Plateformes numériques, espaces de co-working, sites de financement participatif… Comment ces moyens numériques de communication et de diffusion sont-ils en train de devenir de nouveaux – et indispensables – intermédiaires pour les jeunes créateurs.

Les Assises de la Jeune Création qui se sont clôturées le 30 juin dernier l’ont clairement fait apparaître : l’entrée dans la vie professionnelle – et, dans le cas des diplômés de l’enseignement supérieur culture, le moment de la « sortie d’école » – représente un cap aussi déterminant que délicat pour tout créateur désireux de vivre de son travail. D’autant que l’ère numérique continue de rebattre les cartes : elle a vu se démultiplier le nombre des artistes autant que l’éventail des canaux de communication et de diffusion à leur disposition. Elle a en outre permis l’invention de nouveaux outils (réseaux sociaux, sites de financement participatif) que les jeunes créateurs n’hésitent pas à mettre à profit. Elle a surtout favorisé l’émergence d’acteurs indépendants et privés ayant pour objectif de mettre les artistes en relation avec le monde professionnel.

Venant compléter les différents systèmes d’aide et dispositifs d’insertion professionnelle proposés, dans toutes les disciplines, par le ministère de la Culture et de la Communication, mais aussi les initiatives de plus en plus nombreuses émanant des écoles, ces nouveaux intermédiaires imaginent autant de nouvelles manières de permettre aux créateurs d’accéder à une visibilité et à une notoriété indispensables, et de se singulariser dans un environnement hautement concurrentiel. Tour d’horizon de l’offre existante.

Mettre en relation artistes et professionnels

> C’est principalement dans le secteur des arts visuels – celui où la présentation d’un travail via Internet est peut-être la plus aisée, mais celui offrant également l’éventail le plus large de profils d’interlocuteurs professionnels (galeries et collectionneurs, entreprises et institutions, centres d’art et curateurs) – que les initiatives les plus nombreuses ont fleuri, permettant aux artistes de présenter (et souvent de vendre directement) leur travail. C’est d’ailleurs un projet de plateforme pluridisciplinaire et participative visant à développer le coworking autour de projets d’études ou de jeunes créateurs, Carrousel, fondé par trois étudiants des écoles supérieures d’art d’Amiens et d’Orléans (Léo Catonnet, Benjamin Calmejane et Maxime Cosson), qui a été lauréat du trophée 2014 des Ateliers numériques remis par le ministère de la Culture et de la Communication. Conçu comme un outil à la fois en ligne et « physique » (via la construction d’un stand itinérant), dans une démarche d’économie sociale et solidaire, Carrousel est actuellement en phase de développement.

Se construire un véritable réseau professionnel

> Gojiki se présente comme la « première communauté des diplômés des écoles d’art ». Lors de la journée du 30 juin, Florence Lafleur, sa fondatrice, soulignait combien le site avait d’abord été pensé comme un outil au service d’écoles qui ne disposent pas forcément toutes des ressources propres pour créer et animer un réseau d’alumni (ou associations d’anciens élèves). Dans le contexte d’un marché de l’art en mutation, complètement mondialisé, et d’une concurrence de plus en plus vive entre écoles comme entre artistes, Gojiki entend offrir une solution impliquant tous les intervenants de la chaîne, des artistes au public, en passant par les écoles et les professionnels de l’art, pour permettre aux artistes de « se construire un réseau professionnel à l’international ».

Représenter les artistes auprès d’institutions privées et publiques

> C’est également aux étudiants des écoles d’art, et aux diplômés dans les cinq années suivant leur sortie de l'école, qu’est destiné Early Work, cofondé par Hugues Leblond. Comme Gojiki, Early Work articule une plateforme commerciale (chaque artiste inscrit est présent au moyen d’au moins une œuvre, dont il empochera 50 % du prix de vente) et un ensemble de services : un magazine, couplé à un service de représentation des artistes auprès des institutions privées et publiques. Doté d’un comité de sélection lui permettant de sélectionner soigneusement les œuvres et les artistes, Early Work peut être ainsi considéré comme la réponse française à des sites marchands tels que Artsper ou Saatchiart, ou au site de financement participatif Articurate.

Aider les jeunes talents à se faire connaître

> La dernière née dans le paysage de ces plateformes de mise en relation entre artistes et professionnels a pour nom Talents Around. Lancé à la toute fin 2015 par Anne Boudard et Véronique Helliot, ce site (décliné aussi sous forme d’application mobile) met à la disposition des créateurs, dans les domaines des arts visuels, des arts graphiques, du Web, du « divertissement » et du design, un système d’algorithmes exclusif développé avec le concours d’un expert des ressources humaines. Des algorithmes qui « ne prennent pas seulement en compte les compétences du jeune talent, celles que l'on peut trouver dans un CV classique, mais aussi des aptitudes, des affinités, la culture de l'entreprise », ainsi que le déclaraient récemment ses fondatrices au magazine Challenges, avec la volonté d’« aider tous ces jeunes talents à se faire connaître ».

Défendre la création artistique émergente

> En dehors de telles plateformes, d’autres initiatives sont apparues récemment dédiées à la défense de la création artistique émergente. On notera en particulier l’action d’Artagōn, créé par Kemis Henni, qui se définit comme une « tête chercheuse internationale, pluridisciplinaire, libre, mobile (…) en quête et en faveur de tous les futurs de l’art » : son action passe principalement par l’organisation d’expositions et d’événements, parmi lesquels la remise d’un prix récompensant le travail d’étudiants en école d’art. Il faut également souligner le travail mené par Romain Semeteys avec le site Le Châssis, qui ambitionne de constituer un média de référence d’un type nouveau autour de la jeune création.

Permettre à l’art d’habiter le quotidien

> Le site Host An Artist, enfin, développé par les artistes David Guez et Anne Roquigny, n’est pas la moins originale de ces initiatives visant à instaurer de nouvelles relations entre les artistes et le monde, professionnel ou non. Lancé en novembre, et financé grâce à un appel à participation, Hostanartist.com est une plateforme collaborative d’hébergement d’artistes chez l’habitant qui permet à des « propriétaires » d’espaces privés ou publics d’offrir à des artistes des lieux de résidences de création.En échange, les artistes offrent à leurs hôtes une œuvre d’art ou toute forme qui permet de créer un lien inédit avec leurs mécènes. À l’heure où le temps et l’espace pour créer semblent paradoxalement se raréfier, voilà une manière singulière de permettre à l’art d’habiter le quotidien.