Expérience unique permettant une rencontre entre le monde scolaire et l’univers des musées, la 4e édition de "La classe, l’œuvre !" va culminer samedi soir avec la Nuit des musées 2016. Second volet de notre exploration avec "les élèves à la rencontre des arts du feu" (2/2).

Au musée national Adrien Dubouché, à Limoges (Haute-Vienne)

C'est bluffant ce qui se passe autour de La classe, l’œuvre ! L’exclamation de Pierre Houdeline, chargé des publics et de la communication du musée, traduit bien l’état d’esprit des élèves face à ce trésor de leur patrimoine qu’est la porcelaine de Limoges. Trois siècles après la découverte, dans le Limousin, du kaolin - la matière dont est faite cette céramique dure et translucide - Limoges reste un haut-lieu de la porcelaine, avec la Cité de la céramique, à Sèvres. L’amour de cet art subtil est grand à Limoges et dans la région. Les nombreuses activités pédagogiques que nous proposons au musée contribuent à forger le goût des plus jeunes.C’est dire si un dispositif tel que La Classe, l’œuvre ! qui leur donne l’accès libre aux collections toute l’année et se termine en apothéose le 21 mai, lors de la Nuit des musées, est apprécié des enfants. Le musée, qui en est à sa troisième participation, s’est d’ailleurs si bien approprié le dispositif qu’il l’a rebaptisé en « Les jeunes ont la parole », sur le modèle du Louvre.

« Nous voulons contribuer à forger le goût des plus jeunes »

Pour cette nouvelle édition, le musée a accueilli une classe de 4e issue du collège Maurice Genevoix de Couzeix, à côté de Limoges. Il a également accueilli 18 étudiants d’hypokhâgne issus du lycée Gay-Lussac de Limoges. Les premiers ont choisi de travailler sur « L’autruche passe-muraille », une œuvre phare du musée créée en 2007 par Sylvie Coquet, une artiste de la région. L’autruche, en biscuit de porcelaine, est à taille réelle et s’inscrit dans la tradition des « blancs de Limoges » – un émail blanc particulier qui servait à réaliser des copies de gravures au 16e siècle. Avec leur professeur d’arts plastiques et de français, Geneviève Bonfanti, les élèves ont créé un objet d’art et une petite fiction. Les élèves ont demandé un espace de 3 X 1,50 mètres pour présenter leurs créations, lors de la Nuit des musées. Sur les ailes de l’autruche, ils feront voyager les visiteurs à travers les époques, depuis le Paris des Expositions universelles jusqu’à l’univers de Starwars. Même credo pour les étudiants en classe préparatoire littéraire. Eux aussi seront seuls, cette nuit-là, face aux visiteurs, pour prendre la parole en public. C’est un bon exercice pour passer les concours, plaisante Pierre Houdeline. Le but est de présenter – avec leurs mots, leur regard – le fruit de leurs recherches sur les œuvres et thèmes qu’ils se sont choisi : un vase d’Hector Guimard, une amphore grecque, des statues à taille réelle du 19e siècle, l’architecture du musée... Épaulés par leur professeur de lettres, Raphaëlle Dumas, et d’histoire-géographie, Philippe Grandcoing, ilsont hanté pendant un an la bibliothèque du musée, les services d’archives municipales et départementales. Leurs huit restitutions surprendront par leur qualité.

Au Centre international d’art verrier et le Musée du verre et du cristal de Meisenthal (Vosges)

Un vase d’Emile Gallé, le « Vase au chrysanthème et à la mante religieuse », et un verre contemporain créé par un duo de designers, la « Bix ». En s’appropriant ces objets dans le cadre de La classe, l’œuvre ! les élèves prolongent en quelque sorte la grande histoire de Meisenthal. Il faut savoir que l’actuel « Site verrier Meisenthal » regroupe le musée du verre et du cristal et le Centre international d’art verrier (CIAV), l’héritier de l’ancienne verrerie de Meisenthal. Dans ces Vosges du Nord qui virent l’âge d’or de la verrerie d’art, seuls 3 centres perpétuent encore le soufflage à la canne aujourd’hui : les Cristalleries de Saint-Louis, les entreprises Lalique à Wingen sur Moder et le CIAV de Meisenthal. Ce sentiment de fierté est palpable. Notre objectif est de sensibiliser les jeunes du territoire à ce matériau qui fait partie de leur histoire. Les « Baptêmes du feu », notre dernière offre phare, sert à cela. Beaucoup d’enfants sortent de nos ateliers en proclamant qu’ils seront verriers !Nous sommes dans une dynamique de développement de l’offre pédagogique et nous avions envie d’aller plus loin que l’accueil à la journée, explique Aurore Feuvrie, responsable médiation et accueil des publics au CIAV.

« Apprendre à regarder les objets d’art et les objets du quotidien »

D’où cette première participation du Site verrier Meisenthal à La classe, l’œuvre! Tout au long de l’année, deux classes d’école primaire se sont approprié chacune une œuvre du musée. Les enfants de Havricourt, en Moselle, ont choisi « Vase au chrysanthème et à la mante religieuse » d’Emile Gallé, une pièce de la collection Art nouveau du musée. Sous l’aile d’une artiste plasticienne de la région, Françoise Maire, ils ont fait un travail sur les motifs végétaux et les animaux. Quant aux élèves de Fribourg en Moselle, ils ont choisi un verre contemporain – la « Bix » - créé par un duo de designers strasbourgeois, les V8, actuellement exposés au musée. Pour ces artistes, c’est un challenge de s’adresser à des enfants, explique Aurore Feuvrie. Même avec des adultes, le design n’est pas une notion facile à aborder. A cause des contrefaçons notamment, il fait l’objet de beaucoup d’idées préconçues.La « Bix » est une création en verre qui reproduit la forme d’une cannette en métal – un objet universel représentatif de notre façon de boire aujourd’hui. Elle est décorée par un liseré en platine, rappel du savoir-faire verrier de la région. En remontant aux premiers verres de l’Antiquité, les enfants apprennent ce qu’est l’objet verre aujourd’hui, comment on boit. On leur apprend à le regarder, à le dessiner de mémoire, à en parler. Ils peuvent créer un petit objet-souvenir. L’objectif, avec La classe, l’oeuvre !, est d’apprendre à regarder les objets d’art et les objets du quotidien, conclut Aurore Feuvrie.

 

Quels musées pour le XXIe siècle ?

Les musées du XXIe siècle ne doivent-ils pas s’adapter aux enjeux spécifiques de leur époque : éducation artistique, diversification des publics, mondialisation, transition numérique, insertion dans l’univers économique ? C’est pour répondre à ces questions qu’Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication, a confié, le 17 mai, une mission de réflexion à Jacqueline Eidelman, conservatrice générale du patrimoine. Elle sera accompagnée par un comité de pilotage constitué d’une vingtaine de membres, représentants des musées français et internationaux. La ministre s’est fondée sur une conviction : Le musée est également un passeur de mémoire, un producteur d’émotion esthétique, un médiateur entre les disciplines, un socle de l’éducation citoyenne, un producteur de lien collectif à travers ce patrimoine commun. La mission, associée aux organisations professionnelles des musées, du monde de l’enseignement et de la recherche, du travail, de l’art, du champ social, de l’économie et du tourisme, traitera quatre thèmes stratégiques : le musée éthique et citoyen, le musée protéiforme, le musée inclusif et collaboratif, le musée comme écosystème professionnel. Elle remettra ses propositions à la fin de l’automne 2016.