Ce que, dans le monde des bibliothèques, on sait fort bien : c’est toujours en creusant que l’on tombe sur les trésors.
Mais pour une fois, capitale du spectacle oblige, théâtralisons un peu le décor. Ici, en plein cœur d’Avignon, c’est plutôt en pointant le nez en l’air qu’on débusque la pépite. Car à l’image de Lenka Bokova, joyeuse responsable des lieux, polyglotte et douée de talents à vous donner le vertige, c’est bien au 2e étage d’une ancienne demeure cardinalice que loge la bibliothèque de la Maison Jean Vilar.

Les habitués de la cité des papes savent que, depuis 1979, s’entretient dans cet antre cossu la mémoire du (et des) festival(s) en 350 mètres de linéaires soit  notamment  15 000 affiches,  20 000 photographies,  documents, archives administratives et audiovisuelles... «Ces longues enfilades rassemblent tout ce qui touche au “in” et au “off” mais aussi aux Hivernales et plus généralement au spectacle vivant en Avignon et sa région», nous explique Lenka Bokova, conservatrice, en charge de cette antenne du département des arts du spectacle de la BnF «la seule installée en région». Lenka insiste pour souligner la particularité de cette Maison, «animée conjointement par l’association Jean Vilar et la Bibliothèque nationale de France (BnF), avec le soutien de la Ville d’Avignon et du ministère de la Culture. Elle abrite  un lieu de ressources du spectacle vivant unique en France, ouvert gratuitement à tous les publics». «Tout au long de l’année, poursuit-elle, cinq professionnelles, aidées de nombreux stagiaires, collectent, conservent, valorisent les collections de la bibliothèque de la Maison Jean Vilar auprès des visiteurs.» En plus de la mémoire des festivals, les chercheurs, les lycéens et les férus d’arts vivants ont accès à pas moins de 34 000 livres (dont 20 000 librement) et ont à leur disposition 300 revues, 300 vidéos et multimédias.

«Tout au long de l’année, 5 professionnelles, aidées de nombreux stagiaires, collectent, conservent, valorisent les collections de la bibliothèque de la Maison Jean Vilar auprès des visiteurs.»

De Prague à Avignon

Depuis l’arrivée de Lenka Bokova il y a sept ans, la bibliothèque de la Maison Jean Vilar a étoffé son public. Sa fréquentation a quadruplé: «Nous avons travaillé sans relâche – et à grand renfort l’été – pour améliorer l’accueil des lecteurs, valoriser les collections et faire connaître le travail de la BnF en Avignon», analyse Lenka Bokova, fidèle au costume «de petit lutin des coulisses» qu’elle avait enfilé alors qu’elle coordonnait (cela a duré quinze ans), les services au public, à la direction des collections de la BnF, à Paris. Émigrée à 20 ans de sa «volière de plomb» natale, la Tchécoslovaquie, et naturalisée française six ans plus tard, Lenka –qui vous parlerait volontiers polonais, russe, allemand, arabe ou chinois- choisira donc, après une année sabbatique à traduire le poète tchèque Vladimír Holan, de poser ses valises en Avignon. À la bibliothèque de la Maison Jean Vilar, la conservatrice s’attelle à plusieurs chantiers: «Outre la rénovation des locaux, il fallait passer à la vitesse supérieure dans le traitement (mise en boîte, étiquetage...) des richesses collectées. Nous avons sorti un dépliant pour faire connaître la bibliothèque... Et très vite organisé de petites expositions sur l’actualité du spectacle à Avignon.» Aujourd’hui, elles se succèdent au rythme de 3 ou 4 par an et peuvent susciter des travaux de recherche.

Autres clés du succès, selon Lenka, funambule des bibliothèques attachée au «collectif» : «Le lien constant avec les acteurs du spectacle vivant dans la région, festival d’Avignon en particulier, et le partenariat avec l’université d’Avignon, qui se déploie sous différentes formes –formation des étudiants, accueil de cours sur les collections, stagiaires, projets de recherche... » L’été, les festivaliers ont pris l’habitude de venir consulter les livres, les vidéos ou lire la dernière revue de presse. Il y a aussi un concours des plus belles affiches du «off» (1 200 spectacles sur 130 lieux), organisé grâce à une collecte géante. Pour faire vivre la mémoire des spectacles, l’antenne de la BnF en Avignon fait preuve d’un festival d’idées.