J’ai toujours grand plaisir à rendre hommage aux lauréats du prix de
l'Equerre d'Argent et de la première oeuvre. Chaque session apporte son
lot de découvertes et de nouveaux talents.
L'immense mérite de ces récompenses, c’est de savoir distinguer, dans
cette continuité qui les caractérisent, les oeuvres architecturales qui ont la
valeur de l'exemple et la force du modèle. Rien n'est plus contagieux que
l'exemple - et de préférence le bon exemple.
La rénovation de la Tour Bois-le-Prêtre, construite il y a cinquante ans par
Raymond Lopez pour l’OPHLM de la Ville de Paris en bordure des
boulevards des Maréchaux et du périphérique dans le XVIIe
arrondissement de Paris, projet d'envergure par ses ambitions comme par
ses innovations, possède cette puissance de l'exemple. Il propose un
modèle pour l'avenir, un patron pour ce délicat travail de haute couture que
représente l'art de bâtir – ou de rebâtir. Fruit d'un tissage complexe de
convergences entre ses opérateurs (la Ville de Paris, la Région Ile-de-
France et l'Agence nationale pour la Rénovation Urbaine) et ses objectifs
(excellence architecturale, haute qualité environnementale, concertation
citoyenne et équité sociale), la Tour Bois-le-Prêtre a en effet opéré, sur ses
fondations originelles, une véritable mue. C’est un manifeste pour
l'évolution des pratiques dans l'approche architecturale et urbanistique des
logements sociaux, et plus largement pour la réutilisation des bâtiments
existants.
La prise de conscience dont il est question ici, mon ministère en a pris
toute la mesure depuis de nombreuses années. Frédéric Druot est déjà le
co-auteur, je le rappelle, de la réhabilitation pour mon ministère de
l'immeuble des Bons-Enfants ; quant à Anne Lacaton et Jean-Philippe
Vassal, j'avais eu le plaisir de leur remettre en 2009 le Grand Prix national
de l'architecture. Ils ont notamment réalisé la magnifique Ecole nationale
supérieure d’architecture à Nantes, et ils conduisent en ce moment même,
à ma demande, la rénovation du palais de Tokyo, dont vous pourrez voir
l’aboutissement dans quelques semaines. Je partage sans restriction leur
conviction : « Détruire, c'est gaspiller ».
En effet, à l'heure où la démolition apparaît comme une plaie radicale et
souvent traumatisante pour les espaces concernés et les personnes qui y
ont consacré, parfois, une existence entière, je veux croire que la
réhabilitation est une solution viable techniquement, formellement,
économiquement mais aussi et surtout humainement. Améliorer la ville,
c'est surtout et avant tout améliorer la vie.
Si le projet de la Tour Bois-le-Prêtre mérite l’Equerre d'Argent, c’est aussi
parce qu’il représente l'aboutissement d'une mission sur les grands
ensembles menée par les architectes depuis 2007, et ce à la demande du
ministère de la Culture et de la Communication. Cette réflexion a du reste
connu un prolongement décisif avec la publication récente, par la direction
générale des patrimoines de mon ministère, de l'ouvrage « Les grands
ensembles, une architecture du XXe siècle ». Sur ces « espaces à part »,
le geste architectural reste nécessairement lié à une volonté politique et
sociale de créer les conditions d'un habitat apprécié et partagé. Je suis très
attentif à cette mise en valeur, pour laquelle mon Ministère fait preuve
d'une extrême vigilance, comme l'attestent les nombreuses procédures de
classement ou de labellisation qui, à l'image des Courtillières à Pantin ou
de la Cité de l'Etoile à Bobigny, sont la preuve d'une conscience
grandissante de la richesse de ces territoires. Dans le même esprit, j’ai
confié cette année le Pavillon Français de la prochaine biennale
internationale de Venise à Yves Lion. Il y proposera une réflexion sur
l’immense potentiel architectural offert par la transformation des grands
ensembles.
Vous le savez, j’ai lancé avec enthousiasme le projet de la Tour Médicis,
autre ambitieux projet de réhabilitation, cette fois au coeur du Grand Paris,
dans la Cité des Bosquets à Clichy-Montfermeil. L’Etat, vous le savez, a
acheté la Tour Utrillo de Zehrfuss pour en faire un lieu de création et de
résidence, en prise directe avec un environnement social et urbain trop
souvent victime des stigmates de l’exclusion. Je suis sûr, Monsieur le
Maire, Mesdames et Messieurs, que vous partagez les valeurs et la vision
de ce projet auquel, je l’espère, vous saurez d’une façon ou d’une autre
vous associer. Il s’inscrit en effet pleinement dans l’ambition culturelle
pour un Grand Paris dont les nouvelles frontières sont à la fois la verticalité
et la périphérie. À ce titre, je me réjouis que l'Atelier international du Grand
Paris ait lancé en décembre dernier un appel d'offre destiné à composer
son conseil scientifique d'une dizaine d'équipes d'architectes-urbanistes.
Cette nouvelle étape est un palier décisif dans le renouvellement du travail
prospectif sur l'avenir du Grand Paris et le cadre de vie métropolitain.
L'Equerre d'Argent – je rends hommage au groupe Le Moniteur et à son
jury – est une vitrine de tous ces engagements et le reflet de nos horizons
de vie. Que nous dit Vincent Parreira, lauréat de la Mention Spéciale du
jury, à travers le groupe scolaire Casarès-Doisneau à Saint-Denis ? Qu'il
est possible, à quelques encablures du Stade de France, dans un quartier
inscrit en zone ANRU, de produire des lieux de partage quotidien, des îlots
préservés où la vie s'installe, se déploie et vient servir une politique de
rénovation urbaine menée sans relâche à l'échelle communale.
Cette nouvelle impulsion que nous tentons, chacun à son échelle, de
donner à l'architecture, dépend aussi de la capacité de la discipline à se
transformer, à évoluer, à se moderniser. Quant aux regards que portent
nos jeunes créateurs, il nous revient de fournir les outils pour qu’ils
puissent arriver à maturité et finalement briller.
Vanessa Larrère a su convaincre et séduire grâce au superbe travail
qu'elle a proposé à Liposthey, dans les Landes, pour une exploitation
agricole familiale, fondée par son grand-père il y a 30 ans. Comme ce fut le
cas de Pascale Guédot l'an passé, Vanessa Larrère connaît parfaitement
la région où s'exercent ses talents, puisqu'elle en est originaire. Comme ce
fut également le cas de l'Atelier Raum, elle a fait appel à la pureté du bois
pour concrétiser sa réflexion sur la fonctionnalité et les circulations d'un
lieu de travail. Elle y apporte une luminosité différente, une volumétrie
chaleureuse et élégante à la fois.
Recevoir le Prix de la Première OEuvre n'est pas un événement anodin
dans une trajectoire d'architecte. Si Vanessa Larrère est récompensée
aujourd'hui, c'est aussi grâce à la qualité de l'enseignement et aux sources
d'inspiration qu'ont pu représenter les méthodes et les idées de ses
professeurs à l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Toulouse. Ce
travail de formation, dont je salue la progression d’année en année au sein
des ENSA, est indispensable à la créativité des futurs architectes et à la
conscience des exigences d'une architecture contemporaine traversée par
l'enjeu fondamental de l'éco-responsabilité.
L'architecture française a besoin, plus que jamais, de ses jeunes créateurs.
Chaque année, les Albums des Jeunes Architectes et des Paysagistes
sont le prolongement naturel et reconnu de la politique de mon ministère
qui, de l'étude au bâtiment, de l'étudiant à l'architecte confirmé, veut
favoriser l'intelligence du geste et du contexte, et soutenir, à chaque
moment de leurs parcours, les exigences de leur métier. Les prochains
Albums seront présentés le 28 mars prochain sous l'égide de Frédéric
Borel, dernier Grand Prix national de l'architecture 2010 et de Michel
Desvigne, dernier Grand Prix national de l’urbanisme.
Enfin, l'Equerre d'Argent vient concrétiser un parcours long, ou encourager
un début de carrière brillant. Ce prix est là pour surprendre, il est là pour
nous transmettre aussi un certain optimisme quant à l’avenir de
l’architecture française. L’architecture doit être porteuse d’un enthousiasme
que je suis fier de partager avec vous, maîtres d’oeuvre et maîtres
d’ouvrage. Dans le monde entier, elle est un vecteur culturel pour
l’économie et l’emploi ; elle est nécessaire à tous. Souvenons-nous de
cette phrase magnifique de Morris Lapidus, le flamboyant architecte de
Miami : en matière d’architecture, « trop n’est jamais assez ».
J'appelle maintenant les architectes et les maîtres d'ouvrage à me
rejoindre pour recevoir leurs récompenses.
Equerre d'Argent : Tour logement de Bois-le-Prêtre, à PARIS, 17e
arrondissement
Maîtres d’oeuvre : Frédéric DRUOT associé à Anne LACATON et Jean-
Philippe VASSAL
Maître d’ouvrage : Ville de Paris / Paris Habitat
Mention Spéciale : Groupe scolaire intercommunal CASARÈS –
DOISNEAU à SAINT-DENIS, Seine-Saint-Denis
Maître d’oeuvre : Vincent PARREIRA
Maître d’ouvrage : Mairies de Saint-Denis et d’Aubervilliers
Prix de la Première OEuvre : Bureaux pour agriculteurs, LIPESTHEY,
Landes
Maître d’oeuvre : Vanessa LARRÈRE
Maître d’ouvrage : privé