« La France à l’écoute du monde » : le titre choisi pour ces Journées
annuelles du Réseau culturel français formule joliment et illustre à merveille
l’action que chacun d’entre vous mène au quotidien sur le terrain. Il résume
avec éloquence votre travail et votre engagement. Or, votre métier a pris
un sens nouveau dans un contexte lui-même nouveau : année après
année, insensiblement, nous avons changé de modèle, changé de
« paradigme », pour citer une nouvelle fois Michel FOUCAULT. Car le
monde est devenu à la fois plus international et plus pétri de culture et de
communication que jamais. Les nouvelles technologies notamment ont
façonné un monde à la fois plus uni et plus unitaire, et en même temps
plus riche de ressources nouvelles, un monde qui porte chaque jour
davantage les promesses du multiple, du multipolaire et du multiculturel.
C’est dans ce nouveau monde que, grâce à vous, la France trouve sa
place et joue son rôle. C’est à ce monde polycentrique que vous adaptez
notre message avec le talent qui est le vôtre. Vous êtes à l’écoute du
monde comme il va et comme il devient et, sans cette écoute, il n’y aurait
d’influence ni d’excellence possibles.
Au fond, l’histoire donne un peu raison à ceux qui comme vous et moi sont
convaincus depuis toujours de l’importance cruciale des enjeux culturels à
l’international. C’est notre credo et notre fidélité de tous les instants,
comme j’ai eu le plaisir de vous le dire il y a tout juste un an, dans cette
enceinte, à l’occasion de l’une de mes premières prises de parole en public
en tant que ministre de la Culture et de la Communication, et c’est pourquoi
aussi je vous retrouve aujourd’hui avec une émotion toute particulière.
Je vous avais annoncé, l’an dernier, que je souhaitais, pour cette raison,
consacrer une part importante de mon temps et de mon énergie aux enjeux
européens et internationaux, et je crois pouvoir affirmer aujourd’hui que j’ai
tenu parole.
Je me félicite ainsi du rôle joué par la France dans l’émergence au sein de
l’Union européenne d’une « doctrine commune » sur une question aussi
cruciale dans la mondialisation que celle de la numérisation du patrimoine
culturel. Un « comité des sages », mis en place à notre demande par la
Commission européenne, nous éclairera bientôt sur les conditions
optimales des partenariats public-privé en la matière.
Plus généralement, je m’emploie depuis un an, jour après jour, à jouer un
rôle de soutien constant et passionné de votre action partout dans le
monde, vous qui êtes les ambassadeurs de la culture française et bien plus
encore. Car vous êtes aussi l’antenne qui nous permet à tous d’être en
effet « à l’écoute du monde » et, par là même, au diapason de ses
évolutions. De surcroît, par le travail de diffusion que vous effectuez, vous
exercez, en retour, une influence bénéfique sur la marche de la culture
française, en lui instillant sans cesse la dimension de l’Autre et en la
rappelant sans relâche à sa vocation internationale.
Je suis à vos côtés et, à mon tour, à votre écoute aussi en accueillant,
rue de Valois, nombre de mes homologues du monde entier et plus
largement tous ceux qui désirent nous faire connaître la culture de leur
pays, mais aussi se familiariser avec les richesses de notre propre culture
dans sa diversité. C’est pourquoi j’ai tenu à être présent sur le terrain,
autant que possible, et mes déplacements à l’étranger m’ont mené de la
Chine au Brésil, du Proche-Orient à la Russie, en passant par le Maroc, la
Tunisie, de nombreux pays d’Europe, et tout récemment en Haïti, pays
martyr et justement à l’honneur de ces Journées.
« A l’écoute du monde », nous l’avons été lorsqu’en janvier dernier, Portau-
Prince a été frappé par un terrible tremblement de terre. Ma visite en
Haïti il y a quelques semaines a constitué pour moi l’un des moments les
plus marquants et les plus forts de l’année écoulée. J’ai pu prendre la
mesure du drame, l’ampleur des efforts attendus de reconstruction, mais
aussi sentir la proximité profonde du peuple haïtien avec le peuple
français, proximité tissée d’histoire et de culture. C’est pourquoi la
reconstruction culturelle d’Haïti est tout sauf superflue, comme l’a
justement rappelé hier, ici-même, Mme Michaëlle Jean, Gouverneure
générale du Canada. La culture est l’âme de ce pays, c’est-à-dire son
principe de vie et d’organisation, au plus profond. Elle constitue aussi un
lien indissoluble entre les Haïtiens et nos concitoyens.
Tout ce que nous faisons pour la culture haïtienne, aux côtés des Haïtiens
et de notre ambassade, me paraît, pour cette raison même, essentiel.
La culture, dans la mondialisation, c’est aussi, il ne faut pas se le cacher,
une émulation de tous les instants, et c’est pourquoi j’ai eu sans cesse à
coeur, lors de mes déplacements notamment, de promouvoir la créativité
et la diversité de notre culture. Je pense à la diffusion de notre patrimoine,
par exemple à la somptueuse exposition PICASSO, qui a essaimé jusqu’à
Moscou et même Saint-Pétersbourg. Je pense à l’inventivité de nos
architectes, illustrée par le pavillon de Jacques FERRIER à Shanghai, à la
vitalité de nos spectacles de rue, comme l’a montré le succès de la
compagnie Royal de Luxe à Berlin en octobre dernier, à l’occasion d’une
célébration aussi importante pour les Allemands et pour l’Europe entière
que celle de la chute du Mur.
Cette année aura également confirmé l’importance que nos partenaires
attachent à l’expertise française en matière de politique culturelle. J’ai pu
ainsi mesurer sur place, en mai dernier, l’ampleur du projet de Musée du
Louvre Abou Dabi, et l’étroite coopération tissée avec les Emirats Arabes
Unis. Cette année a aussi été marquée, en particulier au sein du bassin
méditerranéen et du monde arabe, par une floraison de projets collectifs
de première importance, qu’il s’agisse de l’accord conclu avec Damas sur
la refondation du réseau muséal syrien, de notre contribution au projet de
Cité de la Culture de Tunis, ou encore de notre détermination croissante à
travailler avec l’Arabie Saoudite, dont nous accueillons au Louvre, en ce
moment même, une exposition unique sur les « Routes d’Arabie ».
Mais l’écoute ne va pas sans l’accueil et l’hospitalité est aussi une
dimension de l’influence. La place singulière que la France a toujours
accordée à la culture, la qualité de nos musées et de nos scènes, la
curiosité du public français sont parmi les principaux atouts de l’attractivité
de notre territoire.
L’interaction et la réciprocité sont au coeur de ce nouveau paradigme dont
je vous parlais tout à l’heure. Accueillir, c’est aussi rayonner. Recevoir,
c’est toujours se renforcer. S’ouvrir, c’est s’enrichir, mais c’est aussi se
rapprocher de l’Autre et s’ouvrir un chemin jusqu’à lui.
C’est pourquoi j’ai fait de l’accueil des cultures étrangères sur le sol
français une priorité de mon action. Mon ministère est pleinement à vos
côtés pour élaborer avec vous des projets concrets d’échanges, de
coproductions, qu’il s’agisse d’expositions, de rétrospectives de cinéma,
de tournées théâtrales ou encore musicales.
J’attache, vous le savez, une très grande importance aux saisons et aux
années que nous organisons avec différents pays. Après le Brésil et la
Turquie hier, c’est aujourd’hui la Russie, les pays d’Afrique francophone
dont nous célébrons les cinquante ans d’indépendance, les pays
d’Amérique latine qui fêtent leur bicentenaire, la Pologne à travers l’année
CHOPIN qui sont à l’honneur. Et nous nous préparons à accueillir, en
2011, le Mexique, mais aussi l’Estonie, et la Hongrie pour une année
européenne consacrée à Franz LISZT. J’en profite pour saluer le travail
remarquable de l’ensemble des responsables de ces manifestations,
Présidents et Commissaires, de CulturesFrance, et de vous-mêmes, qui
en êtes les correspondants indispensables et infatigables.
Notre diplomatie culturelle est aussi, vous le savez, un magistère des
symboles, une manière de nous montrer attentifs aux points névralgiques
de la sensibilité de nos amis étrangers. Une manière de connaître leurs
références fondatrices, de leur adresser des signes forts d’amitié et de
reconnaissance qui cristallisent nos « affinités électives ». C’est le sens de
notre engagement, aux côtés des Haïtiens, en faveur de la restauration du
« Serment des ancêtres » de GUILLON-LETHIÈRE, ce tableau-symbole
de l’histoire d’Haïti, miraculeusement sauvé par des pompiers français,
dans les décombres du Palais présidentiel.
Bien sûr, être « à l’écoute du monde » et répondre à ce nouveau
paradigme nécessite de se réformer sans cesse et c’est bien dans ce
contexte qu’intervient la réforme de l’action culturelle extérieure de la
France. C’est à Bernard KOUCHNER qu’il appartient évidemment de vous
présenter la loi récemment adoptée, ainsi que les perspectives qu’elle
offre pour une action culturelle extérieure rénovée.
Je veux simplement souligner que le ministère de la Culture et de la
Communication a été, tout au long de cette année, en constant dialogue
avec le ministère des affaires étrangères et européennes pour porter un
texte dont l’adoption, par nos assemblées, m’a réjoui, car cette réforme
répond aux grands défis de notre temps en matière de diplomatie
culturelle.
Elle garantit la continuité entre les actions menées en France et à
l’étranger, entre mon ministère et l’Institut français. Chez nous, la culture
est une matière première et c’est bien naturellement au ministère de la
Culture et dans ses établissements que l’Institut français pourra venir
chercher les ressources et le soutien, mais aussi l’expérience et
l’expertise indispensables à son action.
De même, dans les domaines du cinéma et des industries culturelles, la
loi veille à établir une cohérence entre ce que fera l’Institut français et les
politiques menées par les établissements de mon ministère, comme le
CNC (Centre National du Cinéma et de l’Image animée) ou le CNL
(Centre National du Livre), mais aussi les organismes professionnels qui
contribuent, avec le succès que l’on sait, à la promotion de nos musiques,
de nos livres, de nos films, comme UNIFRANCE ou le Bureau export de la
musique française. Bernard KOUCHNER et moi-même sommes très
attachés à cette complémentarité, qui est un gage d’efficacité.
Je me réjouis aussi de l’attribution à l’agence d’un rôle essentiel en
matière de diffusion de la langue française à l'étranger. Il revient
naturellement au ministère de la Culture et de la Communication d'animer
et de coordonner la politique linguistique de la France, par l'intermédiaire
de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France,
dont la vocation est interministérielle. Mais la prise en charge par l’Institut
français de cette dimension devrait nous permettre d'imaginer d'autres
formes de promotion de notre langue, notamment à travers Internet.
Internet, justement, aidera l’Institut français à jouer un rôle croissant dans
l’information sur l’offre culturelle française. Mon ministère est, vous le
savez, pleinement engagé dans la voie de la numérisation et nous
devrons développer ensemble des instruments complémentaires, afin
d’offrir l’information la plus large tant au grand public étranger qu’aux
professionnels de nos pays partenaires. Mieux informés de notre offre
culturelle, ils seront mieux à même d’en accueillir les expressions sur
leurs scènes ou dans leurs établissements.
Un autre enjeu essentiel de cette réforme concerne la formation. J’ai pu le
constater par le passé, comme depuis un an à l’occasion de mes
déplacements à l’étranger, votre engagement et votre professionnalisme
sont exemplaires. Et il est désormais indispensable, dans le contexte
contemporain, que l’Etat soit en mesure de vous apporter, tout au long de
votre parcours professionnel, avant chaque grand départ, une formation
complète aux métiers de la culture. C’est pourquoi, dès cette année, nous
avons entrepris de renforcer la coopération entre nos deux ministères afin
de former davantage de personnels de terrain. C’est un processus que la
création de l’Agence va nous permettre d’amplifier.
Notre réflexion commune doit se poursuivre, parallèlement à la mise en
place de l’Institut. Il nous faut ainsi réfléchir à une meilleure diffusion du
spectacle vivant et des arts visuels, notamment à travers la création de
bureaux spécialisés, sur le modèle de ce que nous avons fait à Berlin et
dont les résultats sont très satisfaisants. Nous devons également
renforcer le rôle et la place des résidences d’artistes en France et à
l’étranger.
Le chemin accompli grâce à vous, cher Bernard (KOUCHNER), et les
perspectives ouvertes sont donc considérables, et je tenais à vous en
rendre hommage. Quant à vous, Cher Xavier (DARCOS), chacun sait que
vous porterez mieux que quiconque nos ambitions et que vous me
trouverez toujours pleinement engagé à vos côtés dans le déploiement de
cette diplomatie culturelle rénovée, car délibérément et résolument placée
« à l’écoute du monde ».
Je vous remercie
Discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, prononcé à l’occasion de la clôture des Journées du réseau français dans le monde 2010 (19-21 juillet 2010)
Monsieur le Ministre (Bernard KOUCHNER),Mesdames et Messieurs les Ministres,Monsieur le Secrétaire Général (Pierre SELLAL),Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,Mesdames et Messieurs les Conseillers culturels,Mesdames et Messieurs,Chers amis du réseau français dans le monde,
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