Lise Martin : à propos des quatre mois de résidence à Cormontreuil…
Une résidence d’écriture c’est une aventure qui, pour qu’elle soit réussie, ne doit pas être aventureuse. Non pas qu’il faille craindre l’imprévu, l’inédit ou la surprise.
La réussite d’une résidence dépend de sa préparation et de son anticipation, chacun des protagonistes devant définir ses priorités et ses attentes.
L’endroit où se situe la résidence est, lui aussi, déterminant quant aux choix des actions à mener et aux objectifs souhaités. Ces choix varient selon le lieu : artistique (théâtre, maison d’auteurs…) ou culturel (lycée, bibliothèque…).
L’auteur doit se déterminer en fonction des critères inhérents à sa création et aux exigences qu’il s’est fixé, dans la perspective de « servir» l’œuvre qui est en cours ou celle à venir.
C’est un engagement qui ne peut être de circonstance
Pour mon projet, je souhaitais me retrouver dans l’univers des livres, dans un lieu de passages et d’échanges. Une médiathèque s’y prêtait parfaitement. Chuchotements feutrés des lecteurs peut-être éloignés de l’objet théâtre/création mais surtout de l’objet livre/théâtre.
Lecteurs à conquérir, à rencontrer, à écouter donc
Si, en théorie, l’auteur bénéficie d’un soutien financier pour écrire, en pratique il consacre une partie de son temps à faire écrire et à sensibiliser un public autour de son œuvre et de ses aspirations.
Une écriture personnelle se nourrit d’échanges, de rencontres, de discussions et de confrontations. Les mots des autres sont une matière vivante ; un terreau fertile d’où germera une histoire.
J’ai animé, ou plutôt fédéré, des ateliers d’écriture dans le but d’éveiller des curiosités littéraires et non pas de transmettre un savoir-faire.
Ecrire pour lire, en somme
Les différentes actions que j’ai proposées ont été très suivies. Les participants se laissant porter par, tout d’abord, des lectures à haute voix, puis par le désir d’aller sur des territoires inconnus, imaginaires. La confiance mutuelle a généré une grande complicité entre tous.
L’ancrage historique et local, sous-tendus par ma thématique, (Grandir/Vieillir une réalité physique mais une construction sociale) a mis en jeu des références faisant écho à la vie de chacun.
L’objet de mes interrogations, de mes questionnements a créé une proximité intellectuelle et une curiosité stimulante.
A ceci s’ajoute l’élément fondamental qui a permis la réussite du projet : l’investissement des responsables de la Médiathèque et de son personnel, sans lesquels rien n’eut été possible. Tous étaient convaincus de l’impact qu’aurait cette action ; des retombées positives pour les usagers et surtout pour ceux qui ne fréquentaient pas le lieu (je pense à des classes de lycées, des personnes en maisons de retraite, des handicapés, des non-lecteurs, des non-spectateurs…).
Résidence qui fut… riche, intense, mélancolique, épicée, rouge et noir, coquelicots et champs de bataille, truculente et joyeuse.
Matière à écrire désormais.
Lise Martin
Corinne Mayens, responsable de la Médiathèque |
Comment sont choisis les auteurs et comment est défini le programme de la résidence ?
Corinne Mayens : l’auteur est choisi par l’équipe de la médiathèque, parmi les candidats qui répondent à l’appel à résidence. Pour être recevables, les candidatures doivent répondre à certains critères, déterminés par le Centre national du livre.
Plusieurs mois avant la résidence, des rencontres, organisées avec l’auteur permettent de faire connaissance, de confronter les projets, d’analyser la faisabilité des actions envisagées et de planifier les grandes lignes des actions qui seront menées sur le territoire.
L’auteur partage son temps entre son projet personnel d’écriture et ses interventions au sein de la commune. L’objectif est de l’accueillir dans les meilleures conditions, ainsi la commune doit mettre à sa disposition un lieu de vie équipé et il perçoit une indemnité mensuelle, attribuée, soit par le Centre national du livre (ce qui fut le cas pour Luc Tartar), soit par la collectivité, qui peut également instruire une demande d’aide auprès de la DRAC (Anne Mulpas et Lise Martin).
Sur un territoire, la présence d’un auteur peut prendre diverses formes, liées à la personnalité de l’invité, à son implication dans les projets, à son envie de se nourrir des rencontres avec le public, des ateliers qu’il ou elle aura menés...
Comment ces résidences sont-elles perçues par le public de la médiathèque ?
Corinne Mayens : nous disposons de différents indicateurs qui nous permettent d’apprécier l’impact de la présence d’un auteur en résidence, en effet les groupes qui se constituent pour assister aux performances proposées expriment une attente, viennent régulièrement et « s’approprient » l’auteur. Les ateliers proposés par les auteurs ont toujours remporté un vif succès, les adultes, comme les adolescents, se sont mobilisés afin de venir écrire, lire, dire, exprimer, se raconter.
L’auteur se prête également à intégrer ses textes, son parcours, ses références à l’activité du lieu dans lequel il réside, nous l’avons constaté avec la présence de Lise Martin qui a su, par exemple, travailler à la mise en voix de textes pour la cérémonie du 11 Novembre (choix de textes des carnets de guerre de Louis Pergaud et Ernst Jünger, mise en voix avec deux comédiens et un musicien). Cette intervention a permis de donner une visibilité importante à la résidence et à l’auteur, l’auteur est vu, reconnu et dans le cas cité fortement apprécié par une population parfois éloignée de la médiathèque ou de la culture en général.
Quels sont les facteurs de réussite d’une résidence ?
Corinne Mayens : une résidence nécessite d’avoir travaillé en amont avec l’auteur et qu’ensemble une ligne directrice ait été définie, ponctuée d’événements destinés un maximum de public. La collectivité doit s’engager à faire rayonner l’œuvre de l’auteur sur le territoire mais également à communiquer par divers moyens autour de la présence de l’invité sur le territoire.
La résidence est un temps fort pour une commune, il faut déployer de l’énergie, des moyens humains et financiers mais en échange la présence de l’auteur permet, sur une période donnée, un rayonnement intellectuel et humain beaucoup plus intense. L’auteur laisse sa trace dans la structure, sur la commune, l’impact culturel est très fort. La connotation culturelle s’inscrit dans des actes quotidiens d’une commune, désacralise l’écrit, suscite l’envie de découvrir, d’être ensemble à partager la sensibilité d’un univers.
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