Pour valoriser l’art urbain, le ministère de la Culture et de la Communication a lancé le 2 avril Oxymores, une exposition à ciel ouvert de créations originales conçues in situ par 15 artistes ayant choisi l’espace public comme lieu d’expression. Rencontre pendant le montage de l’exposition avec Élise Herszkowicz (Art Azoï, Paris) et David Demougeot (Bien Urbain, Besançon), les commissaires de cette initiative inédite.

Accessibilité. Au 182 de la rue Saint-Honoré, à Paris, des artistes s’affairent. Représentants de l’art urbain, ils ont reçu du ministère de la Culture et de la Communication une carte blanche inédite pour transformer à leur guise les façades de verre de son siège administratif. Face à ce chantier à ciel ouvert, les badauds et agents du ministère n’hésitent pas à engager avec eux un dialogue inattendu, notamment avec Thom Thom, présent durant près de deux semaines pour réaliser sa fresque à base de publicités déchirées. « Oxymores suit en fait la logique des arts urbains, expliquent Élise Herszkowicz et David Demougeot, commissaires de l’exposition. Les artistes sont accessibles, l’exposition est évidemment gratuite puisque réalisée in situ. Il y a les contraintes inhérentes au lieu, à l’extérieur, et donc inhérentes à la discipline : le vent, la pluie, la luminosité... » Derrière cette présentation, l’idée est de proposer des créations à la portée de tous et visibles par tous, puisqu’elles appartiennent à l’espace public.

« Artistes, on l’est sans doute, mais les gens ne le savent pas ! » (Thom Thom)

Espace public. De Jacques Villeglé, le vétéran en feutre et pardessus, à O’Clock, Lek et Sowat, de cinquante ans ses cadets, en passant par Combo, Jean Faucheur, Koralie ou Thom Thom, les quinze artistes présentés sont des valeurs reconnues de la scène hexagonale de l’art urbain. « On voulait de la diversité, parce qu’historiquement c’est la première fois que le ministère établit ce type d’initiative avec l’art urbain ! Cela pourrait d’ailleurs se répéter », s’enchante Elise Herszkowicz. Aujourd’hui, la dialectique artistes/espace public apparaît, selon les deux commissaires, « parfaitement légitime ». Si tous les artistes sollicités ont immédiatement relevé le défi, certains ont été un peu surpris de cette commande institutionnelle pour une pratique artistique qui l’est si peu... « C’est aussi pour cela que l’exposition se nomme Oxymores, soulignent les commissaires. Le ministère de la Culture et de la Communication est support de l’œuvre, mais il représente en même temps l’État, et donc, d’une certaine manière, la loi ».

L’art urbain et la loi. Une autre contradiction est soulevée : « L’art urbain est la seule pratique artistique qui, d’un côté, fait vendre les galeristes, mais qui, d’un autre, peut conduire les artistes en prison ». Pour sortir de cette impasse, Élise Herszkowicz et David Demougeot prônent une démarche de dépénalisation. Et déplorent l’image négative renvoyée par les arts urbains et notamment le graffiti. « Le traitement médiatique de la question ces quarante dernières années a beaucoup influencé la vision des gens. Jusqu’au niveau de l’outil : la bombe paraît plus agressive que le pinceau. Il faut dédramatiser l’art urbain ». Pour montrer aux artistes que « cela continue à valoir le coup de travailler dans la rue », les deux commissaires plaident pour un renouveau de la commande publique dans le secteur de l’art urbain. Et ils ont été entendus puisque Fleur Pellerin a annoncé le lancement prochain d’un appel à projet pour inviter dix artistes à créer des peintures murales in situ dans toute la France en 2016, dans le cadre de la commande publique.

Et demain ? Aujourd’hui, les mentalités évoluent. Depuis quelques années, les commandes, privées comme publiques, connaissent une progression importante (par exemple, celles de la Fondation Cartier, TAG au Grand Palais, Ex Situ au Centre Pompidou, etc.). Il y a quelques années, les artistes devaient être graphistes ou travailler pour de grandes marques pour survivre ; aujourd’hui, ils connaissent plus de possibilités. Depuis cinq ans, un véritable engouement s’est développé autour de l’art urbain sous toutes ses formes. Élise Herszkowicz et David Demougeot travaillent d'arrache-pied – notamment avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication – à le pérenniser.

Les 15 créateurs présentés au 182 rue Saint-Honoré, à Paris, jusqu’au 26 avril

L'Atlas

Combo

Eltono

Jean Faucheur

HoNeT

Lek

Koralie

Marko93

O’Clock

OX

Sowat

Surfil

Thom Thom

Jacques Villeglé

Gérard Zlotykamien