A partir du samedi 27 août, Visa pour l’image, le festival de photojournalisme de Perpignan, présentera le meilleur des reportages internationaux. A ne pas manquer.

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Sans eux, on ne porterait pas le même regard sur l’actualité internationale et les réalités du monde. C’est dire si les photojournalistes sont essentiels à l’écosystème de la presse et, plus largement, au fonctionnement de la vie démocratique. C’est dire aussi si le festival international du photojournalisme Visa pour l’image, qui présente, du 27 août au 11 septembre, à Perpignan, le meilleur des reportages internationaux, leur offre une tribune particulièrement précieuse, à l’heure où la situation des photojournalistes est fragilisée par les conséquences de la crise sanitaire.

A quelques jours de l’ouverture de Visa pour l’image, nous avons interrogé deux d’entre eux, Lucas Barioulet et Alexis Rosenfeld, qui sont à l’honneur de cette édition du festival. Le premier va recevoir le prestigieux « Visa d’or de la ville de Perpignan Rémi Ochlik » pour ses images de la guerre en Ukraine publiées par le quotidien Le Monde. Avec le programme « 1 Ocean » mené avec l’Unesco, le second renouvelle le regard porté sur le monde sous-marin.

Ukraine, la guerre au quotidien

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Images de Daniel Berehulak documentant les crimes de guerre et les semaines de violation des droits de l’homme à Boutcha, de Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka sur l’agonie de Marioupol, de Sergei Supinsky montrant le pays de son indépendance jusqu’au début de la guerre... Les photojournalistes qui ont couvert ces derniers mois la guerre en Ukraine et dont le travail contribue pour une part essentielle à sa connaissance, seront à l’honneur pendant cette édition du festival « Visa pour l’image ». À commencer par Lucas Barioulet, lauréat du « Visa d’or de la ville de Perpignan Rémi Ochlik » pour ses images publiées dans le journal Le Monde, entre mars et mai, présentées au Couvent des minimes sous le titre Ukraine : la guerre au quotidien - prix prestigieux s’il en est puisque le jury est composé de directeurs de la photo de magazines internationaux.

À côté de ce qui se passait sur la ligne de front, nous voulions avoir d’autres angles d’approche, le quotidien en faisait partie

« Le journal avait plusieurs équipes dans le pays. À côté de ce qui se passait sur la ligne de front, nous voulions avoir d’autres angles d’approche, le quotidien en faisait partie », explique le photojournaliste. À Lviv, un conservateur regarde les murs vides de son musée. Dans un hôpital de Kiev, une mère est au chevet de son fils, dont la jambe, fauchée par un obus, a été amputée. Dans un orphelinat près de Lviv, un adolescent tire les rideaux après avoir regardé le paysage par la fenêtre. Pour photographier ces personnes dont la vie a basculé, Lucas Barioulet est toujours à la bonne distance. « L’instant de la photographie, c’est peut-être 5% du temps passé sur place. Avant, il faut se faire accepter des gens pour qu’ils nous laissent voir leur quotidien, on sait qu’ils vivent quelque chose de traumatisant, la photo se fait naturellement ». Il arrive aussi qu’elle ne se fasse pas ou « qu’ils aient autre chose à faire qu’accepter un photographe dans un hôpital, on le comprend parfaitement, les enjeux n’ont rien de comparable ».

La maturité impressionne chez le jeune – il n’a que 26 ans – photojournaliste, également lauréat de la commande « Radioscopie de la France » (voir notre article). « C’est aux photographes ukrainiens qu’il revient avant tout de dire ce qu’ils vivent. Après un mois passé sur place, même si nous connaissons le stress et l’incertitude, nous rentrons en France. Eux, continueront dans les prochaines décennies à souffrir des conséquences de la guerre ». Ce prix, il le vit comme « un honneur et une récompense pour un travail d’équipe ». Qui plus est, parce qu’elles seront exposées, ces images vont prendre « une autre dimension ». « Elles vont être vues par un public qui n’est pas forcément lecteur du Monde mais qui aura peut-être envie après d’en savoir plus. Si c’est le cas, ce sera mission accomplie ».  

Changer de regard sur les océans

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« Il y a quelques années, l’opportunité m’a été donnée de couvrir les récifs coralliens pour l’Unesco », dit Alexis Rosenfeld, qui aime à se présenter comme un photographe-explorateur : « Photographe, c’est mon métier de cœur ; explorateur, parce que cela convoque le côté passionnel, les rêves d’enfants ». Une relation s’est nouée avec l’institution qui aboutit aujourd’hui au projet « 1 Ocean » : « Dans le cadre de la Décennie des Nations unies pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030), nous menons pendant dix ans une grande exploration de l’océan. L’idée est de montrer l’océan d’une autre manière. Les évolutions technologiques permettent aujourd’hui de changer le prisme du regard ». Avec une visée, celle de « toucher et sensibiliser les gens à la protection de l’océan ».

L’idée est de montrer l’océan d’une autre manière

Le public de Perpignan pourra ainsi découvrir le début du projet : « le récif profond de Guyane, l’incroyable champ de roses que nous avons découvert en Polynésie dans la presqu’île autour de Tahiti, les volcans sous-marins que nous avons eu la chance de contempler en Sicile ». Mais aussi un projet d’agriculture sous-marine, « Le jardin de Nemo » : « on pourrait très bien imaginer que les pays qui demain souffriront d’un fort stress hydrique soient bénéficiaires de la production cultivée sous la mer ».  

La notion de contemplation est « essentielle dans notre propos, insiste l’explorateur. Nous n’allons pas dissimuler ce qui est anxiogène mais notre parti pris est de raconter les belles choses… ces belles choses tourmentées par l’activité humaine ». « C’est une grande fierté de donner à voir ainsi mon monde sous-marin », confie-t-il à la veille de partir à Perpignan où il se réjouit de jouer les guides pour le public. « Je suis infiniment reconnaissant au festival qu’il offre cette tribune internationale au projet. La présence dans un lieu aussi prestigieux que « Visa pour l’image » donne un écho inestimable à « 1 Ocean » et au message qu’il véhicule ».  

Humanitaire, climatique, démocratique… l’urgence sous toutes ses formes à Visa pour l’image

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L’écrivain et journaliste Gérard Lefort dit joliment d’elle qu’elle est « la locataire solitaire de cette chambre noire où elle fomente ses images lumineuses » : le travail de Françoise Huguier sera célébré dans l’exposition « Toute » en retrait. Avec Dans les chambres de l’esprit, le photographe Valerio Bispuri, poursuit au Bénin et au Togo, où elle est encore perçue comme un mal non humain, son travail sur la maladie mentale. Ana Maria Arévalo Gosen, lauréate du prix Camille Lepage 2021, documente la situation angoissante des femmes dans les prisons d’Amérique latine dans Días Eternos : Venezuela, Salvador, Guatemala (2017-2022). Sameer Al-Doumy, lauréat cette année du Visa d’or humanitaire du Comité International de la Croix-Rouge, met en lumière la crise migratoire dans le nord de la France dans Les routes de la mort. Siegfried Modola plonge le public au cœur de la rébellion birmane. Maéva Bardy l’invite à bord de la goélette Tara où les biologistes et bio-géo-chimistes étudient le peuple invisible de l’océan pour le compte de la Fondation Tara Océan. Le festival « Visa pour l’image », ce sera tout cela, et bien plus encore…