Ravie de cette première collaboration artistique, l’entreprise reçoit cette année le plasticien Pierre Paulin. Résidence d'artiste en entreprise. A l’aube de cette seconde résidence, retour en lumière sur une expérience unique pendant laquelle, employés et artiste, échangent leurs regards et leurs savoir-faire de "transformateurs de matière".
spectres, etc. - Sara Favriau © cneai
Art et mondes du travail
Les résidences d’artistes en entreprise s’appuient sur la charte "Art et mondes du travail", élaborée par des artistes, des entrepreneurs, et des acteurs de l’action culturelle. Cette charte promeut la présence de l’art sur les lieux de travail dans tous les secteurs d'activité.
Philippe Normand, directeur de La Compagnie française du Bouton, a découvert le programme "Résidence d’artistes en entreprise" grâce à Réseau Entreprendre 93. L’entrepreneur pantinois a vu dans ce projet l’occasion pour son personnel de "valoriser à leurs propres yeux leur création quotidienne d'un objet utile, mais "beau"." A l’initiative du service Arts plastiques de la DRAC Ile-de-France, c’est un projet de résidence de recherche et de création qui s’est mis en place. Associant la Compagnie française du Bouton, le cneai et la sculptrice Sara Favriau, cette résidence "tournée vers la rencontre et l'échange, ouverte aux surprises et aux expérimentations nouvelles" selon les mots-mêmes de l’artiste, accorde une place centrale à l'exploration.
Une carte blanche "particulièrement pertinente" selon le directeur de l’entreprise, "puisqu’en l’absence de contrainte ou de projet, l’artiste, ayant trouvé son inspiration dans notre métier, a finalement créé une œuvre directement inspirée de nos produits." Cette démarche a permis aux employés de La Compagnie Française du Bouton de poser un regard nouveau sur leur travail, devenu source d’inspiration et matière à exposition.
Au contact des matériaux, précieux et délicats, utilisés par l’entreprise pour fabriquer des boutons destinés à de grandes enseignes du luxe, une nouvelle approche du bois et de la sculpture s’est imposée à l’artiste. Dans ses précédents projets, comme la redite, en somme, ne s’amuse pas de sa répétition singulière, ou la convoitise, Sara Favriau avait utilisé des tasseaux de bois sans qualité et rudimentaires pour créer des structures à la fois immenses et chétives, à la lisière des arts décoratifs et du minimalisme, travaillant surtout l'angle et peu la courbe. Dans son exposition personnelle Virgule, ou tout simplement brigands au Cneai en mai 2018, aboutissement de sa résidence en entreprise, Sara Favriau montre comment elle a détourné les boutons de leur fonction utilitaire et revisité ses gestes de sculptrice à une micro-échelle. De ces créations naissent de petites sculptures librement inspirés par la statuaire africaine et rassemblée dans une série intitulée L’âge allié se ferre de bronze. Au cœur de l’exposition, au milieu des statuettes, Sara Favriau a imaginé une sculpture modulaire nommée Les belles manières, dans laquelle les boutons conglomérés et façonnés semblent se changer en forme organique, presque expansive.
les belles manières - Sara Favriau © cneai
A la fin de cette première résidence, le directeur de La Compagnie Française du Bouton notait avec plaisir que l’activité de sculpture de Sara Favriau était entrée en résonance avec l’activité artisanale de son entreprise, toutes deux impliquant une "transformation de la matière". Le bilan positif qu'il a tiré de cette première résidence l'a encouragé à renouveler l'expérience. Mêlant mode, sculpture et poésie, c’est l’artiste Pierre Paulin s’est installé fin 2018 à La Compagnie Française du Bouton.
Entretien avec Sara Favriau
Vous êtes-vous bien entendu avec les employés La Compagnie du bouton ?
Oui, on s’est très bien entendu ! Ça s’est bien passé même si ce n’était pas évident au départ ces boutons. Je ne m’y attendais pas, j’ai découvert au fur et à mesure des matières et des matières et des matières. Pas que des boutons, des bouts de cornes, de l’ébène, des choses dans tous les sens dans leurs réserves.
Vous y avez fait de belles rencontres ?
Oui. Ce sont des rencontres qui sont relativement simples car ce sont en général des artisans, des gens au contact assez direct. J’ai été agréablement surprise de découvrir une entreprise familiale. Bienveillants entre eux, et bienveillants avec la personne qu’ils recevaient, c’est-à-dire moi.
Quelles idées aviez-vous en entrant en résidence en entreprise ?
Aucune. Il valait mieux pas en avoir d’ailleurs. Quand on arrive avec des idées préétablies, c’est toujours plus compliqué. C’était vraiment bénéfique de ne pas en avoir du tout.
Est-ce que ce sont les matières qui vous ont portée dans votre travail ?
Ce sont des essais, des formes, des choses comme ça. Les boutons se voient de face normalement. Quand vous voyez un bouton sur une veste, vous le voyez toujours de face, jamais sur la tranche. Je me suis dit que si j'appréhendais le bouton de face, j’allais faire le peintre, ce qui ne m’intéressait pas beaucoup. J’ai donc décidé de le prendre comme un volume. J’ai essayé de faire le sculpteur à partir de ça. Là-bas, à la Compagnie française du bouton, ils utilisent surtout du plastique, des résines de polyester, du bois, etc. Ce ne sont donc pas les matières qui m’ont marquée en premier. Mais au-delà de ça, ils ont aussi beaucoup d'autres matières comme de l’os, de la corne, de la nacre, etc. Ce sont des choses que j’ai découvert dans un deuxième temps, en fouillant dans leurs stocks.
Comment travailliez-vous ?
J’étais dans leurs locaux, dans un atelier de production avec les machines, aujourd’hui laser et numérique. Mais il restait leur tour à bois. Moi je me suis octroyé les machines qu’ils n’utilisaient plus pour la bonne et simple raison que, comme ça, je pouvais travailler sans les solliciter, sans avoir à attendre ce qu’ils aient terminé à faire avant de pouvoir faire quelque chose !
Partager la page