Le Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, dont le thème, "Pour de vrai, pour de faux", interroge cette année les rapports entre réalité et fiction, a ouvert ses portes le 2 décembre, en présence de Fleur Pellerin. Trois questions à Sylvie Vassallo, sa directrice.
Le Salon du livre et de la presse jeunesse a lieu juste après les attentats du 13 novembre, la presse jeunesse s’est pleinement mobilisée dans les heures qui ont suivi ces événements tragiques.
Dans un moment comme celui que nous vivons, on prend davantage conscience de l’importance de la presse et de la littérature jeunesse. La presse jeunesse, avec une rapidité exceptionnelle, a non seulement donné des informations aux enfants mais leur a aussi apporté des éléments de recul, de réflexion et de compréhension. Et ce qui est important et précieux pour les enfants, l’est aussi pour les professionnels – enseignants et bibliothécaires – qui travaillent avec eux, et les parents qui sont confrontés au quotidien à leurs questions. De son côté, la littérature jeunesse apporte une compréhension du monde par de multiples récits qui permettent également aux enfants de s’en distancier. Le prisme de la fiction permet en effet aux enfants de prendre du recul pour qu’ils ne soient pas complètement le nez collé à l’événement. D’ailleurs, le thème de cette édition est Pour de vrai, pour de faux. Le rapport qu’entretiennent la réalité et la fiction est au cœur de la littérature jeunesse qui aide à comprendre – à comprendre l’autre en particulier – mais qui vient aussi consoler, et qui aide à s’évader, à rêver. Dans un moment comme celui-là, on se doit d’assurer une sécurité physique mais aussi une sécurité psychique et psychologique. Un enfant ne peut pas vivre au quotidien avec la peur, il a aussi besoin de jouer, d’être insouciant, la littérature jeunesse et le salon viennent apporter tous ces éléments. L’exposition organisée autour d’Alice, le personnage de Lewis Carroll, est une échappée du côté du merveilleux.
Le Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil suit la première édition de « Lire en short », la grande fête du livre jeunesse qui a eu lieu partout en France au mois de juillet. En quoi cette manifestation, dont vous étiez coorganisatrice, a-t-elle donné une nouvelle impulsion aux problématiques du livre jeunesse ?
La première édition de Lire en short a apporté un regard très positif sur la question de la lecture des enfants, elle a aussi été le symbole d’une forte détermination des professionnels du livre à aller vers les enfants lorsqu’ils sont en vacances quel que soit l’endroit où ils se trouvent. Certains enfants n’ont malheureusement pas accès aux livres pendant leur temps de loisir, qu’il s’agisse du temps familial ou du temps de loisir collectif. « Lire en short » est venu susciter le désir de lire à un moment où les enfants mais aussi les familles sont disponibles pour le faire. Entre « Lire en short » et le salon du livre jeunesse de Montreuil, il y a pourtant une différence d’approche. Tandis que « Lire en short » est dans une forme de déconcentration totale du point de vue des lieux, notre démarche à Montreuil est différente puisque, pendant quelques jours, sur un territoire spécifique, nous réunissons tout le monde du livre et de la presse jeunesse et proposons aux enfants et aux familles de venir. Ces deux événements sont donc comme deux temps d’une même respiration avec des formes à la fois différentes et complémentaires.
Avez-vous pensé cette édition du salon de Montreuil à l’aune de l’expérience « Lire en short » ?
Au-delà de la complémentarité entre les deux manifestations, « Lire en short » a nourri notre programmation sur le sujet précis de la médiation : je pense à toutes les idées, parfois ludiques, qui ont été portées par les acteurs de « Lire en short » pour faire en sorte que la lecture devienne accessible à des enfants pour qui le livre n’est pas forcément un objet facile. Cette expérience va nourrir notre expérience de médiateur du livre au salon et même bien au-delà.
Salon du livre jeunesse de Montreuil : une 31e édition placée sous le signe de réalité et fiction
Maintenu malgré les attentats du 13 novembre, le 31e Salon du livre et de la presse jeunesse (SLPJ), le plus important en Europe, débute mercredi à Montreuil mais, état d'urgence oblige, sans les groupes scolaires qui font en partie son succès. À noter : le SLPJ ouvrira ses portes gratuitement mercredi. Les familles sont encouragées à venir le week-end des 5 et 6 décembre et la dernière journée, le 7 décembre, réservée en principe aux professionnels, sera ouverte à tous. L'an dernier, le salon avait accueilli plus de 160 000 visiteurs, dont de nombreux enfants et adolescents. La littérature jeunesse constitue un segment essentiel du marché du livre en France : 357 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2014, soit 14,2% de la valeur totale du marché du livre, et 87 millions de volumes vendus. Plus de 11 000 nouveautés jeunesse ont été publiées l'an dernier. Le salon a pour thème cette année "Alice au pays des merveilles", dont on fête le 150e anniversaire, une occasion de réfléchir aux idées de vrai et faux, réalité et fiction. Un des clous du salon sera l'exposition "Wonderland, la logique du rêve" avec, dans l'espace central, une installation multimédia complétée par une lecture des extraits du chef d’œuvre de Lewis Carroll par la romancière Véronique Ovaldé (le 6 décembre à 15h).