Le musée des Avelines, musée d'art et d'histoire de la ville de Saint-Cloud, présente une exposition consacrée à une dynastie de peintres du XIXe siècle : les Dubufe.Le grand-père, Claude-Marie (1790-1864), le père Édouard (1819-1883) et le fils Guillaume (1853-1909), sont tous trois des peintres célèbres de Salon.Cette exposition d'envergure (plus de 90 œuvres) invite à un voyage rare et bénéfique dans la peinture académique du 19e siècle, portrait, peinture d’histoire et peinture décorative. Commissaire d’exposition : Emmanuelle Le Bail, directrice du Musée des Avelines, du Patrimoine culturel et des Archives municipales. Du 15 mars au 24 juin 2018.
Une lignée de peintres-portraitistes du XIXe
Si la famille Dubufe est très liée à Paris, leurs ateliers étant installés dans différents quartiers de la rive droite, elle apprécie également la destination de Saint-Cloud, découverte grâce à des amitiés artistiques et des alliances familiales. En effet, Claude-Marie est un ami du peintre Pierre Duval Le Camus (1790-1854), qui a été maire de Saint-Cloud de 1853 à sa mort en 1854. En 1842, Édouard épouse Juliette Zimmerman, la fille du célèbre compositeur Pierre-Joseph-Guillaume Zimmerman (1785-1853), dont la famille réside en villégiature à Saint-Cloud. Charles Gounod (1818-1893), autre figure emblématique de Saint-Cloud, devient en 1852 le beau-frère d’Édouard. Après la mort de Pierre-Joseph-Guillaume Zimmerman en 1853, Charles Gounod se révèle être une véritable figure patriarcale pour la famille Dubufe–Zimmerman et notamment pour Guillaume, fils d’Édouard, né cette même année et qui sera bientôt privé de sa mère à l’âge de deux ans. Ces trois peintres attachés par leur histoire à Saint-Cloud ont connu la célébrité de leur vivant, | appréciés du public et souvent commentés par la critique. Une dynastie d'artistes talentueux, quelque peu tombée dans l'oubli aujourd'hui, est à redécouvrir grâce à cette exposition. Portrait de Juliette et Mireille Dubufe, Guillaume Dubufe (1853-1909), Huile sur toile, 1898 Ø 148 cm. Collection particulière © Ville de Saint-Cloud - Musée des Avelines / Audrey Bonnet |
la virtuosité dans le portrait, Claude-Marie Dubufe (1790-1864)
Né à Paris en 1790, Claude-Marie Dubufe effectue son apprentissage dans l'atelier de Jacques- Louis David à partir de 1804 bien que son père le destine, à l'origine, à une carrière diplomatique. Son premier envoi au Salon de 1810 représente « Un romain se laisse mourir de faim avec sa famille, plutôt que de toucher à un dépôt d’argent qui lui a été confié » (localisation inconnue). Ce tableau n’est pas remarqué par la critique, ainsi Claude-Marie décide-t-il de partir en Italie afin de compléter sa formation. Il est de retour au Salon en 1812 avec une grande scène mythologique, « Achille prenant sous sa protection Iphigénie, que son père Agamemnon voulait sacrifier » (localisation inconnue) et deux portraits de femmes, le genre qui sera la source de son succès.
Si Claude-Marie Dubufe est un peintre néoclassique comme en témoigne son "autoportrait", il s'essaie, en outre, dans la lignée de son ami clodoaldien Pierre Duval Le Camus, au réalisme, avec les "Deux petits savoyards" (1820). La production de Claude-Marie Dubufe est presque exclusivement consacrée au portrait d'apparat. Il se soumet à une mode qui veut mettre en valeur des modèles, essentiellement féminins, en offrant une représentation enjolivée selon des attitudes codifiées.
Autoportrait, Claude-Marie Dubufe (1790-1864). Huile sur toile, vers 1818 73 x 63 cm. Collection particulière © Ville de Saint-Cloud - Musée des Avelines / Audrey Bonnet |
Une liseuse, Claude-Marie Dubufe (1790-1864). Huile sur toile, 1819, HC 62,5 x 62,5 cm / AC 80,5 x 80,5 cm. Collection particulière © Ville de Saint-Cloud - Musée des Avelines / Audrey Bonnet |
Il devient le portraitiste attitré de la noblesse et de la grande bourgeoisie sous la Restauration puis la Monarchie de Juillet. Luigi Cherubini ou Harriet Smithson, la fiancée de Berlioz, se font, par exemple, portraiturer dans son atelier de La Nouvelle Athènes, situé au square d’Orléans à Paris. Au Salon de 1837, Claude- Marie présente sept portraits dont le "Portrait du Roi" (localisation inconnue) et l’important "Portrait de Louise d’Orléans, reine des Belges", commande de son père Louis-Philippe Ier pour le palais des Tuileries.
Les commanditaires sont séduits par ces portraits mondains et flatteurs réalisés dans de beaux décors et des toilettes soignées. Ils assurent le succès du peintre en vogue, "chéri des femmes de son temps", qui sait avantager ses modèles ; la critique ne lui est cependant pas toujours favorable, n’hésitant pas à égratigner "sa virtuosité dans le rendu des étoffes, des gazes et des dentelles" et ses compositions ostentatoires. Claude-Marie se plaît aussi à peindre des figures de fantaisie : celles-ci explorent les différents moyens de représentation de la figure humaine et de ses expressions comme "La Lettre de Wagram" (1827) dans laquelle une femme se laisse aller à sa douleur. Ces figures d’expression qui connurent un grand succès ont été largement diffusées par des gravures telles celles reproduisant "Amour et Coquetterie" (1831).
Après la mort de sa femme Edmée, mère d’Édouard, Claude-Marie épouse en 1841 en secondes noces Eugénie Saint-Amand avec laquelle il a deux fils : Paul et René. Il compose alors de délicats portraits plus intimes et plus libres, comme les portraits en médaillon de Paul et René, qui ne sont pas destinés à être envoyés au Salon. Claude-Marie envoie peu de peintures religieuses au Salon, mais il peint "La Vierge et l’enfant", dessinée sous les traits de son épouse, « une étrange peinture », qui suscite de nombreuses réactions de la part des critiques, autant négatives qu’enthousiastes.
une galerie de portraits élégants du Second Empire, Édouard Dubufe (1819-1883)
Édouard est tout d’abord l’élève de son père puis de Paul Delaroche à l’École des beaux-arts de Paris. En 1842, il épouse la sculptrice Juliette Zimmerman, fille du célèbre compositeur Pierre-Joseph-Guillaume Zimmerman, devenant par cette alliance le beau-frère de Charles Gounod, mais aussi de l’architecte Jean-Baptiste Pigny. Peintre de Salon reconnu qui bénéficie de nombreuses commandes, il fait du portrait sa spécialité. Édouard se situe tout autant dans la lignée d’Ingres que dans celle de Chassériau, tout en reprenant également le style de son père, comme dans le "Portrait de Madame F." (1850) où le modèle pose dans un somptueux décor intérieur.
Portrait de Marcel Mathey, Édouard Dubufe (1819-1883), Huile sur toile, 1871, Mesure : HC 57 x 46 / AC 88 x 78,5 cm. Collection : Commune Saint-Martin aux Chartrains (Calvados) © Ville de Saint-Cloud – Musée des Avelines / Audrey Bonnet |
Portrait d’Alexandre Dumas fils, Édouard Dubufe (1819-1883), Huile sur toile, 1873, HC 79 x 62,5 / AC 118 x 101,5 cm. Villers-Cotterêts, Musée Alexandre Dumas, en dépôt au musée des Avelines, inv : 91.2.10 © Ville de Saint-Cloud – Musée des Avelines / Audrey Bonnet |
Rival de Franz Xaver Winterhalter, Édouard Dubufe devient l'un des portraitistes officiels les plus célèbres du Second Empire. Proche du pouvoir, il peint les portraits officiels de Napoléon III et de l'impératrice Eugénie. Probablement à la demande de l'empereur, il peint également Le Congrès de Paris en 1856, conservé aujourd’hui dans le salon des Huissiers au ministère des Affaires étrangères, tandis que l’impératrice lui confie la décoration du salon bleu du palais des Tuileries. Édouard diversifie sa clientèle en peignant des aristocrates, de grands bourgeois mais aussi des artistes comme la tragédienne Rachel ou la peintre Rosa Bonheur. Afin de s'éloigner de cette image de portraitiste mondain, les critiques dénonçant les "poupées maquillées de M.Dubufe", Édouard réalise à la fin de sa carrière des portraits d'hommes de facture solide qui séduisent la critique, comme celui de l'écrivain "Alexandre Dumas fils", peint en 1873, ou celui du peintre Philippe Rousseau de 1876
Peintre décorateur célèbre sous la Troisième République, Guillaume Dubufe (1853 – 1909)
Fils et élève de son père Édouard, Guillaume Dubufe est, quant à lui, particulièrement remarqué pour sa liberté créatrice. Même s’il réalise aussi de très beaux portraits, comme celui de Madame de Beauchamp et ses enfants, Guillaume s’émancipe de la tradition familiale.
Élève, de 1873 à 1875, d'Alexis-Joseph Mazerolle (1826-1889), grand peintre décorateur, Guillaume Dubufe se fait également reconnaître dans sa peinture décorative. Dès 1882, il présente son diptyque Musique sacrée et Musique profane (conservé au musée de Picardie d’Amiens) et offre une imposante toile marouflée à la Comédie-Française afin de décorer le plafond du foyer des artistes en 1885. L’artiste obtient par la suite de nombreuses commandes de diverses institutions ou commanditaires : le plafond de la salle des fêtes de l’Élysée en 1896, le médaillon central du plafond de la bibliothèque de la Sorbonne en 1897, un des plafonds de la salle à manger du buffet de la Gare de Lyon en 1899, les galeries des Tourelles de l’Hôtel de Ville de Paris à partir de 1901, la décoration de l’hôtel de ville de Saint-Mandé en 1906.
L’Atelier de la rue d’Aumale,Guillaume Dubufe (1853-1909), Huile sur toile, 1878, HC 38 x 27,5 cm. Galerie de Bayser © De Bayser |
Femme à Anacapri (Italie), Guillaume Dubufe (1853-1909), Huile sur panneau, 1886, HC 39,2 x 29 cm / AC : 45,2 x 35 cm. Collection particulière © DR / Guillaume Benoit |
Affilié à la Société d'Aquarellistes français qui a vu le jour en 1879, il démontre ses talents en illustrant des œuvres comme Sapho d’Émile Augier où les partitions de Faust de son oncle Charles Gounod, le compositeur étant très proche de son neveu depuis la disparition tragique de sa mère Juliette en 1855. Son œuvre de paysagiste séduit également l’ensemble de la critique. L’Italie et Capri -où ils achètent une villa nommée Le Fortino-constituent ses modèles de prédilection et servent de toile de fond pour nombre de ses peintures religieuses.
Guillaume Dubufe produit, en outre, des œuvres plus intimes et personnel les dans lesquelles il se plaît à représenter sa femme Cécile Woog, qu’il épouse en 1875 et ses cinq enfants : Juliette, Mireille, Édouard, Margot et Vincent, prénoms qui évoquent les personnages des opéras de Charles Gounod. Afin d’y installer sa demeure et son atelier, Guillaume Dubufe acquiert, en 1878, un hôtel particulier à Paris, avenue de Villiers, qui deviendra le musée Jean-Jacques Henneren 1924. En1909, Guillaume disparaît subitement alors qu’il se trouve à bord d’un bateau le conduisant à Buenos Aires. Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise, comme son grand-père Claude-Marie.
Autour de l’exposition
Concerts
Samedi 17 mars 16h30 / "Le piano Romantique", Lyrisme, rêverie et passion par Gilles Bérard (piano) / Liszt, Schubert et Chopin. Entrée libre dans la limite des places disponibles. (Libre participation au profit de l’artiste)
Samedi 24 mars 16h30 / "Les étoiles du Romantisme, Entre sentiment de liberté et liberté des sentiments" par Filipo Nocera (piano) et Samuel Vasseur (violoncelle), Mendelssohn, Schuman et Strauss. (Entrée libre dans la limite des places disponibles (libre participation au profit des artistes).
Conférences
Samedi 7 avril 16h30 / "Guillaume Dubufe et les décors des bâtiments publics de la IIIe République" par Dominique Lobstein, historien de l’art. (Entrée libre dans la limite des places disponibles)
Samedi 26 mai 16h30 / "Franz Xaver Winterhalter (1805 - 1873). Portrait d’un grand rival des Dubufe" par Laure Chabanne, conservatrice aux Musées nationaux du palais de Compiègne. (Entrée libre dans la limite des places disponibles)
Samedi 9 juin 16h30 / "Portrait de mode" par Olivier Henry. (Entrée libre dans la limite des places disponible)
Nuit des musées / samedi19 mai (19h – 22h)
- 19h : Atelier pour enfants (Gratuit) sur réservation au 01 46 02 67 18
- 19h30 : Visite guidée de l’exposition temporaire (entrée libre)
- 20h30 : Concert Faust et Marguerite Par René Covarrubias (ténor), Barbara Delagnes (soprano) et Heng - Pai Lin (pianiste) D’après les œuvres de Gounod, Schubert et Berlioz (entrée libre dans la limite des places disponible)
Rendez-vous aux jardins / samedi 2juin
- 15h et 16h30 "Promenade en mots et en notes" par Guylaine Menot (conteuse) et Julien Coulon (guitariste) (gratuit, sur réservation au 01 46 02 67 18)
Visite guidée de l'exposition (sans réservation), tous les mercredis, samedis et dimanches à 15h
Ateliers enfants / tous les mercredis, week-ends et vacances scolaires. À partir de 5 ou 8 ans, sur réservation, 4 ou 6€/ enfant. (Programme détaillé des ateliers sur www.musee-saintcloud.fr ou au 01 46 02 67 18)
Informations pratiques
Musée des Avelines – Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Cloud Jardin des Avelines – 60, rue Gounod –92210 Saint-Cloud
- Musée ouvert du mercredi au samedi de 1 2h à 18h / Dimanche de 14h à 18h (fermé les jours fériés / Entrée libre)
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