Ce sont plusieurs formes géométriques ocres et bleues qui ont pignon sur rue, à l’ombre mouvante des branches des pins environnants. Elles se superposent sur le mur blanc avec des éléments végétaux stylisés comme des feuilles, des contours de fleurs ou des palmes et impriment leurs courbes pour composer une imposante œuvre de plus de six mètres de hauteur et trois de largeur. Voici la peinture murale Monolithe et Vibrations commandée par la promoteur immobilier Vestia Promotions pour la façade de sa nouvelle résidence d’habitations, « Le Patio des arts » à Montpellier.
Cette œuvre imposante est le fruit d’une conception collective entre deux créatrices. D’un côté Clara Langelez, architecte d’intérieur de formation et auteure de nombreuses fresques pérennes in situ parmi lesquelles une installation de dix mètres de haut suspendue, en collaboration avec l'artiste Arkane, dans le centre commercial Polygone à Montpellier, et de l’autre, Noon, qui partage son temps entre l’Occitanie et l’île d’Oléron, diplômée des Beaux-arts de Montpellier et qui a décidé de se consacrer au dessin et à la fresque. Leurs deux univers semblent se rejoindre par leur côté coloré, géométrique et parfois abstrait. Et pourtant. « Noon a un travail de recherche sur la couleur pour faire vibrer ses compositions tandis que je travaille plutôt le côté graphique », explique Clara Langelez.
Faire cohabiter deux univers artistiques différents
Ce n’est pas la première fois que ces deux artistes installées en Occitanie travaillent ensemble. Une première réalisation éphémère avait été composée pour le plafond d’un espace de coworking lors d’un atelier commun. Ce premier travail commun a, semble-t-il, été remarquée par le promoteur, qui leur a proposé de venir travailler sur la façade de ce nouveau projet immobilier. « C’est un bon support qui nous permettait de faire cohabiter nos deux univers, poursuit Clara Langelez. Ce projet était intéressant car il a pignon sur rue alors que mon travail est souvent tourné vers l’intérieur. C’était donc une réelle opportunité. » Le travail sur ce beau format-portrait « graphiquement hyper intéressant » selon Noon, peut ainsi commencer. Les deux artistes ont chacun apporté leur touche avec des dessins, puis ont réalisé sur une tablette une esquisse qui compose avec chaque univers, le tout de la manière la plus harmonieuse et épurée possible. Un travail qui n’a rien d’évident. « Lorsque deux univers, deux personnalités se rencontrent, il faut réussir à trouver du sens et que ça fonctionne, souligne Noon. Ce sont toujours des expériences qui me permettent d’avancer, d’apprendre, d’essayer d’échanger et de respecter l’autre dans sa création. »
Le titre de l’œuvre, Monolithes et vibrations, a été trouvé par Clara Langelez. « L’œuvre est la rencontre entre d’un côté des éléments géométriques plutôt tendus qui correspondent à une envie de maîtrise que l’on trouve tout le temps dans notre environnement et, de l’autre, un aspect très organique qui renvoie au lâcher-prise, au mouvement, aux choses vivantes. Il y a aussi l’environnement de cette œuvre, magnifique avec une architecture très ancrée et un pin magnifique à côté qui projette ses ombres sur la façade qui, avec le vent, bougent légèrement. Cela renvoie à ce côté plus aérien, à la respiration, au souffle. »
Un travail pour se confronter aux regards des habitants
Quatre à cinq jours auront été nécessaires pour réaliser l’esquisse dans les tons terracotta, autant pour la réaliser, l’an dernier, avec là encore, une répartition des rôles. « Nous avons commencé à faire les grosses masses toutes les deux l’une en haut, l’autre en bas, décrit Noon. Clara a ensuite fait toutes ses formes organiques au petit pinceau – ce qui prend du temps – et moi mes formes, en travaillant par couches et par superposition. »
Cette phase de travail est également l’occasion de se confronter aux regards des habitants. « L’art urbain permet de créer du dialogue : quand on travaille dans la rue on échange avec les citoyens, ce qui est très agréable. Mon travail est abstrait donc souvent ils nous demandent ce que ça représente », se souvient Noon. « C’est la richesse de notre travail !, reprend Clara Langelez. Certains vont capter l’essence du travail, d’autres absolument pas mais dans tous les cas, cela laisse la porte ouverte à l’interprétation. Il y a souvent une fascination des gens de voir quelqu’un peindre, de s’emparer du pouvoir de création et de le mettre sur un mur. Les échanges c’est ce qui me nourrit aussi. Je ne me ferme aucune porte, tout échange est bon à prendre. »
Cette œuvre désormais terminée, c’est au tour des habitants de l’immeuble et du quartier de s’en emparer. L’art urbain a cette particularité d’imposer la création artistique dans un endroit inhabituel mais à la portée de tous : l’espace public. « Les gens ont moins peur que de voir ces œuvres que des toiles dans un musée ou une galerie. Et puis en tant que femme moins invitée dans les expositions, aller dans la rue m’a permis de montrer mon travail et me faire connaitre différemment », constate Noon. Monolithes et vibrations laissera, en tous cas, une trace pour le futur et participe de ce grand mouvement de démocratisation du street art qui s’inscrit dans l’aménagement urbain. « Le fait que ça arrive sur des murs est la première étape de quelque chose de bien plus grand, souligne Clara Langelez. Je pense qu’il faut réenchanter le monde dans une société où l’on construit énormément et où on ne prend plus le temps de mettre du cœur dans ce qu’on fait. Si on peut donner un peu de rêverie, amener vers un monde un peu plus poétique, je trouve ça super ! »
Le travail de Clara Langelez est à voir ici et celui de Noon ici.
Quatre lauréats pour ces troisièmes prix 1 immeuble, 1 œuvre
Outre Clara Langelez et Noon pour leur fresque Monolithe et Vibrations, trois autres projets exemplaires du programme ont été récompensés jeudi 29 juin dans le cadre du prix 1 immeuble, 1 œuvre.
• La Nature et les jardins par Cécile Jaillard, à Villiers-le-Bel (Val-d’Oise). Ce projet artistique participatif commandé par le bailleur social Toit et Joie – Poste Habitat, a permis aux habitants de revitaliser et rendre plus conviviale la placette centrale de la résidence constituée de plusieurs petits bâtiments réunissant une centaine de logements. Chaque habitant a pu contribuer en peignant une partie de l’œuvre et l’équipe culturelle de Toit et Joie – Poste Habitat a conduit la médiation du projet
• The Seeing City par le Studio Other Spaces, Ólafur Elíasson et Sebastian Behmann, à Paris. Il s’agit cette fois-ci d’une installation immersive commandée par le promoteur Groupe Emerige pour les deux derniers étages du programme de réhabilitation du site urbain « Morland Mixité Capitale ». Cette intervention artistique propose au visiteur une expérience visuelle immersive mettant en jeu l’architecture et le paysage. Depuis le balcon du quinzième étage, le plafond miroitant reflète la vue sur la Seine et les toits de Paris, tandis qu’au seizième étage, la verrière intérieure offre une vision kaléidoscopique du ciel, qui se décline à l’infini comme autant d’échantillons atmosphériques.
• Beautiful View #1 par le duo d’artistes Lang/Baumann, à Nanterre (Hauts-de-Seine). Cette sculpture monumentale a été commandée par le promoteur et opérateur urbain Bouygues Immobilier, pour le quartier Nanterre Cœur Université. Juchés en haut d’un mât blanc de vingt-deux mètres, quatre sièges verts identiques à ceux des tribunes d’un stade. L’œuvre prend place dans le prolongement de l’axe historique allant de la Grande Arche de La Défense jusqu’au musée du Louvre.
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