Avec leurs propositions artistiques, ils ont séduit la Biennale internationale d'art contemporain de Venise, dont l'édition 2019 est inaugurée mercredi 8 mai par Franck Riester. Retour sur cinq artistes français qui ont ont été lauréats de la prestigieuse manifestation internationale de création contemporaine.

Dévoilé en juillet dernier, le titre de la 58e édition de la Biennale de Venise, « May You Live In Interesting Times » - que l’on pourrait traduire par « Puissiez-vous vivre à une époque intéressante » -  invite les acteurs de la scène internationale à se pencher sur les enjeux du XXIe siècle. Sera-t-elle une époque « intéressante », située quelque part entre fiction et réalité ? 

Un défi que l’artiste Laure Prouvost, qui défend les couleurs du Pavillon français, s’apprête à relever avec audace et fantaisie en présentant « Vois ce bleu te fondre », une œuvre en deux volets comprenant une improbable échappée belle autour de la question du vivre-ensemble. Une œuvre ambitieuse, qui lui vaudra peut-être de rejoindre ses prestigieux aînés au palmarès de la Biennale. Petit tour d'horizon des derniers lauréats français.

 

La création contemporaine propose une lecture à la fois aiguë et aiguisée des soubresauts de notre monde

 

Daniel Buren, le minimalisme et ses sortilèges

Daniel Buren est le premier Français à bénéficier du retour à la Biennale des traditionnelles récompenses en 1986 après son abolition en 1968. Connu pour ses œuvres in situ et son style minimaliste, il remporte le Lion d’or pour le Pavillon français au moment précis où, à Paris, les célèbres colonnes de la cour d’honneur du Palais-Royal font scandale. Les rayures de son œuvre « Les deux plateaux » font écho à celles qui ornent pour l’occasion la façade du Pavillon, recouverte de miroirs découpés en bande. Une installation qui reflète, selon le New York Times, « l’élégance et la violence de la France [ainsi que] et l’excitation visuelle de Venise ».

Hyber, Huyghe : quand le collectif prend le pouvoir

En 1997, le Pavillon français accueille, dans le cadre de la performance de Fabrice Hyber, une chaîne de télévision avant de devenir, en 2001, sous la houlette de Pierre Huyghe, un espace de rencontre entre l’humain et l’artificiel. Le premier transforme le visiteur en téléspectateur pour mieux lui donner à voir l’ensemble de la chaîne de fabrication des images télévisuelles, tandis que le second conçoit une exposition dont l’espace, sous le contrôle d’un ordinateur, vacille pour apparaître puis disparaître, pan par pan. Deux œuvres qui vaudront aux plasticiens français un Lion d’or chacun, doublé du prix du jury pour Pierre Huyghe.

Annette Messager, la marionnette et la mort

Quatre ans plus tard c’est au tour d’une femme – la première à représenter la France – de faire événement à la Biennale : Annette Messager remporte, en 2005, le Lion d’or pour son installation « Casino », qui fait du Pavillon français le théâtre des cauchemardesques aventures de Pinocchio. Le public y suit un parcours en trois étapes qui retrace la transformation du célèbre pantin, non sans mêler l’innocence et la mort aux questions de la création et du devenir de l’homme. Le jury salue dans un communiqué de presse « une imagination créative au service de la transformation de la réalité de l'œuvre de l'écrivain italien Carlo Collodi ».

Camille Henrot, une vision dynamique de l'univers 

Il récompensera également, en 2013, le travail de Camille Henrot, lauréate du Lion d’argent de la meilleure jeune artiste pour sa vidéo « Grosse Fatigue ». La plasticienne y explore, en 13 minutes, l’origine du monde et l’histoire de l’humanité en mêlant trois types de récits : religieux, mythologiques et scientifiques. Le tout prend la forme d’un déferlement d’images qui se succèdent sur l’écran d’un ordinateur, au rythme d’un long poème sur la création de l’univers scandé par une voix off. « La première partie de ce film c’est le vide, le rien. La deuxième partie c’est la naissance du divin. La troisième c’est l’émergence de la terre, qui croît comme une montagne et l’apparition de l’oxygène, puis les êtres humains, le savoir, la solitude, la fatigue et la mort », explique Camille Henrot dans une interview accordée au Fashion Post. Un propos sur la lassitude de l’homme en pleine crise existentielle qui a su, par sa subtilité, séduire le jury de la 55e édition de la Biennale.

 

Braque, Matisse, Fautrier consacrés à la Biennale de Venise

Depuis 1895, date de sa première édition, la biennale de Venise est indissociable de l’évolution des principaux courants artistiques du XXe siècle. Côté français, elle va couronner, à deux reprises, de véritables géants de l'art moderne : Georges Braque en 1948 et Henri Matisse en 1950.

Pour l'un comme pour l'autre, cette récompense est la consécration d'une carrière impressionnante marquée, pour Braque par la découverte du Cubisme, et pour Matisse, par une liberté nouvelle, celle de la couleur avec le Fauvisme, et celle de la forme, avec les somptueux papiers découpés. Âgé de 81 ans, le maître de Cimiez s’apprête alors à terminer son dernier chef-d’œuvre, la Chapelle du Rosaire, à Vence.

En 1960, la 30e biennale de Venise met à l’honneur un autre géant, plus discret, de l’art moderne : artiste solitaire, Jean Fautrier est aujourd’hui considéré, avec Dubuffet, comme l’un des plus importants précurseurs de l’art informel. La remise du Grand prix de la peinture vient alors asseoir la renommée qu’il a acquise grâce à sa série Otages, réalisée durant la Libération et directement inspirée de l’exécution de Résistants prisonniers.