Ancien Garde-Meuble de la Couronne, le Mobilier national conjugue avec talent, depuis 350 ans, patrimoine et création. A l’occasion de l’exposition présentée jusqu'au 18 septembre au ministère de la Culture, son directeur, Hervé Barbaret, revient sur cette institution qui constitue une véritable "exception culturelle".
Vous avez pris le parti, à l'occasion de l'exposition présentée au ministère de la Culture, de montrer le Mobilier national tel qu’en lui-même, c’est-à-dire dans toute la diversité de ses missions.
Ameublement des lieux de pouvoir, restauration d’objets, conservation d’une collection d’exception, création… nous voulions montrer tous ces visages de l’institution mais aussi mettre à l’honneur un pan moins connu de notre activité. L’exposition nous donne ainsi l’occasion de présenter les métiers rares des trois grandes manufactures, celles des Gobelins et de Beauvais pour les tapisseries, et de la Savonnerie pour les tapis, mais aussi le centre de formation dont les jeunes diplômés rejoignent le corps des techniciens d’art qui réalisent les tapisseries.
Deux mots-clés résument mon projet pour le Mobilier national : l’ouverture et le rayonnement
Que peut-on voir dans les différents espaces d’exposition ?
Les vitrines du Palais-Royal, ainsi que le podium installé à l’intérieur du site des Bons-Enfants, présentent une sélection d’objets qui illustrent les grandes missions de l’institution, lesquelles sont par ailleurs déclinées à travers une série de verbes d’action sur la façade de l’immeuble des Bons-Enfants. « Créer » et « conserver » sont les plus évidents. « Diffuser » peut sembler plus surprenant, pourtant aujourd’hui, l’objectif est plus que jamais d’ouvrir l’institution afin que nos collections et nos savoir-faire soient largement connus du public. « Transmettre » va de pair avec la formation précédemment évoquée. « Innover » est un autre axe majeur : depuis 1964 et la création par André Malraux de l’Atelier de recherche et de création, le Mobilier national dispose d’un atelier qui invitent les grands designers français à présenter des projets réalisés en objets uniques, ou en petites séries, à des fins d’ameublement des lieux de pouvoir. « Restaurer » va de soi : nos collections sont utilisées par les hautes autorités de l’État, cela suppose une remise en état régulière qu’il s’agisse des meubles, des tapisseries ou des tapis. « Valoriser » va de pair avec « diffuser ». Nous ne prétendons évidemment pas faire une exposition muséale mais nous avons à cœur de montrer que nous sommes un lieu de patrimoine autant que de création.
Ces verbes font également écho à l’action du ministère.
Le Mobilier national est une sorte de microcosme qui reflète le macrocosme que serait le ministère. Nous avons des conservateurs, des restaurateurs, des techniciens d’art qui réalisent des œuvres contemporaines et nous invitons des plasticiens et des designers à présenter le meilleur de ce qu’ils créent. Les objectifs patrimoniaux de conservation des collections et ceux de création se rencontrent au sein de l’institution.
Quels sont vos projets pour le Mobilier national ?
Deux mots clés résument ma vision de l’institution : l’ouverture et le rayonnement. Mon prédécesseur [Bernard Schotter (NDLR)] avait déjà œuvré en ce sens. C’est sous son mandat par exemple qu’a été créée la galerie des Gobelins qui est un lieu d’ouverture exceptionnel vers nos collections. Pourtant, et c’est un paradoxe, l’institution reste encore largement secrète aujourd’hui. Sa richesse patrimoniale mais aussi immobilière – l’enclos historique des Gobelins ainsi que le bâtiment signé par l’architecte Auguste Perret dans lequel nous nous trouvons – sont tout à fait remarquables. Et que dire des savoir-faire qu’on voit à l’œuvre dans des métiers d’art qui ont plus de 350 ans… Il n’est plus possible que cette richesse reste cachée. Il m’arrive très souvent de dire aux équipes que nos concitoyens, le contribuable public, sont nos véritables donneurs d’ordre. Ils doivent savoir ce que nous faisons avec les moyens qui nous sont attribués. Nous n’avons pas à en rougir, bien au contraire. C’est pour cette raison qu’il faut être très ambitieux et volontariste dans cette logique d’ouverture et de rayonnement.
Les nouvelles équipes ministérielles et le couple présidentiel prennent progressivement possession de leurs bureaux et appartements. La mission d’ameublement a fort à faire en ce moment…
Les périodes de remaniement ministériel, a fortiori lors d’une élection présidentielle suivie d’élections législatives, sont toujours des moments de grande activité. Tout arrive en même temps, les commandes des ministres et de leurs équipes et le retour des objets utilisés. C’est aussi une période d’activité intense pour les inspecteurs chargés des lieux qu’ils ont vocation à suivre et à récoler – l’une de nos missions fondamentales –, ainsi que pour tous les services logistiques. La présidence de la République a d’ores et déjà fait connaître son souhait de disposer de propositions d’œuvres contemporaines pour compléter l’aménagement existant. Une tapisserie contemporaine a déjà été déposée. C’est une immense fierté car l’ameublement des lieux de pouvoir a vocation à être en dialogue permanent avec nos créations. À l’inverse, d’autres équipes ministérielles sont attachées à des propositions plus traditionnelles, relevant d’objets patrimoniaux, en particulier de style Louis XV. En réalité, nous avons tous les cas de figure. Mais la ligne éditoriale générale est plutôt aux propositions contemporaines.
Tous les visages du Mobilier national au ministère de la Culture
« Pendant l’installation, de nombreuses personnes se sont arrêtées pour regarder les œuvres », se réjouit Lucile Montagne, inspectrice des collections au Mobilier national et commissaire de l’exposition. Voilà qui ne surprend pas, tant l’exposition – présentée simultanément dans les douze vitrines du péristyle et de la galerie de Valois au Palais-Royal et sur le site des Bons-Enfants, siège de l’administration centrale du ministère – montre brillamment toutes les facettes du Mobilier national. Coté Palais-Royal, le parti est résolument grand public avec un ensemble de sept petites vitrines présentant l’activité patrimoniale et de création de l’institution, et cinq grandes vitrines illustrant la diversité des collections du Mobilier national. « Nous souhaitions présenter différentes typologies d’objets et couvrir une large période. La présentation chronologique va du 18e siècle aux années 1980 avec notamment des essais tissés, des cartons peints, un siège garni en tapisserie de Beauvais, des bronzes, des lustres et des pendules du 19e siècle, un bureau et un paravent utilisé au Palais-Royal, une vitrine sur l’après-guerre, ou encore des créations de l’Atelier de recherche et de création des années 80 choisies dans le cadre d’un concours sur le mobilier de bureau lancé en 1982 par le ministère de la Culture », précise Lucile Montagne. Côté Bons-Enfants, le choix s’est porté sur une approche plus pointue sur les missions d’ameublement, de « remeublement », de formation et de restauration à l’intérieur du bâtiment. Un vaste podium présente notamment des objets venant d’être restaurés. Le dernier espace a quant à lui tout d’une invitation lancée au visiteur. « Nous souhaitons que les agents du ministère s’approprient le lieu. La première partie est conçue comme un salon. Nous y avons installé deux fauteuils et deux poufs du designer Sylvain Dubuisson ainsi qu’une petite table sur laquelle nous avons posé des catalogues que les visiteurs peuvent consulter. La seconde partie est consacrée à la formation avec notamment toute une série d’études d’élèves. Des formateurs et des élèves vont par ailleurs se relayer tous les mercredis pour animer cet espace. Nous souhaitons aussi y organiser des rencontres avec des restaurateurs », conclut Lucile Montagne.
Mobilier national, une exposition présentée jusqu'au 18 septembre au ministère de la Culture, 3 rue de Valois et 182 rue Saint-Honoré, 75001 Paris. Entrée libre.