La plateforme numérique d’éducation à l’image Ersilia est dédiée aux 11-20 ans des zones d'éducation prioritaire. Elle vient d’être lancée par LE BAL, un superbe lieu d’exposition dans le 18e arrondissement de Paris, dans le cadre de sa structure pédagogique "La Fabrique du Regard". Ce dispositif est soutenu par le ministère de la Culture et de la Communication.

Pourquoi la plateforme Ersilia ?

Nous nous consacrons à cette génération qui a le goût de l’image mais qui souffre souvent d’un fort sentiment d’exclusion – qu’ils viennent de la Goutte d’Or ou de Bondy, 90 % des jeunes avec lesquels nous travaillons ne sont jamais allés au centre de Paris, explique Christine Vidal, directrice de La Fabrique du Regard depuis sa création, il y a huit ans. Pour ces lycéens, nous avons inventé un outil de navigation intuitive, qui leur permet de se repérer dans la profusion des images à laquelle ils sont exposés chaque jour. Quand on sait, en effet, que 880 milliards de photos sont prises dans le monde chaque année et que 3000 images sont téléchargées toutes les secondes sur Facebook, on comprend l’urgence du projet. L’idée, c’est d’inviter ces jeunes à être moins dans la consommation de l’image mais plus dans la distance, le discernement, l’analyse. Car un regard actif sur les images, c’est un regard actif sur le monde, résume Marie Doyon, coordinatrice de La Fabrique du Regard. On l’aura compris, il ne s’agit nullement, ici, de former des vidéastes, des photographes ou des artistes, mais de « fabriquer » des « regardeurs » actifs, concernés, pour qui l’image est un territoire politique à conquérir.

Un regard actif sur les images, c’est un regard actif sur le monde

Testée et approuvée par les jeunes

Depuis trois ans, élèves, enseignants et artistes exposés par LEBAL participent à l’aventure d’Ersilia. Leurs tests et retours ont accompagné chaque étape de l’évolution du projet. Les élèves de classes de terminale et de brevet Métiers d’art du lycée Hénaff de Bagnolet et leurs professeurs, ont même participé à la conception d’Ersilia. Voilà une plateforme-ressource qui permet de croiser les différents types de savoirs : images, textes, vidéos, sons, liens en accès libre, jeux... Une plateforme collaborative qui permet de partager avec des professionnels invités : artistes, journalistes, éditeurs, écrivains, urbanistes... Une plateforme créative, enfin, qui permet de construire des programmes et de réaliser des projets artistiques : film, publication, webdoc... Pour 2016, année du lancement d’Ersilia, les jeunes ont choisi pour thématique « Image et Territoire ». Ils ont analysé une photographie de Joe Deal Backyard, « Diamond Bar », pour comprendre d’où vient l’invention de la banlieue. Ils ont scruté une carte de Philippe Rekacewicz pour comprendre les enjeux d’un territoire en guerre tel que la Palestine. À partir d’une photographie de Mishka Henner - les parcs d’engraissement de bovins, emblème de la production de masse - ils se sont demandés pourquoi ce que l’on mange influe sur l’endroit où l’on vit. Pour Richard Manière, professeur au lycée Hénaff, Ersilia est un moyen nomade qui tisse des liens fondateurs du savoir des jeunes, en les emmenant vers des œuvres complexes. L’image permet d’éduquer aux grands sujets citoyens. En 2017, le thème sera « Image et Corps ».

« Une tomate en hiver »

Le BAL expose en ce moment les travaux des élèves de la première promotion Ersilia. Le photographe Raymond Depardon, fondateur du BAL, peut en être fier. Citons « Une tomate en hiver » : un webdocumentaire sur la façon de se nourrir dans le 18e arrondissement, réalisé par des jeunes du Lycée Rabelais (Paris 18e) ; « Mon journal du monde » : dix journaux réalisés par les élèves des collèges Voltaire (Asnières-sur-Seine, 92), Ecole de la deuxième chance (Trappes, 78), Albert Samin (Roubaix), René Descartes (Le Havre), Stéphane Mallarmé (Paris 17e) , Marie Curie, Georges Clémenceau, Daniel Mayer, Hector Berlioz, Maurice Utrillo (Paris 18e), Robert Doisneau (Paris 20e) ; le programme « Regards croisés » : 6 films réalisés par 6 écoles primaires (Vicq d'Azir-Paris 10e, Richomme-Paris 18e, Tandou-Paris 19e, Bolivar-Paris 19e, Ramponeau-Paris 20e, Julien Lacroix-Paris 20e) et 6 artistes (Elsa Abderhamani, Enrique Ramírez, Sabine Massenet, Romain Baujard, Catherine Radosa, Pauline Laplace), en complicité avec des centres de loisirs. La palme revient à une étonnante vidéo conspirationniste sur un sujet absurde : « la véritable identité des chats » ou « comment le chat veut agir sur notre comportement », réalisée à coup de vrais mensonges, d’effets spéciaux et d’un bon montage par des élèves de seconde de Bondy. De l’avis d’un des auteurs de la vidéo,les chats n’ont pas gagné, mais il y a quand même eu quelques convaincus sur le Net !.

"Aider les jeunes à penser le monde en images"

LE BAL, lieu d’exposition fondé par le photographe Raymond Depardon, développe à travers la Fabrique duRegard, une entité pédagogique très active en faveur du public scolaire. Chaque année, 5 programmes permettent aux jeunes de « penser le monde en images ». Depuis 2008, sont ainsi touchés 16 000 jeunes, 900 enseignants, 300 artistes, 130 écoles, 13 académies.

La plateforme Ersilia est le fruit d’une recherche de 3 ans menée par l’équipe du BAL/La Fabrique du Regard. Le projet a été initié avec la Fondation Evens France et développé grâce au soutien du ministère de l’Éducation Nationale, du ministère de la Culture et de la Communication, de la Fondation Daniel et Nina Carasso, de la Fondation Total, et de la Fondation Vinci pour la Cité.
Ersilia a été distinguée dans le cadre du programme La France s’engage et sera diffusée auprès des enseignants sur l’ensemble du territoire national en partenariat avec le réseau Canopé et la Direction du numérique pour l’éducation.