En raison de leur variété et de leur état de conservation exceptionnel, les vestiges découverts dans la grotte de la Licorne suscitent des interrogations passionnantes de la part de la communauté scientifique.

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Découverte de premier plan, le réseau de grottes et cavités dites de la Licorne, qui date de l’âge du Bronze, revêt un caractère exceptionnel autant par sa richesse archéologique que par son état de conservation. En témoignent de nombreux vestiges retrouvés tels quels, dans un état de grande fraîcheur : traces de pas, céramiques dont plusieurs dizaines intactes : bols, vases, pots, assiettes… restes humains et animaux.

Avant même que ces vestiges ne délivrent tous leurs secrets et permettent de documenter les pratiques funéraires de l’âge du Bronze, Héloïse Bricchi-Duhem, conservatrice du patrimoine en charge de la Charente au Service régional de l’archéologie de la Direction régionale des affaires culturelles de Nouvelle-Aquitaine, a accepté de revenir sur les nombreuses - et passionnantes - interrogations que suscitent ces vestiges.

Céramiques

Le plus frappant dans cette découverte de vestiges, c’est l’état de conservation de certaines céramiques. « Elles sont dans un état de fraîcheur remarquable », note Héloïse Bricchi-Duhem, en soulignant que, si une partie d’entre elles a été photographiée, elles n’ont pas encore fait l’objet d’un inventaire exhaustif. Parmi les principales hypothèses de la communauté scientifique, plusieurs portent sur la datation. « Toutes les céramiques qui se trouvent dans la salle du porche sont de la fin de l’âge du Bronze. Pour le reste, d’autres céramiques, disposées ailleurs dans la grotte, seraient plutôt datées soit de la fin de l’âge du Bronze ancien, soit de l’âge du Bronze moyen ».

Concernant l’étude de ces céramiques à proprement parler, on ne sait « encore rien ». « Il va falloir les inventorier, les photographier, comparer les formes, dit-elle. Pour l’instant, nous faisons des rapprochements avec des sites de la région qui ont été bien étudiés du point de vue de la céramique. Il y a des ressemblances par certains aspects, mais pas pour tous. C’est difficile d’en dire plus pour le moment ».

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Restes humains

Dans certains endroits de la grotte, on peut observer que les céramiques sont parfois associées à des restes humains. Il pourrait s’agir soit d’un dépôt des défunts à même le sol, soit de défunts regroupés au sein d’anfractuosités. « En archéologie, on parle de sépulture primaire et secondaire. Les dernières sont des pratiques attestées à de nombreuses périodes : après la décomposition du corps, les hommes reviennent et soit déplacent les ossements, soit en prélèvent certains, c’est quelque chose de connu pour l’âge du Bronze. Le défunt de la salle du porche correspond à une sépulture primaire. En revanche, il est beaucoup trop tôt pour savoir si les autres ossements sont dans cet état à la suite de manipulations intentionnelles ou de phénomènes de ruissellements. Seule une étude poussée nous permettra de disposer de plus d’éléments ».

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Épandages charbonneux

Là aussi, concernant la présence de foyers dans la grotte, aucun inventaire exhaustif n’a été réalisé. Pour autant, il apparaît certain que plusieurs de ces foyers sont « liés à l’éclairage ». « Il y a par exemple un petit foyer sur un bloc un peu en hauteur, et un autre dans une anfractuosité de la roche. Par ailleurs, on a des traces de torches sur les parois. Là aussi, c’est l’étude des charbons de bois qui permettra éventuellement de préciser si ce sont des foyers qui ont servi brièvement pour de l’éclairage ou s’il y a eu d’autres fonctions, éventuellement culinaires. Nous penchons plutôt pour de l’éclairage ponctuel car nous n’avons pas le sentiment que la roche autour a chauffé ».

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Traces de pas

Plusieurs traces de pas ont été observées dans la grotte, notamment celle d’un enfant. « Il y a des traces de pas et de doigts aussi. Pour passer d’une salle à une autre, on se trouve dans un boyau qu’il faut traverser agenouillé, on peut apercevoir des traces de grattage sur l’argile de la paroi, comme un enfant qui fait de la patte à modeler ». Ces traces « matérialisent l’humain » poursuit Héloïse Bricchi-Duhem. « Parfois, ce sont de belles empreintes que l’on devine, parfois, juste un endroit où l’argile a été lissée, et où on devine quelqu’un qui a glissé dans la pente. Il s’agit de traces des dernières personnes qui ont fréquenté la cavité à la fin de l’âge du Bronze ».

Traces de pas (bis)

Ces traces semblent faire signe également vers des usages autres que funéraires. « C’est la vraie interrogation. Nous sommes certains qu’à un moment, la grotte a eu une fonction d’espace funéraire, c’est sa dernière occupation. Ensuite, quelle est la nature des occupations qui ont eu lieu à la fin du Bronze ancien et au début du Bronze moyen, c’est plus compliqué à dire. Il va falloir attendre la fin des études. Les grottes dans ce secteur de la Charente pour la fin de l’âge du Bronze sont essentiellement des annexes d’habitat, des sortes de caves. On ne peut donc pas écarter que la grotte ait eu cet usage à une autre époque. Nous allons étudier toute une série d’hypothèses ».