Enseigner le français à des adultes pour acquérir plus d'autonomie sociale et professionnelle : tel est l'un des objectifs du Pôle linguistique de la ville des Mureaux. Reportage autour de la Semaine de la langue française et de la Francophonie du 15 au 23 mars.
52 nationalités représentées
Elles sont trois, ce jour-là, au sein du Pôle linguistique de la Médiathèque des Mureaux sur les cinq formatrices de « français langue étrangère » habituellement présentes : Fatiha Ben Hida, Michèle Benayoun et Vilay Chitprasong. Trois femmes qui disent leur engagement à enseigner la langue française, cet indispensable outil pour s'insérer, trouver sa place, s'impliquer dans la société. Face à l'équipe de formatrices, 52 nationalités sont représentées, venant en majorité d'Afrique du Nord, d'Afrique de l'Ouest, d'Asie, du Moyen-Orient, mais aussi de l'Union européenne. « Dans la tranche d'âge 25-44 », constate Fatiha Ben Hida, la coordinatrice du Pôle, « les hommes sont plus nombreux que les femmes. Puis, la tendance s'inverse.»
Le français, la clef pour l'autonomie
Lieu d'enseignement, le pôle est aussi un lieu où l'on se rencontre. « On y tisse du lien », précise Michèle Benayoun, une enseignante née au Maroc d'un père kabyle et d'une mère juive d'Algérie aux origines alsaciennes, qui puise son énergie dans son histoire personnelle : partie en Amérique du sud, au Paraguay, elle crée une école française, avec une idée en tête : « empêcher les enfants de traîner dans la rue ». « On y écoute », poursuit-elle, «les souffrances intimes sans pouvoir forcément donner de réponses. C'est un lieu qui participe au mieux-être de chacun. » Selon l'une de ses étudiantes, « on y laisse aussi son sac à l'extérieur », une façon de dire qu'une fois franchi le seuil de la classe, on se débarrasse de ses désarrois pour se concentrer sur un nouvel apprentissage, le français, la clef pour une meilleure autonomie.
Comprendre, parler, écrire, c'est le but de chacun. « Certains sont en situation d'analphabétisme», dit Fatiha Ben Hidda. « Ils redeviennent des enfants, ré-apprennent comme à l'école, ce qui parfois remonte à très loin ». « C'est lent, c'est long, mais ça marche!», renchérit Michèle Benayoun.
La langue française, un trait d'union
Asghar vient du Pakistan. Avec ses deux filles, Khadija et Faiza, 7 et 9 ans, presque jumelles avec leurs pull-overs rouge et leurs cheveux de jais, elle participe à l'atelier parents-enfants autour du festival « Dis-moi dix-mots », dont le thème porte cette année sur la créativité lexicale. Toutes les trois fabriquent un cube sur lequel elles vont peindre et coller des images pour illustrer à leur gré, un des dix mots de l'édition 2014 : Ambiancer, à tire-larigot, charivari, s'enlivrer, faribole, hurluberlu, ouf, timbré, tohu-bohu, zigzag. Pour Asghar et ses filles, ce sera « charivari », parce qu'il« sonne coloré et festif ». Assma est née elle aussi au Pakistan. Venue avec ses filles, Alicia et Aliba, 3 ans et demi et 5 ans, elle apprend le français depuis trois ans au sein du Pôle linguistique. « Une façon de se retrouver moins seule », dit-elle, face à la découverte et à l'apprentissage de la langue. Kashia, arrivée en France de Pologne depuis sept ans, s'amuse avec ses trois enfants, Max, Emma et Éric, 11, 8 et 4 ans, à peindre sur le gros cube en carton le mot « ouf » et toutes ses illustrations possibles. Un mot qu'ils ont choisi pour sa sonorité et son immédiateté , mais aussi « parce qu'il désigne une chose ressentie. » Marie-Hélène vient du Laos. Elle vit en France depuis 30 ans, mais le Pôle est pour elle, « une chance unique de continuer à apprendre le français », et d'aider sa fille Luna à l'école.
Pour Nathalie Picard, chargée de mission aux Mureaux, ces ateliers ludiques et créatifs « participent au lien entre parents et enfants, la langue étant le trait d'union essentiel ». Ils sont aussi une occasion de favoriser l'insertion « de ces mères de famille, souvent seules à la maison», et une fenêtre ouverte vers d'autres cultures. Un peu à la manière, dit Nathalie Picard, des « tontines en Afrique », ces pots communs qui, par l'apport de chacun, contribuent à l'enrichissement de tous.