Alors que la charte « Pour les femmes dans les médias » a été signée le 21 janvier par 59 nouvelles entreprises, nous revenons, avec Agnès Saal, haute-fonctionnaire à l’égalité et à la diversité au ministère de la Culture, sur l'évolution de l'égalité dans les secteurs culturels.

Agnès Saal

Quel commentaire cette deuxième vague de signatures de la Charte « Pour les femmes dans les médias » vous inspire-t-elle ?

En premier lieu, à la suite du ministre de la Culture, je me réjouis de cette deuxième vague de signatures, intervenue en moins d’une année. Une étape significative est ainsi franchie, puisque, depuis mars 2019, où les 18 premières signatures avaient été enregistrées, ce sont aujourd’hui 59 nouvelles entreprises des secteurs de la presse, de l’audiovisuel et de la production phonographique qui s’engagent en faveur de la lutte et de la prévention contre le harcèlement sexuel et sexiste. Pour autant, je constate que l’on a encore besoin d’aller beaucoup plus loin pour promouvoir l’égalité. En observant les différents signataires de la charte, le plus souvent masculins, on se dit que la question de l’accès des femmes aux postes de responsabilité reste, plus que jamais, d’actualité.  La charte, c’est vrai, est un outil formidable qui permet aux entreprises de s’engager – et de s’armer – face aux risques de violence et de harcèlement sexuel et sexiste. Mais, pour couvrir l’intégralité des domaines dans lesquelles l’égalité entre les femmes et les hommes doit se déployer, ce document doit s’enrichir d’autres dimensions. Le Ministre l’a répété, la politique d’égalité, outre l’égalité salariale, comprend également l’accès aux moyens de création et de production, l’accès aux postes de responsabilité, la visibilité, la reconnaissance des talents.

La place enfin laissée à des talents différents, aux femmes, comme à d’autres parties de la population, jusque-là empêchées, entravées, écartées, permet une explosion de l’imaginaire et de la force créatrice

La création audiovisuelle façonne notre imaginaire. Le ministre a parlé de la responsabilité qui incombe aux entreprises du secteur des médias de déjouer les stéréotypes, notamment ceux qui concernent la représentation des femmes. Y a-t-il moyen d'aller plus loin ?

Parce que les productions culturelles construisent un imaginaire, nos politiques culturelles, les institutions et entreprises qui les portent, ont en effet une responsabilité sociale accrue par rapport à d’autres secteurs. C’est vrai de l’égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi de toutes les autres expressions de la diversité. Plus globalement, se pencher sur la place respective des créateurs et des créatrices induit une interrogation fondamentale sur leur « production », compte tenu du lien indissoluble qui existe entre la personne qui crée et la production, l’œuvre, qu’elle propose. Le poids des stéréotypes est encore extrêmement prégnant aujourd’hui. Il convient d’abord d’en prendre conscience pour savoir les déconstruire. Cette responsabilité majeure vient servir un enjeu magnifique. En effet, la place enfin laissée à des talents différents, aux femmes, comme à d’autres parties de la population, jusque-là empêchées, entravées, écartées, permet une explosion de l’imaginaire et de la force créatrice. S’en priver, c’est couper à la racine la capacité de renouvellement, de création et d’imagination

Association « Des femmes dans les médias », étudiants des écoles d’enseignement supérieur culture… la mobilisation part souvent de celles et ceux qui sont concernés au quotidien dans leurs institutions respectives.

C’est très juste et je crois que la puissance du mouvement vient de la concomitance de l’engagement de partenaires de la « société civile », conscients des obstacles insupportables qui se dressent encore, et de la force d’une volonté politique. L’un sans l’autre ne suffit pas ; or, le moment est propice puisque l’égalité femmes/hommes est une « grande cause » du quinquennat. Promouvoir l’égalité et prévenir les discriminations dans tous les champs des politiques culturelles, et pas seulement dans les médias, confère une cohérence à cette démarche volontariste de déconstruction des stéréotypes. Il s’agit d’un engagement majeur du ministère de la Culture, qui entend bien y imprimer sa marque.