Permettre à chacun et chacune de participer à l’enrichissement de notre patrimoine national, c’est la belle idée, à la fois démocratique et participative, de la Grande Collecte. Lancée en 2013 pour le Centenaire de la Première Guerre mondiale, la première édition de cette manifestation conçue par le Service interministériel des Archives de France du ministère de la Culture, a rencontré un succès considérable, suscitant un élan inédit qui a contribué à redessiner les contours de la mémoire collective.
Aujourd’hui, à l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, c’est la thématique du sport qui s’est naturellement imposée. La Grande Collecte des archives du sport, un événement national labellisé Olympiade culturelle, a pour ambition de faire sortir de l’oubli les documents qui permettront aux historiennes et historiens de demain de montrer l’importance – et elle est considérable – qu’a revêtu le phénomène sportif en France.
La Grande Collecte des archives du sport, c’est aussi une série d’événements, comme le lancement national de la manifestation, le 23 juin dernier, au Conseil départemental d’Indre-et-Loire, à Tours, à l’occasion de la Journée nationale olympique. C’est aussi un événement très symbolique, qui s'est tenu le 6 juin au Conseil départemental des Hauts-de-Seine : le dépôt des archives du Racing Club de France, l’un des plus anciens – et des plus prestigieux – clubs sportifs de France. Le point avec Françoise Banat-Berger, cheffe du service interministériel des archives de France au ministère de la Culture. Cet entretien a été préalablement publié le 6 juin dernier.
Le service interministériel des archives de France, en vue des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 et au titre de l’Olympiade culturelle, pilote une Grande Collecte des archives du sport. Pourquoi cette Grande Collecte ?
Depuis une dizaine d’années, le service interministériel des archives de France pilote des Grandes Collectes permettant à chacun et chacune de prendre une part active à la constitution du patrimoine de la Nation, en remettant, en don ou en dépôt, au service public d’archives de son territoire, des archives qu’il détient sur une thématique : documents écrits, photographies, journaux intimes, mémoires, lettres et récits de famille… Tant il est vrai que les archives privées (personnelles, d’entreprises, militantes, politiques, sociales, culturelles) enrichissent fortement et donnent de la chair au témoignage des archives publiques produites et reçues par les administrations.
L’opération a démarré avec les célébrations de la Première Guerre mondiale dès 2013. Cette collecte qui s’est poursuivie sur plusieurs années, a connu un formidable et remarquable succès eu égard au caractère planétaire de l’événement, qui a touché chaque famille qui a pu ainsi déposer ou donner des milliers de documents. Chaque archiviste se souvient encore des échanges chaleureux et émouvants noués à cette occasion.
Depuis, d’autres collectes ont eu lieu, sur l’Afrique, sur les femmes. Récemment, à l’occasion des 60 ans marquant la fin de la guerre d’Algérie, certains services d’archives ont également conduit des Grandes Collectes permettant ainsi de recevoir de belles archives produites notamment par les appelés.
Or, aujourd’hui, nous sommes à dix-huit mois des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, grand événement survenant 100 ans après les Jeux olympiques de 1924, qui s’étaient tenus en France. Chaque commune a son stade, sa piscine, ses clubs. Chaque Français possède ses souvenirs sportifs liés à un loisir, une compétition, un cours d’éducation physique. Le sport a bouleversé nos paysages urbains et ruraux, nos habitudes culturelles, transformé nos temps de loisirs, modifié nos rapports au corps, participé au développement économique et suscité des moments de communion.
Une Grande Collecte s’imposait, dont l’urgence nous était signalée par les historiens relevant le peu de sources dont ils disposent pour travailler sur le sport, par exemple sur l’histoire des femmes et du sport ou l’histoire du rapport au corps.
Quelles sont les grandes actions menées à l’occasion de cette Grande Collecte ?
La Grande Collecte des archives du sport est lancée officiellement au niveau national durant ce mois de juin, à l’occasion à la fois de la Semaine internationale des archives à partir du 5 juin et de la Journée olympique du 23 juin. C’est ainsi que le 6 juin, le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine se verra remettre en dépôt, par le président du club, les archives du très célèbre Racing Club de France, créé en 1882, archives qui seront conservées et valorisées par les Archives départementales des Hauts-de-Seine (voir encadré). Le 23 juin, une belle manifestation aura lieu au conseil départemental d’Indre-et-Loire pour faire dialoguer donateurs, historiens, journalistes, archivistes, représentants de l’Éducation nationale autour d’un bilan d’une très riche collecte lancée dès 2021.
Cette Grande Collecte a de fait été lancée en 2022 et labellisée Olympiade culturelle, en lien très étroit avec le Comité national olympique et sportif français et l’Académie nationale olympique française. Elle est parrainée et soutenue par nos deux ambassadeurs que sont Emmanuel Laurentin, journaliste de radio bien connu, et Marie-Françoise Potereau, ancienne sportive de haut niveau en cyclisme et actuellement vice-présidente du Comité national olympique et sportif français. Elle s’achèvera à la fin de l’année 2024.
Les actions sont concrètement menées par le réseau des services publics d’archives, notamment les services départementaux d’archives, les archives municipales et bien sûr les services à compétence nationales des Archives nationales. Aujourd’hui, ce sont près de 300 actions sous différentes formes (collecte, numérisation, expositions, dossiers pédagogiques, publications etc.), dont beaucoup sont destinées au public jeune, qui sont menées par une centaine de services d’archives et sont valorisées sur le portail national France-Archives.
Pouvez-vous me préciser les principaux temps forts à venir ?
Après les événements des 6 et 23 juin mentionnés plus haut, l’actualité sera également riche lors des Journées européennes du patrimoine, avec une manifestation consacrée à la boxe le 15 septembre à la salle Wagram, mais également à l’occasion de la coupe du monde de rugby, avec une très belle exposition programmée par les Archives départementales du Gers, ou encore lors des Rendez-vous de l’Histoire de Blois (4-8 octobre) ou lors de la Journée paralympique d’octobre, qui mettra en lumière de belles actions de recueils de témoignages menées par les Archives municipales de Saint-Étienne autour de la personnalité d‘Yves Nayme.
La Grande Collecte des archives du sport, ce sont aussi des partenariats riches et diversifiés. Le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de la Culture se sont associés pour monter un appel à projets à destination des classes, du CP à la terminale. Les archives de France se sont associées aux Micro-Folies pour intégrer des documents d’archives du sport dans la création d’une collection « Sport » autour des JO de 1924, des femmes et du sport ou encore du paralympisme. Nous collaborons aussi dans le cadre de deux manifestations avec le Centre national du cinéma, ainsi que pour la création d’une mallette pédagogique avec le musée national du Sport et la Réunion des musées nationaux-Grand Palais.
Par ailleurs, deux programmes de recherche en partenariat avec l’Institut des sciences sociales du politique, l’un autour de la sociologie des archives du sport, l’autre de la collecte d’archives orales d’anciens dirigeants de fédérations sportives, ont été lancés.
Ces différentes actions ne sont que l’amorce de cette Grande Collecte, qui continuera à gagner en intensité au fil des mois, culminera à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques pour s’achever à la fin de l’année 2024.
Les archives du Racing Club de France déposées aux Archives départementales des Hauts-de-Seine
C’est un événement qui témoigne de la vitalité des liens entre sport et culture. Mardi 6 juin, le président du Racing Club de France, l’un des plus prestigieux clubs sportifs de l’Hexagone, remettra en dépôt les archives de son club au président du Conseil départemental des Hauts-de-Seine. Cette démarche s’inscrit dans le dispositif mis en place par le ministère de la Culture dans le cadre de la Grande Collecte des archives du sport.
« Ce fonds est exceptionnel à plus d’un titre », se réjouit Pierre Chancerel, directeur des Archives départementales des Hauts-de-Seine. D’abord, par la renommée du déposant. Le Racing Club de France, fondé en 1882, possède en effet l’une des plus belles cartes de visite du sport français. « Depuis ses débuts, ce club omnisports a atteint un niveau d’excellence dans de nombreuses disciplines, ce qui le rend emblématique du sport français », confirme-t-il. Ensuite, parce que ce fonds permettra de documenter tout un pan peu connu de son histoire. « Parmi les documents déposés, on trouve des séries complètes très précieuses : compte-rendu d’assemblées générales ou d’instances de direction depuis le début du XXe siècle jusqu’aux années 2000, dossiers administratifs sur le stade de Colombes, fonds iconographique important… Au total, ce fonds, particulièrement conséquent, va permettre de combler les lacunes des archives publiques en matière d’histoire du sport ».
A ce titre, l’importance capitale du stade de Colombes, acheté et agrandi par le Racing Club de France, n’est plus à démontrer. « Cet équipement sportif a accueilli les Jeux Olympiques de 1924, mais aussi la Coupe du monde de football de 1938, de nombreux matchs internationaux de football et de rugby, des compétitions de boxe… C’est aujourd’hui un stade départemental qui s’apprête à accueillir les compétitions de hockey sur gazon pendant Paris 2024. On le voit, il s’agit d’un équipement sportif de premier plan, dont l’histoire s’écrit sur le temps long », souligne Pierre Chancerel.
Une fois la convention de dépôt signée, l’intégralité des fonds du Racing Club de France rejoindra, pour dix ans renouvelables, les Archives départementales des Hauts-de-Seine courant juillet. Avec un objectif : mettre en lumière, selon les standards de la pratique archivistique contemporaine, la richesse de l’histoire du sport dans les Hauts-de-Seine pour les historiens comme pour un large public.
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