amphithéâtres en plein air, terrasses et jardins suspendus. Entretien avec le directeur de l’institution, Jean-Pierre Simon.

La Villa Arson est connue en tant qu'école d'art mais c'est également un centre d'art et une résidence d'artiste. Comment se juxtaposent les différentes facettes de cette institution ?

Je préfère, au terme de juxtaposition, celui d’articulation : il est nécessaire, pour enseigner – et c’est vrai pour l’art en particulier – d’avoir à disposition des modèles, des références. C’est en ce sens qu’André Malraux avait décidé, dans les années 60, de faire de la Villa Arson une « université des arts » alliant une école, un lieu d’exposition et des programmes de résidence. La clef de ce projet réside précisément dans l’articulation des différentes missions de notre institution : former les étudiants et les accompagner dans la réussite de leurs projets professionnels, faire en sorte que des artistes puissent confronter leurs travaux au public et travailler la question de la médiation, accueillir des artistes qui développent un projet en interaction avec nos enseignants et nos étudiants.
L'enseignement y est assuré par des artistes et des acteurs du monde de l'art. Comment ces derniers s'y prennent-ils pour transmettre leur savoir, apporter un soutien technique aux étudiants, tout en leur permettant de développer leur propre rapport à l'art ?

Les enseignants sont là pour accomplir un travail d’initiation dans les domaines disciplinaires liés aux arts plastiques et aux arts visuels – apprendre à dessiner, apprendre à regarder, apprendre à filmer.  Mais ils le font toujours en s’interrogeant : pourquoi dessiner ? comment dessiner ? Le professeur travaille beaucoup sur ces questions, en apprenant à l’élève un certain nombre de choses tout en essayant, dans un même temps, de le contraindre à réfléchir à ce qu’il est en train d’apprendre. L’enseignement se fait à travers cet apprentissage qui, associé à la constitution d’un bagage de références culturelles solides, permet petit à petit à l’étudiant de se forger un regard critique par rapport à son travail et à son projet. L’échange et l’expérimentation sont au cœur de notre pédagogie.

C’est-à-dire ?

La Villa Arson essaye d’être le plus large possible dans les apprentissages et les initiations techniques qu’elle propose : il est très important que nos étudiants aient la possibilité de « s’égarer ». Aller, lorsqu’on est dans le dessin, vers la musique, la chorégraphie, la danse, le corps ou encore l’écriture, le cadrage, le cinéma… Les trois premières années d’études à la Villa Arson, qui mêlent apprentissages, expériences et travail critique permettent aux étudiants d'acquérir cette forme de transdisciplinarité.

Quelle place accordez-vous, dans votre cursus, à la recherche artistique ?

La formation de notre école se découpe en trois cycle, le 1er menant au Diplôme national d’art, le DNA (Bac +3) et le 2e au Diplôme national supérieur d’expression plastique, le DNSEP (Master). Le 3e cycle est un programme de résidences de recherche, il nous permet d’accueillir les artistes sélectionnés dans un environnement propice au développement de leur recherche artistique. Il a été mis en place en 2013 : nous avions alors sélectionné cinq artistes - déjà assez engagés dans leurs travaux, avec une moyenne d’âge de 40 ans - qui ont développé, pendant 3 ans, un travail autour de questions en lien avec la production, l’atelier et l’exposition. Au terme de cette période nous avons produit quatre expositions monographiques, articulées en une seule. L’an dernier nous avons initié la deuxième phase de ce programme en recrutant de nouveau cinq artistes suivant un objectif d’ouverture et de transdisciplinarité. Leurs spécialisations diverses – en sociologie de l’art, en composition musicale, en anthropologie…- serviront leurs recherches sur la thématique de l’art et de la société.

Tous les artistes sont des chercheurs quelque part. L’intérêt de ce programme consiste à asseoir cet état de fait en dégageant des moyens supplémentaires pour les artistes, de manière à ce qu’ils puissent travailler leurs recherches dans d’aussi bonnes conditions qu’un chercheur en sociologie, en philosophie ou en physique quantique.

Le cursus qui mène au diplôme national supérieur d'expression plastique (DNSEP) dure 5 ans. Une fois celui-ci en poche, où se dirigent vos étudiants ? Quels types de carrières suivent-ils ?
 
Les étudiants sont très largement incités à faire des stages et nous les invitons, tout au long de leur cursus, à réfléchir aux mobilités internationales qui pourraient compléter utilement leur formation. Ainsi en 4e année nos élèves partent un semestre en dehors de l’établissement pour développer leurs projets, soit dans une autre école, soit dans une université, soit auprès d’un artiste ou d’un artisan. C’est un élément extrêmement important qui a beaucoup à voir avec ce qu’ils deviennent après leur diplôme.  

S’agissant de leur orientation professionnelle proprement dite, il n’existe pas de modèle – type : certains de nos étudiants deviennent artistes mais de nombreux parcours sont possibles. On essaye de construire avec chacun un projet spécifique, c’est du sur-mesure.

Je précise que nous accompagnons beaucoup les étudiants qui souhaitent travailler dans le monde l’art, que ce soit auprès des collectionneurs, auprès des musées, auprès des centres d’art ou auprès des résidences d’artiste, de manière à ce qu’ils soient toujours dans les bons créneaux.
Sous quels auspices se présente cette rentrée 2017 - 2018 ?

Dans un premier temps, nous allons tâcher d’apprendre à ces élèves à se détacher d’un certain nombre d’habitudes acquises au cours de leurs diverses expériences antérieures pour pouvoir être à l’écoute et accepter les nouvelles expériences que l’on va leur proposer. Dans une école d’art on fait l’expérience de l’art mais ça nécessite quelquefois de désapprendre ce que l’on a déjà appris. De se défaire, dans un premier temps, de ses certitudes. C’est essentiel pour la suite.
Samedi 14 octobre aura lieu le vernissage des deux prochaines expositions de la Villa Arson (15 octobre 2017 - 7 janvier 2018) : Inventeurs d'aventure | Deuxième épisode et Anthony McCall | Leaving (with two-minute silence).

Ateliers et équipements de la Villa Arson

La villa Arson dispose de nombreux ateliers techniques, regroupés dans différents pôles, destinés à faciliter l’initiation des étudiants aux différentes techniques et à l’utilisation de différents matériaux. « Nous avons un pôle peinture et dessin, un pôle édition rassemblant un atelier du même nom dédié au tirage numérique, à l’impression et à la mise en page ainsi qu’un atelier gravure, un atelier lithographie et un atelier sérigraphie », précise Jean-Pierre Simon. « Nous avons également un pôle volume pour tout ce qui touche à la sculpture et à l'installation avec atelier métal, atelier bois et atelier modelage / moulage. L’atelier céramique fait d’ailleurs partie de ce sous-ensemble, tout en ayant, en tant qu’art du feu, une certaine autonomie. Enfin un pôle photographie met à disposition des étudiants des matériels de prise de vue argentique et numérique, un studio photo et plusieurs laboratoires de développement et de tirage. Ces derniers ont également accès à un studio vidéo doté d’équipements permettant tournage, montage et post-production, ainsi qu’à un studio son – tous deux regroupés au sein du pôle numérique de l’Ecole ».