Permettez-moi tout d’abord de rendre hommage à l’hospitalité exemplaire de notre hôte. Monsieur l’Ambassadeur, à la veille des Journées européennes du Patrimoine, vous avez bien voulu nous ouvrir les portes de votre Résidence à l’occasion de cette exposition. L’Hôtel d’Estrées lui fournit un écrin d’autant plus adapté qu’il est le contemporain presque exact de la première visite d’un souverain russe à Paris.
En étant parmi vous ce soir, j’ai encore en tête la toute dernière salle de la magnifique exposition « Sainte Russie » au Louvre, qui se terminait précisément sur un portrait de Pierre le Grand, en laissant les visiteurs dans l’attente d’une suite : nous y voici. La figure du Tsar Pierre, l’initiateur du grand tournant vers l’Ouest, nous invite à revenir sur les signes matériels d’une « occidentalisation » qui a tant fait débat dans l’histoire culturelle russe : slavophiles contre occidentalistes, Tourgueniev face à Dostoïevski. Mais ce qui est également évoqué ici, ce sont trois siècles d’amitié entre la France et la Russie.
Nous avons l’occasion aujourd’hui de découvrir ou de redécouvrir une dimension plus privée de ce qui nous lie. Lorsqu’on évoque l’intensité de notre relation culturelle, on évoque à l’envi le souvenir de l’Alliance franco-russe et la figure de Nicolas II, la francophonie des grandes familles russes, ou encore la trace de l’aventure impériale française dans le miroir de Tolstoï ou encore à l’Ermitage, dans la galerie des héros de la Guerre patriotique. Au-delà de la diagonale des palais qui va de Versailles à Tsarskoïe Selo, c’est aussi une histoire faite d’objets - qui circulent, qui viennent peupler les intérieurs, une histoire qui s’inscrit dans un certain quotidien. Les gravures et les porcelaines, les pièces d’orfèvrerie, les loupes et les tabatières, la malachite emblématique qui rappelle le Palais d’Hiver nous donnent à sentir quelque chose de la nostalgie de ces années Fabergé où l’on avait souvent, de Paris à Saint-Pétersbourg, la même manière de scénographier l’intime. C’est donc aussi dans les intérieurs que se joue, en creux, l’histoire de notre relation.
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Je saisis cette belle occasion de nous réunir pour revenir avec vous sur le succès indéniable de l’Année France–Russie 2010. Les quelque un million et demi de visiteurs qui ont fréquenté les manifestations organisées dans ce cadre depuis le lancement de l’Année France-Russie en janvier dernier sont déjà là pour l’illustrer.
J’ai eu en février dernier le grand plaisir d’inaugurer avec mon homologue russe l’exposition « Picasso – Moscou » au Musée Pouchkine : elle a depuis remporté un succès similaire à l’exposition « Sainte Russie » au Louvre. L’Année France - Russie, c’est aussi, faut-il le rappeler, les Transmusicales de Rennes en Russie, le russe à l’honneur à Expolangues et la littérature russe au Salon du Livre ; c’est aussi, en ce moment même, une création d’Angelin Preljocaj au Bolchoï, ou encore le Ballet de l’Opéra de Paris à Novossibirsk. Bientôt, entre Moscou et Saint-Pétersbourg, l’exposition « Napoléon et le Louvre », Les Arts Florissants, les « Nuits électriques » du Centre Pompidou… Du côté français, c’est en ce moment « Paris / Moscou / Photographies », le cinéma russe au Forum des images, et bientôt les trésors de la galerie Tretiakov au Musée de la Vie romantique, sans oublier, dans le domaine du spectacle vivant, le Ballet du Bolchoï avec Preljocaj à Lyon et le Cirque Nikouline à Strasbourg. Rarement une saison aura été aussi prolifique en termes de programmation.
C’est bien sûr le signe de l’exceptionnelle mobilisation de tous ceux qui ont œuvré et que je tiens à saluer. C’est aussi, je crois, le signe de l’intensité de notre relation, marqué décidemment par un désir ancien et persistant de mieux connaître l’autre. On peut dire avant même sa clôture que l’Année France – Russie a déjà clairement réussi, dans sa programmation culturelle, à atteindre ses objectifs, qui étaient de mettre l’accent sur la création, les grands événements ouverts à un large public, et les manifestations particulièrement dédiées la jeunesse.
Je voudrais pour conclure ce rapide tour d’horizon évoquer quelques projets qui sont portés par notre volonté mutuelle de coopération :
- Je me réjouis notamment que nous puissions, sous peu je l’espère, travailler avec la Ville de Paris à la réalisation du monument qui rendra hommage aux corps expéditionnaires russes venus combattre en France pendant la Grande Guerre.
- Dans un tout autre domaine, je rappellerai également que j’apporte mon soutien au projet d’une académie franco-russe du cinéma, porté par Pavel Lounguine, dont la préfiguration et les négociations sont en cours. En attendant, je ne peux que me réjouir du développement des coproductions collatérales dans le domaine du cinéma, qui témoigne de cette dynamique que nous souhaitons pleinement accompagner.
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Pour finir, je tiens à saluer le très beau travail de Monsieur Cyrille Boulay, commissaire de l’exposition, et de Madame Alexandra Kalinine pour sa scénographie - ainsi que la grande générosité de toutes les personnes privées qui ont accepté de prêter leurs œuvres pour l’occasion.
Je vous remercie.