Elle a permis – entre autres bénéfices – de soutenir la diversité de l’offre éditoriale et le dynamisme d’un réseau inégalé de librairies indépendantes pour le plus grand profit des lecteurs. Quarante ans après son adoption, la loi sur le prix unique du livre, promulguée le 10 août 1981, est plus que jamais d’actualité.
Pour en explorer toutes les facettes, un colloque, organisé jeudi 2 décembre par le ministère de la Culture et l’École des Chartes, va envisager les perspectives de ce dispositif original, adopté par les principaux pays européens, qui s’est imposé comme un pilier essentiel de la politique culturelle. Nous rendrons compte du colloque ultérieurement. En attendant, nous revenons sur trois moments forts de quarante ans d’histoire.
1981 : le débat sur le prix unique du livre est un débat culturel
« À quel prix aujourd’hui un nouveau Flaubert, un nouveau Balzac, un nouveau Verlaine, un nouveau Gide aurait-il la chance – oui, la chance – d’être publié et lu ? Notre pays est-il prêt à payer ce prix d’une invention, d’une production littéraire, est-il prêt à défendre sur le territoire comme hors de nos frontières la littérature française ? » En lançant cette apostrophe dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, le 30 juillet 1981, Jack Lang, ministre de la Culture du gouvernement de Pierre Mauroy, a le grand mérite de placer le débat au bon niveau : à hauteur de culture. « L’enjeu, poursuit-il, c’est l’avenir de la création littéraire ».
Quant aux discussions parlementaires, elles porteront sur les conditions de fixation du prix de vente au public par les éditeurs et importateurs de livres. Après le vote de la loi, les détaillants devront, sauf exception, pratiquer un prix effectif de vente au public compris entre 95 % et 100 % du prix fixé par l'éditeur ou l'importateur. Mais l’essentiel est ailleurs : « Le livre n’est pas un produit comme les autres, assure le ministre de la Culture : c’est une création de l’esprit qui ne saurait être soumise – sans une protection ou à tout le moins sans une régulation particulière – à la seule loi du marché ». Sur ce principe, le projet de loi sur le prix unique du livre sera, fait assez rare pour être souligné, adopté à l’unanimité par Parlement.
2009 : le prix unique du livre à l’épreuve du numérique
Un travail d'évaluation de la loi du 10 août 1981 a été mené en 2008-2009 dans le cadre du Conseil du livre et sous la présidence d'Hervé Gaymard par une commission de professionnels et de membres du Parlement. Il s’est inscrit dans une dimension historique, comparative et prospective au regard de l’irruption du numérique dans l’univers du livre. Les conclusions de ce rapport, intitulé Situation du livre. Évaluation de la loi relative au prix du livre et questions prospectives, montrent que la loi du 10 août 1981 reste pertinente, y compris à l’heure d'internet. C’est une loi de développement durable, à la fois culturelle, économique et territoriale, dont le bilan est incontestablement positif.
Il apparaît que l'objectif principal de la loi – permettre l’égalité d’accès des citoyens au livre – a été satisfait. Cette législation a légalement permis de maintenir un réseau de diffusion et de distribution des livres diversifié sur l’ensemble du territoire, sans être un obstacle à la montée en puissance de nouveaux acteurs. Enfin, elle a permis la vitalité et la diversité de l’édition, avec la création de nouvelles entreprises novatrices et réactives, indispensables au paysage éditorial français et le maintien d'une offre de livres large et diversifiée.
2011 : étendre au livre numérique les dispositions sur le prix unique
L’irruption des plateformes numériques dans le monde de la culture a rebattu les cartes du marché du livre. Face à cette situation, il a fallu consolider le périmètre d’application du prix unique du livre. C’est l’objet de la loi du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique, qui étend au livre numérique les principes de la loi sur le prix unique.
Il a aussi fallu veiller à sa bonne application. C’est l’objet l’objet de la proposition de loi portée par la députée Laure Darcos (groupe Les Républicains) qui vise à améliorer l'économie du livre et à renforcer l'équité et la confiance entre ses acteurs. Ses principaux objectifs : un prix-plancher facturé au client pour les frais d'envoi de livres et la possibilité pour les collectivités locales de subventionner les librairies indépendantes dans la limite de 30% de leur chiffre d’affaires.
C'est aussi l'objet de la charte signée le 27 juin 2017 sous l'égide du ministère de la Culture par les acteurs de la filière, qui vise à garantir l’application de la législation relative au prix du livre sur les « places de marché » en ligne et dans les commerces proposant des livres neufs et des livres d’occasion. « La charte Prix du livre se situe dans le prolongement de ces démarches, explique le Médiateur du livre : elle vise à associer les acteurs du commerce de livres, notamment ses nouveaux protagonistes, au maintien des équilibres de la filière. En outre, en précisant les règles d’affichage des prix, elle rappelle que la loi Lang repose sur trois fondements : le principe du prix unique, la fixation du prix par l’éditeur, mais également – ce qui est particulièrement sensible dans le cas du commerce électronique – l’obligation d’informer clairement sur le prix ».
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