Elles sont, chacune dans leur domaine, des personnalités emblématiques du monde de la culture. A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, elles livrent un témoignage sur leur parcours et leurs convictions. Deuxième volet de notre série : Camille Morineau, commissaire d’expositions (2/15).

Commissaire d'expositions au Centre Pompidou pendant 10 ans, Camille Morineau est directrice d’AWARE (Archives of Women Artists, Research and Exhibitions), conservatrice du patrimoine, historienne de l’art spécialiste des artistes femmes.

Votre talent et votre engagement font de vous une personnalité emblématique du monde de la culture. Quelles sont les principales étapes de votre parcours ?

J’ai d’abord travaillé 10 ans en tant que conservatrice au musée national d’Art moderne – Centre Georges-Pompidou, où j’ai été commissaire de plusieurs expositions monographiques (Yves Klein, Roy Lichtenstein ou encore Gerhard Richter), mais aussi, en 2009-2010, de l’accrochage elles@centrepompidou, dédié exclusivement aux artistes femmes. C’est cet accrochage qui a initié concrètement mon engagement pour la visibilité des artistes femmes.

En 2014, j’ai donc co-fondé l’association AWARE : Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, destinée à promouvoir la recherche et l’information sur les artistes femmes du XXe siècle, et désormais également du XIXe en partenariat avec le musée d’Orsay. 

J’ai été en parallèle commissaire de plusieurs expositions, dont une grande rétrospective consacrée à Niki de Saint Phalle au Grand Palais puis au Guggenheim Bilbao (2014-2015), et L’autre continent. Femmes, artistes, africaines au Museum d’histoire naturelle du Havre (2016). De 2016 à 2019, j’ai été directrice des expositions et des collections de la Monnaie de Paris, où j’ai notamment organisé les expositions Women House (2017-2018), Thomas Schütte (2019), Kiki Smith (2019-2020).
Aujourd’hui je me consacre pleinement à la direction de l’association AWARE.


Dans le domaine culturel, l'égalité entre les femmes et les hommes connaît aujourd'hui encore une situation contrastée. Quelle place les femmes occupent-elles dans votre secteur ?

Depuis plus de dix années, les étudiantes représentent plus de 60 % des inscriptions en écoles d’art. Alors qu’elles sont majoritaires parmi les diplômés, les artistes femmes voient leurs carrières entravées par des stéréotypes de genre et un ensemble de contraintes d’ordre systémique. Elles ne représentent que 20 à 30 % des artistes sélectionné.e.s et promu.e.s aux prix les plus prestigieux, au niveau mondial. Et sur le marché mondial, les œuvres d’artistes femmes ne représentent que 2% des ventes aux enchères sur le marché de l’art avec les mêmes têtes de liste (toutes américaines, sauf une).

En 2020, seulement 23 femmes comptent parmi les 100 artistes les plus visibles dans le monde, d’après le classement Artindex.


Votre engagement au service de l'égalité est reconnu. Comment se traduit-il dans l’exercice de votre métier et dans votre environnement professionnel ?

Mon engagement au service de l’égalité se traduit au quotidien par l’ensemble des actions menées par l’association AWARE, avec notamment : l’existence d’un site internet unique au monde, bilingue, véritable base de données sur plus de 700 artistes femmes du monde entier ; l’organisation de colloques, journées d’étude, webinaires faisant état de la recherche internationale sur les artistes femmes ; la publication d’entretiens inédits et d’actes de colloques, sans oublier la remise, chaque année depuis 5 ans, des prix AWARE pour les artistes femmes (soutenus par le ministère de la Culture et le CHANEL Fund for Women in the Arts and Culture) qui récompensent une artiste ayant commencé sa carrière depuis dix ans (au plus) et une artiste plus confirmée afin d’apporter un nouvel éclairage sur sa carrière.

Pour les expositions dont je suis commissaire, j’ai également à cœur de mettre à profit ces formidables ressources sur les artistes femmes et ainsi de valoriser leurs œuvres.

C’est enfin un travail pédagogique de chaque instant, lors de mes rendez-vous et rencontres avec des commissaires d’exposition, des galeristes, des mécènes, des directeurs d’institutions, des journalistes, afin de les sensibiliser à cette grande question.

Quel conseil donneriez-vous aux jeunes femmes qui voudraient entreprendre une carrière dans le domaine culturel ?

Ne pas avoir peur du jugement que l’on pourra porter sur vos actions, rester déterminées et concentrées sur l’objectif à atteindre sans se décourager face aux éventuels obstacles et surtout rester convaincue de sa « valeur » en tant que femme, jamais inférieure à celle d’un homme.

 

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