Catalogue de l'exposition Pro Liturgia
Cette édition s’adresse aux personnes touchées par l’exposition Pro Liturgia : ordinatrices du temps présent, et peut-être éprouvées par l’omniprésence de la technologie au quotidien, qui souhaitent prolonger à leur domicile les bienfaits d’un temps d’écoute et de recueillement dans un lieu sacré tel que l’Abbaye de Maubuisson, site d’art contemporain du Val d’Oise. Exercice de recueillement spirituel à valeur d’exorcisme, il s’adresse tout autant aux personnes qui n’ont pu faire ce parcours composé de sept œuvres liant art, sacré et technologie. Chaque œuvre remémorée ici établit une relation avec une ou plusieurs technologies et, tels l’avers et le revers d’une même pièce de monnaie, elle illustre aussi bien les peurs que la fascination qu’elles exercent sur nous.
Principalement portée par des artistes femmes, cette méditation sur le temps présent prolonge l’aventure spirituelle de l’abbaye, foyer de moniales érudites œuvrant à une réconciliation entre le corps et l’esprit, le matériel et l’immatériel.
En sept œuvres déployées dans les différents espaces de l’abbaye de Maubuisson, l’exposition déroule un parcours qui articule art et quotidien technologique. Elle donne à voir l’équilibre ou la précarité des grands partages que la modernité a établie entre l’homme et la machine, la nature et l’artifice, l’intelligence et l’imagination. L’exposition traverse ces discontinuités pour les remettre en mouvement.
Pour cette exposition collective
Cécile Babiole et Jean-Marie Boyer, Cécile Beau, Marie-Julie Bourgeois, Félicie d’Estienne d’Orves, Laura Haie et le collectif Iakeri (Alice Guerlot-Kourouklis, Jimena Royo-Letelier, Aneymone Wilhelm)
Performances : Alexandre Berthaud ; Renaud Auguste-Dormeuil
Dans la salle capitulaire où se discutaient les affaires pratiques de la communauté, un robot imaginé par Laura Haie convie le visiteur à lui offrir un carré de sucre qu’il trempera délicatement dans une tasse pour le lui retourner imbibé de café. La mécanisation de ce rituel du "canard" associé à l’intimité du cercle familial ou privé, trouble la fonction utilitaire attendue de la machine. Ce robot humanisé mimant la convivialité évoque également les craintes anciennes, réactivées par l’intelligence artificielle d’une invention qui viendrait supplanter l’humain, le remplacer.
Laura Haie, Confiez-leur vos désirs – Salle capitulaire © Laura Haie
Exposées dans la salle du parloir, deux installations sonores de Cécile Babiole sculptent l’énergie à l’origine de ce mythe prométhéen des temps modernes : l’électricité.
Cécile Babiole, Bzzz !, Le son de l’électricité – Salle du parloir © Cécile Babiole
Sous un chapiteau de câbles s’élevant autour d’un générateur, un concert de crépitements vifs en rappelle la puissance ordonnatrice rythmant les gestes, amplifiant les mouvements et cadençant les activités industrielles. L’électricité est également mobilisée par l’artiste en collaboration avec Jean-Marie Boyer sous la forme d’un dispositif d’échanges d’ondes informationnelles invitant les visiteurs à une expérience communicationnelle d’ubiquité.
Les opérations de transcodage génératrices de banques de données – dites data – nourrissent l’œuvre immersive et spectrale du collectif Iakeri. Réalisée à partir de données traduisant les inégalités sociales entre hommes et femmes, elle évoque l’invisible saisie d’un monde aux informations devenues malléables, quantifiables, et leur approche spéculative.
Collectif Iakeri (A.Guerlot-Kourouklis, J.Royo-Letelier, A. Wilhelm), Murs invisibles – Passage aux champs © A. Guerlot-Kourouklis, J. Royo-Letelier, A. Wilhelm
Ce bouleversement des échelles dans les champs du savoir se rejoue dans l’œuvre de Marie-Julie Bourgeois. Confrontant le cycle de la lumière, naturelle et vitale, qui rythmait la vie des moniales, à la lumière artificielle en tant que continuum technologique, l’artiste évoque la relativité d’un rapport au temps que les technologies ont tendance à accélérer au détriment, peut-être, d’une connaissance subtile du monde.
Marie-Julie Bourgeois, Silence – Salle des religieuses © Marie-Julie Bourgeois
Cet étirement des espaces et des temporalités est également évoqué par Félicie D’Estienne d’Orves confrontant la flamme d’une bougie, et sa contemplation rêveuse, aux espaces incommensurables de l’astrophysique. Sa lumière vacillante révèle à nos yeux la diapositive d’une vue du satellite Hubble : près de trois mille galaxies lointaines embrasant plus de treize milliards d’années-lumière...
Félicie d’Estienne d’Orves, Deep Field – Antichambre © Félicie d’Estienne d’Orves
Un même voyage dans la mémoire de la matière se produit à travers l’échantillon d’un "Jardin d’Eden", ou jardin des origines, composé par Cécile Beau avec des espèces végétales qui n’ont pas évolué depuis l’ère géologique du jurassique, telle une forêt panchronique.
Cécile Beau, Fontaine Hépatique – Latrines © Cécile Beau
A l’image de l’ensemble des dispositifs, l’œuvre de Cécile Beau mêle les temporalités et croise les échelles de différents milieux. Les technologies étendent nos projections de réalités imaginables et de mondes possibles. Grâce à leurs virtualités, peut-être nous relions-nous aussi, par leurs usages réinventés, à une forme de totalité, de sur-réalité.
Informations pratiques
abbaye de Maubuisson, site d’art contemporain du Val d’Oise avenue Richard de Tour, 95310 Saint-Ouen l’Aumône, tel : 01 34 33 85 00
abbaye de Maubuisson centre d'art contemporain - Valdoise
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