Du 11 au 15 octobre 2017, la France, invitée d’honneur de la Foire du livre de Francfort 2017, célébrera la richesse de l'édition francophone et la vitalité du lien franco-allemand. Le point sur cet incontournable rendez-vous du livre, en trois des temps forts (2/5).
De la langue de Molière à celle de Goethe
La valorisation des traductions constituera l’un des points d’orgue de cette 69e édition de Francfort en français. Le Français est d’ores et déjà la 2e langue la plus traduite en Allemagne et les traductions du français vers l’allemand ont fait un véritable bond en avant en 2014 – 2015, avec une hausse de 40 % pour la littérature et des sciences humaines et sociales. Cette politique sera renforcée par un ambitieux programme de 1200 traductions, tandis que, de son côté, le Centre national du livre accompagnera cette politique en accompagnant jusqu'à 70% des coûts de traduction du français vers l'allemand. Parmi les auteurs français encensés outre-Rhin figurent, entre autres, Michel Houellebecq – dont l’ouvrage Soumission a connu un succès retentissant – Alain Mabanckou ou encore Marie NDiaye. Pour Paul de Sinety, commissaire général de la présence française à Francfort, ces résultats sont parlants : « ils disent le désir des partenaires allemands de découvrir de nouveaux textes et de nouvelles voix de langue française sur des sujets qui les concernent autant qu’ils les questionnent », souligne-t-il. « Les questions d’identité, de migration, d’accueil de l’autre dans une Europe qui, pour vivre, a besoin de s’ouvrir davantage encore à toutes les cultures du monde ».
Mais comment se construit, justement, la traduction d’une œuvre ? Quelles difficultés rencontrent les traducteurs de l’allemand vers le français ? Les ateliers de traductions prévus par le pavillon français permettront aux visiteurs de découvrir les tenants et aboutissants de cet exercice délicat. L’exposition « Les routes de la traduction » reviendra elle aussi sur l’histoire, les jeux et les enjeux de la discipline, tandis que l’exposition « 1000 et une traduction » mettra en avant les livres traduits dans le cadre du programme d’aide à la publication (PAP), destiné aux éditeurs étrangers souhaitant publier des auteurs français. Développé depuis 25 ans par l’Institut français et le réseau culturel français à l’étranger, le PAP a permis la prise en charge totale ou partielle des montants de cessions de droit ou l’octroi d’une aide à la traduction pour plus de 20 000 ouvrages dans près de 80 pays. Enfin trois « rendez-vous des traducteurs », réunissant des auteurs et leurs traducteurs (Shumona Sinha / Lena Müller, Timothée de Fombelle / Tobias Scheffel, Riad Sattouf /Ulrich Pröfrock), rythmeront la manifestation.
Gutenberg, imprimeur d’auteurs contemporains
S’improviser artisan imprimeur ? C’est ce que le pavillon français proposera à ses visiteurs, via une réplique de la presse de Gutenberg, installée dans le secteur de l’innovation. Ces derniers pourront la faire fonctionner et repartir avec la première page du livre de leur choix, en français et en allemand. Les curieux ne seront cependant les seuls à se tacher les doigts : chaque jour, plusieurs moments « Presse Gutenberg » verront les auteurs de « Francfort en français » - Emmanuel Carrère, Catherine Millet, Philippe Claudel, Amélie Nothomb, Zep… - se succéder pour réaliser eux aussi, avec l’aide d’un typographe, une impression à l’ancienne de la première page de leur dernier livre paru en Allemagne.
Construite à partir des plans de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert et du Musée Gutenberg de Mayence, l’imposante machine – 400 kilos, 3 mètres de haut, 1 mètre 50 de large et 4 mètre de long – vise à rappeler que la révolution Gutenberg représenta en son temps un bouleversement au moins aussi important que la révolution numérique. Et que l’invention du livre, phénomène somme toute récent, se trouve intimement liée, encore une fois, à la culture franco-allemande.
En partenariat avec le Musée du Papier de Bâle, Pro Helvetia, Fédération des Églises protestantes de Suisse, ASDEL. Commissariat : Gabriel de Montmolin.
Une vaste bibliothèque éphémère
Pour assurer une présentation de l’édition française et francophone, le pavillon recevra 43000 livres neufs, soit l’équivalent de deux semi-remorques. Ces derniers, choisis sur mesure, viendront remplir les 2500 modules prévus à cet effet et situés dans les murs de séparation entre les différents thèmes, les supports d’information, les tables ou encore les fonds de scène du pavillon. Ils seront ainsi placés à la libre disposition du public, invité à se prêter au plaisir de la lecture.
Cette vaste « Bibliothèque éphémère » sera le fruit d’un partenariat inédit entre l’Institut français et l’association Biblionef. Celle-ci se mobilise depuis 25 ans pour "apporter chaque année des livres à des enfants et des adolescents afin de faciliter leur alphabétisation et cultiver leur envie d’apprendre", souligne Dominique Pace, la directrice générale de Biblionef, . Les ouvrages, une fois la Foire du livre de Francfort achevée, poursuivront leur vie ailleurs, aux quatre coins du monde, où ils serviront des projets ciblés de création et d’équipement de bibliothèques scolaires et publiques ainsi que des actions de prévention de l’illettrisme et de promotion de la langue française.
Françoise Nyssen : "soutenir la traduction"
Extraits du discours de Françoise Nyssen prononcé le mercredi 20 septembre en l'honneur des auteurs présents lors de l'invitation de France à la Foire de Francfort
« L’exigence qui doit nous guider, c’est celle de l’ouverture. Nous comptons déployer une politique forte en matière de traduction. Parce que la vie de la langue française, c’est aussi celle-ci : celle de la conversion et du dialogue. C’est un vecteur de rayonnement évident pour les livres, pour vos éclairages, pour les idées. Le français est la seconde langue la plus traduite au monde, après l’anglais".
"Et nous allons continuer de l’accompagner, en soutenant la formation des traducteurs, en soutenant la cession de droits, en assurant des relais, en vous accompagnant auprès du public étranger. Je souhaiterais par ailleurs accélérer le développement des traductions vers la langue française. Et notamment des textes du bassin méditerranéen. Une grande partie des défis rencontrés par la France y trouvent leur origine. Une grande partie des réponses que nous pourrons y apporter dépendent de notre capacité à en comprendre les ressorts profonds. Et à dialoguer pour les dénouer. Ces traductions sont aussi, pour vous tous, des opportunités ; des champs nouveaux de perspectives. »