Permettre à la jeunesse des pays francophones de se mesurer dans des épreuves sportives et culturelles, le tout dans un esprit de solidarité, d’échange, d’excellence et de diversité : tel est l’objectif de la 8e édition des Jeux de la Francophonie, qui se tient du 21 au 30 juillet 2017 à Abidjan (Côte d’Ivoire). Retour sur ce pari ambitieux avec Thérèse Salvador, cheffe de la délégation française, dans le premier volet de notre série (1/2).
Organisés tous les quatre ans, les Jeux de la Francophonie, organisés par l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), se déroulent depuis 1987 en alternance dans un pays du Sud et un pays du Nord avec deux objectifs majeurs : favoriser l’émergence de jeunes talents francophones sur la scène internationale et développer les échanges artistiques entre les pays ayant le français en partage. Le ministère de la Culture a participé à la sélection des jeunes artistes.
La Francophonie, avec une majuscule, figure le dispositif institutionnel organisant les relations entre pays francophones. Quelle place y occupent les Jeux dans la Francophonie ?
Je me permets un rapide rappel du contexte : c’est l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) qui a mis en place les Jeux de la Francophonie. La préparation de ces derniers incombe au Comité international des Jeux de la Francophonie (CIJF), qui assure cette mission avec le Comité national des Jeux de la Francophonie (CNJF). Il s’agit, à travers une langue commune – le français – de rapprocher et de de confronter différentes cultures à travers deux programmes : l’un sportif, l’autre culturel. Développer les connaissances sur ces différentes cultures, dont la diversité est largement valorisée, permet de renforcer les échanges et de favoriser les rapprochements entre les pays.
On a trop souvent tendance à cloisonner sport et culture. Depuis l’origine des temps, pourtant, le corps est considéré comme une expression à la fois culturelle et sportive
Qu’apporte aux Jeux l’alliance du sportif et du culturel ? Quelle philosophie sous-tend cette association ?
Les Jeux de la Francophonie sont les seuls qui réunissent dans un même laps de temps des épreuves réservées à des artistes et des compétitions sportives. L’ensemble des délégations francophones, soit 3 500 jeunes, sportifs et artistes, se retrouvent dans un même lieu – cette année, il s’agit de l’Institut national de la jeunesse et des sports, à Abidjan – où, grâce à leurs accréditations, ils peuvent circuler sur l’ensemble des sites concernés par les Jeux. Les sportifs, lorsqu’ils ne s’entraînent pas, peuvent aller voir les artistes répéter et vice-versa. Ils peuvent confronter leurs points de vue sur les méthodes d’échauffement, de travail, de gestion du trac… Cela donne lieu à des interactions passionnantes. Il y a, par exemple, d’incroyables facilités de rapprochement entre le hip-hop freestyle et la lutte ou l’athlétisme, qui sont des épreuves très physiques. On a trop souvent tendance à cloisonner sport et culture. Depuis l’origine des temps, pourtant, le corps est considéré comme une expression à la fois culturelle et sportive. Ne serait-ce qu’avec les jeux antiques, au cours desquels les sculpteurs reproduisaient les plus grands athlètes. Ce lien, qui ne semble pas évident de prime abord, n’en est pas moins solide et ancien.
25 artistes et 150 sportifs français ayant entre 18 et 35 ans sont rassemblés pour l’occasion. Comment s’est opérée cette sélection en France ?
Pour les sportifs, les sélections se font suivant les performances. Nous visons l’excellence et pour cela nous nous basons notamment sur les classements internationaux. Les fédérations sportives jouent un grand rôle dans ce processus, en transmettant l’information et en validant les propositions de qualifications. Pour les artistes, en revanche, c’est plus complexe. Le CJIF définit un certain nombre de critères – qualité du travail artistique, intérêt des œuvres proposées, apport de l’artiste à sa discipline et qualité de présentation de la demande – à partir desquels nous rédigeons des actes de candidatures, pour chacune des douze épreuves prévues. Ces actes de candidatures sont ensuite largement diffusés par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC). Et le bouche à oreille fait le reste. Quant au processus de sélection, il suit généralement trois grandes étapes. Cette année des auditions, menées avec les différentes directions du ministère de la Culture de janvier à mai 2016, ont abouti, dans un premier temps, à une pré-sélection des candidats. Les candidatures proposées ont ensuite été validées et transmises par la France au jury international qui, de novembre à décembre 2016, a sélectionné de manière définitive les candidatures de l’ensemble des pays participants. Pour les Jeux, ce sont ces jury internationaux – un pour chaque continent – constitués par le CIJF qui se réunissent pour désigner les lauréats.
Les épreuves culturelles peuvent devenir de véritables tremplins professionnels
Quel bénéfice les artistes retirent-ils de leur participation aux épreuves des Jeux de la Francophonie ?
Les Jeux de la Francophonie donnent l’opportunité à ces jeunes artistes de faire valoir leur travail, l’objectif étant d’inciter les professionnels du monde des arts à venir aux Jeux pour rencontrer ces talents. Les épreuves culturelles peuvent ainsi devenir de véritables tremplins professionnels et, à la suite de leurs participations, plusieurs de nos candidats ont été repérés par des « chasseurs de talents » et conviés à des tournées, des concerts en Afrique, en Asie… jusqu’en Iran ! Qui plus est l’OIF soutient l’activité des artistes ou des troupes au-delà des jeux, par des mesures concrètes : édition de recueils de nouvelles, expositions itinérantes, invitations à se produire lors d’événements internationaux tels que les jeux Olympiques ou le Sommet international de la Francophonie…
Abidjan 2017 : les Français participant aux épreuves culturelles
> Chanson - Keurspi
Les chansons interprétées doivent avoir été créées durant les 24 mois précédant les Jeux et doivent être des chansons de variété. Le concert s'échelonne entre 15 et 25 minutes maximum pendant lesquelles l'artiste interprète plusieurs œuvres. Prestation en français ou dans une des langues nationales du pays ressortissant.
> Conte - Najoua Darwiche
Le genre est libre - le conteur a le choix entre narration personnelle d'histoires vraies, fictives ou symboliques. Les contes durent 25 minutes maximum et le conteur peut être accompagné d'un musicien. Prestation en français.
> Danse de création - Soul City
Les danses interprétées doivent être des œuvres récentes, créées durant les 24 mois précédant les Jeux. Le groupe est composé de 2 à 10 personnes, technicien compris, et la performance dure 25 minutes maximum.
> Jonglerie avec ballon (freestyle ball) - groupe S3
L'épreuve présente un groupe de 1 à 5 artistes jonglant avec un ballon, une balle ou une quille (arts du cirque ou "styles libres"). Les artistes peuvent être accompagnés d'une bande son et d'une chorégraphie. L'épreuve se divise en deux temps : une première partie, seul sur scène puis un défi.
> Hip Hop - Pockemon Crew
Le groupe, composé de 2 à 5 artistes polyvalents, devra présenter sa chorégraphie et sa bande sonore, lors d'un tournoi en deux temps : une première partie seul sur scène puis une "battle".
> Littérature - Guillaume Parodi
L'écrivain doit proposer une nouvelle inédite en langue française, qui doit être dactylographiée sur 7 à 8 pages et comporter 15 000 signes maximum. Le candidat sera jugé sur l'originalité de son œuvre, l'émotion suscitée, la force de suggestion des images et la portée de son texte.
> Sculpture - Orphée Salvy
La structure et les exigences des deux concours sont identiques. Ils comprennent deux partie, une exposition et un atelier. Pour l'exposition, l'artiste devra concevoir une création originale et récente. Pour l'atelier, il lui faudra créer une deuxième œuvre, sur le thème de "l'assemblage", en composant avec les matériaux donnés.
> Photographie - Marie-Charlotte Loreille
Les photographies présentées doivent être des œuvres récentes, prises durant les 24 mois précédant les Jeux. Il doit s'agir d'une création originale. L'artiste propose quatre photographies d'art au total. Le concours se divise en deux temps : une partie exposition et une partie atelier, où le photographe devra créer une œuvre nouvelle.