Premier portrait d’une série consacrée aux artistes participant à Création en cours, un dispositif innovant de résidences d’artistes à l’école. Aujourd’hui Nelly Monnier, diplômée de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon depuis 2012, en résidence à l’école élémentaire de Charsonville dans le Loiret.
« Les enfants ont neuf-dix ans, c’est un âge où ils ne sont plus uniquement dans une représentation figurative du réel, ils vont d’eux-mêmes vers l’abstraction, c’est très intéressant à observer. Quant à la couleur, ils osent tout, ils font des mélanges, ils expérimentent des teintes, tout explose, il y a une énergie incroyable dans la classe ». Lancé depuis le début de l’année dans le cadre du dispositif Création en cours, le projet que conduit Nelly Monnier, 28 ans, à Charsonville, petit bourg du Loiret, commence à peine qu’il semble déjà promis à un bel avenir. Un motif de satisfaction évident pour la jeune femme qui aurait été « prête à aller n’importe où en France » pour participer à ce programme inédit proposé par les ministères de la Culture et de l’Education nationale et organisé par les Ateliers Médicis. Une joie qui prend aussi un relief particulier pour des raisons plus personnelles. « Je viens moi-même d’un milieu rural, dit-elle, j’ai grandi dans un petit village comparable à Charsonville [en 2014, la ville située dans la région agricole de la Beauce de Patay et l’aire urbaine d’Orléans comptait 603 habitants (NDLR)]. Enfant, j’ai eu la chance d’avoir des professeurs qui m’ont fait découvrir le cinéma, la peinture. Je sais le rôle que joue l’école pour éveiller un enfant à l’art, j’ai du reste déjà fait plusieurs ateliers en milieu scolaire ».
Enfant, j’ai eu la chance d’avoir des professeurs qui m’ont fait découvrir le cinéma, la peinture, je sais le rôle que joue l’école pour éveiller un enfant à l’art
Avec Champs colorés, le projet spécialement conçu pour Création en cours, Nelly Monnier souhaite que les enfants conjuguent les approches figuratives et abstraites. Une démarche qui fait écho à sa propre pratique artistique où les deux dimensions ne cessent de s’interroger mutuellement. Il n’est qu’à consulter son site internet, nellymonnier.com, qui par ailleurs témoigne d’une riche et constante activité depuis sa sortie en 2012 de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon, pour s’en convaincre. Les peintures, de lieux essentiellement, ont tout l’air de photographies sur lesquelles aurait été apposée une fine pellicule picturale. « J’ai commencé à faire de la photographie et de la vidéo avant de faire de la peinture, explique la jeune artiste. La géographie est très présente dans mon travail, et souvent, d’une façon très documentaire : tous les tableaux portent ainsi le nom réel du lieu représenté ». Autre particularité de la démarche de Nelly Monnier : un goût très prononcé pour l’écrit. « Il m’est arrivé plusieurs fois de présenter une peinture grand format d’un lieu accompagnée d’un récit imprimé qui était comme l’histoire d’un personnage traversant ce lieu, cela me donne la possibilité d’inventer une nouvelle histoire ».
Autant de caractéristiques que l’on retrouvera dans le projet réalisé avec les enfants. « La restitution finale prendra certainement la forme d’une fresque présentée dans la cour de l’école. Nous allons aussi concevoir des décors pour des éoliennes dans le cadre d’un atelier énergie mené par une autre intervenante. Au début de la première semaine, chaque enfant a également fabriqué un cahier de notes où seront consignées au fur et à mesure ses impressions. Enfin, le projet a un parrain, le dessinateur, écrivain et musicien Fabio Viscogliosi. Avec Julien Tardieu, un artiste qui comme lui travaille sur l’abstraction, il fait complètement partie de l’aventure. J’ai en effet souhaité que les enfants commandent une œuvre à ces deux artistes. Ce sera une manière pour eux d’avoir un accès encore plus concret et intime au milieu de l’art contemporain ».
J’ai souhaité que les enfants commandent une œuvre aux artistes Fabio Viscogliosi et Julien Tardieu. Ce sera une manière pour eux d’avoir un accès encore plus concret et intime au milieu de l’art contemporain
Avant toute chose, Nelly Monnier souhaite que les enfants puissent exprimer ce qu’ils ressentent dans un contexte plus général, celui de l’école, celui aussi du milieu dans lequel ils vivent. Il faut voir ici l’influence, entièrement revendiquée par Nelly Monnier, du documentaire France tour détour deux enfants, réalisé en 1978 par Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville. Le réalisateur y observe la journée de deux enfants d’une dizaine d’années et questionne notamment Camille, la petite fille, sur l’école et la maison, le trajet entre les deux. « J’essaye au maximum de documenter cette expérience, de la regarder sous différents angles. Je filme, j’enregistre, je fais des prises de son, je photographie. Le choix des œuvres commandées à Fabio Viscogliosi et Julien Tardieu fera par exemple l’objet d’un débat. J’aimerais à cette occasion filmer un ou deux élèves. Ils expliqueront dans quelle direction l’artiste pourrait aller, quel type de couleurs les intéresserait, ce qu’ils aimeraient voir ». On se réjouit d’avance de voir le résultat.
A noter : toutes les légendes des visuels sont extraites du blog de Nelly Monnier sur le projet "Champs colorés"
Création en cours : le dispositif est lancé depuis le début de l’année 2017
Dispositif de résidences artistiques à l’école d’une rare ampleur, Création en cours, conçu par les ministères de la Culture et de la Communication et de l’Education nationale et mis en œuvre par les Ateliers Médicis, est lancé depuis le début de l’année. Son objectif : « Intensifier la présence des artistes dans l’école et donner la chance aux enfants des territoires les plus éloignés de la culture de participer à une belle et grande aventure collective », souligne Audrey Azoulay. Diplômés depuis moins de cinq ans des établissements de l'enseignement supérieur Culture, issus de tous les champs de la création contemporaine, les jeunes artistes retenus conduiront des résidences d’au moins 20 jours dans 101 écoles partout en France, co-construites avec les équipes pédagogiques et la participation active des élèves. Plus de 5 000 élèves de CM1, CM2 et 6ème seront concernés par cette démarche de partage et de transmission artistique et culturelle.