Première Française à la tête de la prestigieuse biennale internationale d’art contemporain de Venise, Christine Macel, conservatrice au Centre Pompidou, séduit par son engagement et son audace.

Après Jean Clair qui, en 1995, conçut l’édition du centenaire de la manifestation, Christine Macel est la deuxième personnalité française invitée à diriger la biennale internationale d’art contemporain de Venise – et la quatrième femme, en 122 ans, à occuper ce poste prestigieux. Fine connaisseuse de la biennale de Venise, où elle avait déjà occupé le poste de commissaire du pavillon belge en 2007 avant de prendre en charge le pavillon français en 2013, Christine Macel relève un défi d’une ampleur nouvelle en succédant cette année à Okwui Enzewor, le directeur americano-nigérian du Haus der Kunst de Munich, qui organisa la Biennale 2015 autour de la guerre, de la lutte des classes et du colonialisme. Pour Paolo Barreti, président de la foire internationale, la Française a été choisie pour «  souligner le rôle essentiel que jouent les artistes en créant leurs propres univers et en insufflant généreusement leur vitalité dans le monde qui est le nôtre ». « Son expérience au sein du Département Création contemporaine et prospective au Centre Pompidou, à Paris, lui a offert un poste d’observation durable, riche en potentiel, depuis lequel observer et identifier de nouvelles énergies en provenance du monde entier », ajoute-t-il.

"Remettre les artistes et leurs pratiques au cœur de la biennale de Venise", tel est l'objectif que s'est fixé Christine Macel

Conservateur du patrimoine en chef au Musée national d'art moderne du Centre Pompidou depuis 2000 après avoir été inspectrice chargée de la création artistique au sein de la délégation aux Arts plastiques du ministère de la Culture en 1995, Christine Macel a conçu pour celui-ci de nombreuses expositions. Ces dernières, qu’elles soient collectives, comme Dionysiac en 2005 et Danser sa vie en 2011, ou monographiques – Sophie Calle en 2003, Gabriel Orozco en 2009 et Anri Sala en 2012 – reflètent une approche pluridisciplinaire, engagée et audacieuse. Une audace intellectuelle qui a également conduit Christine Macel à  lancer au sein du Centre Pompidou un plateau dédié à la scène de la jeune création internationale, l’Espace 315, où elle présente la fine-fleur des artistes émergents. Figure incontournable d’une scène artistique française à laquelle son insularité est souvent reprochée, Christine Macel est connue pour ses déplacements aux quatre coins du monde dans le but de trouver des artistes à faire découvrir au public français. Elle s’attache également à favoriser la redécouverte d’artistes plus âgés, n’hésitant pas à défendre de grands noms de la création française tels Philippe Parreno, Fabrice Hyber ou Xavier Veilhan, qui défend cette année les couleurs de l’Hexagone à Venise. Refusant toute demi-mesure, elle soutient activement les formes d’art les plus aventureuses et s’inscrit dans un avant-gardisme dynamique et concret – sur les 120 artistes invités à la Biennale, 103 sont des primo-participants.

Le parcours mis en place à Venise comprend près de 800 œuvres et répond à un désir profond : remettre les artistes et leurs pratiques au cœur de la Biennale. Conçu en neuf « Trans-pavillons », il dévoile l’univers des plasticiens qui partagent pour l’occasion leurs livres favoris et dialoguent avec les visiteurs deux fois par semaine, dans le cadre de déjeuners ouverts retransmis en streaming. Dans de nombreuses vidéos mises à disposition du public, les artistes prennent le temps d’expliquer leurs pratiques. Cette 57e édition (13 mai – 26 novembre 2017) montre ainsi un visage humain conforme à ce que laisse présager son titre, « Vive Arte Viva », qui souligne la nécessité de trouver dans l’art les ressources pour combattre individualisme et repli sur soi.

La France, vivier de conservateurs à l'international

A la tête de la 57e édition de l'une des plus importantes manifestations mondiales d'art contemporain, la biennale de Venise, Christine Macel n'est pas la seule conservatrice dont les qualités ont été remarquées à l’étranger. De plus en plus de conservateurs français poursuivent aujourd'hui une carrière à l’international, à commencer par Quentin Bajac qui, en 2013, était nommé conservateur pour la photographie au MoMA à New-York, une fonction qu’il occupait auparavant au Centre Pompidou. Trois ans plus tard, en juin 2016, son successeur, Clément Chéroux, quittait lui aussi l’institution parisienne pour diriger le département photographie du musée d’Art moderne de San Francisco. Un pas également franchi par Sylvie Patry, ancienne conservatrice en chef du musée d’Orsay. Celle-ci a pour sa part traversé l’Atlantique à destination de Philadelphie, où elle est depuis deux ans directrice adjointe de la Fondation Barnes. Le phénomène ne se limite cependant pas au continent américain : au cours de l’année 2016, le conservateur Xavier Dectot a quitté le Louvre-Lens, où il était directeur, pour diriger le département Art et design du National Museum of Scotland, à Edimbourg, tandis qu’Emmanuel Guigon, auparavant à la tête du musée des Beaux-Arts et de l’Archéologie de Besançon, a repris le museu Picasso de Barcelone. Dénominateur commun de tous ces parcours individuels : la formation scientifique et managériale de très haut niveau dispensée par l'Institut national du patrimoine (INP), qui contribue à faire des Français un recrutement d'excellence pour les plus grands musées étrangers.