Je me réjouis de pouvoir vous accueillir ici, au ministère, à l'occasion de
cette quinzième édition de « Paris Photo », qui prend pour la première fois
ses quartiers au Grand Palais.
30 pays, près de 120 galeries, dont 48 nouvelles galeries, parmi lesquelles
on trouve Fraenkel de San Francisco, Pace/MacGill de New York, Thomas
Zander de Cologne ou Marian Goodman de Paris, une quinzaine de
maisons d'édition qui partagent la même exigence pour une diffusion de
qualité de la photographie : « Paris-Photo » s'affirme, par la diversité et la
qualité des oeuvres proposées, comme une manifestation internationale de
premier ordre. De la photographie historique à la création la plus
contemporaine, toutes les formes d'expression que permet ce médium
trouvent ainsi leur place dans des conditions de confort et d'accueil
améliorées, tant pour les galeries que pour les auteurs et surtout le public.
Je suis rentré il y a quelques jours du Mali, où j'ai pu prendre toute la
mesure de l’importance des Rencontres de Bamako pour la scène
photographique africaine, grâce au travail accompli cet année par Samuel
Sidibé, Michket Krifa et Laura Sérani. Je suis donc particulièrement
heureux de saluer la mise à l'honneur, cette année à Paris Photo, de la
photographie d’Afrique subsaharienne. David Goldblatt, Seydou Keïta,
Malick Sidibé, Samuel Fosso ou Santu Mofokeng font partie des grands
noms qui ont fait découvrir au monde toute la richesse et l’originalité d’un
continent créatif. Il était juste de montrer aussi la créativité d'une nouvelle
génération de photographes qui continuent à nous faire voir, à travers leur
regard singulier, un continent où sans doute se joue une part de notre
destin commun, avec ces interrogations, ses misères, ses joies, son
extraordinaire dynamisme.
Enfin, je note que les organisateurs de « Paris-Photo » ont tenu à inviter
trois très grandes institutions publiques étrangères à présenter leurs
acquisitions récentes : l’International Center of Photography de New York,
la « Tate » de Londres et le musée de l'Elysée de Lausanne - dont je salue
ici la présence de son directeur, Sam Stourdzé -, ainsi qu'une remarquable
collection privée, celle d'Artur Walther, centrée sur la photographie
africaine.
Vous connaissez la grande attention que je porte à la vitalité du marché de
l'art dans notre pays. Cette vitalité ne pourrait être ce qu’elle est sans le
dynamisme des grandes collections publiques ou privées. En se
développant, en s’enrichissant, elles apportent une contribution majeure à
l'histoire de l'art en train de se faire.
Avec l'attribution d'un prix du livre, l’organisation grâce à la fondation
LUMA - je salue d’ailleurs la présence de Maja Hoffmann [si elle est
présente] - d'une plateforme de réflexion autour de la photographie, avec le
concours SFR des jeunes talents, les nombreuses manifestations
publiques et privées, avec les grandes ventes organisées cet automne, le
rendez-vous automnal de Paris Photo est chaque année un moment
essentiel, pour les professionnels, pour tous les amateurs du monde si
divers de la photographie, avec le succès que l’on sait. Je tiens à saluer
chaleureusement ses organisateurs, au premier rang desquels son
commissaire général Julien Frydman, les galeries présentes, mais aussi
les mécènes et les partenaires qui ont su apporter les moyens permettant
de conduire ce développement.
Dès mon arrivée rue de Valois, j'ai souhaité que la photographie puisse
bénéficier de la part du ministère de toute la reconnaissance qu’elle mérite
parmi les modes d'expression esthétiques et la création contemporaine. La
mission de la photographie est en place depuis plus d’un an. Son action
d’ensemble va s’inscrire dans la durée.
L’heure n'est pas encore aux premiers bilans. Je souhaite toutefois saluer
quelques chantiers dans le domaine de la création qui ont pu aboutir cette
année, et ce notamment grâce à la mobilisation des équipes du Centre
National des Arts Plastiques :
Le fonds d'aide à la photographie documentaire est en place, et le premier
appel à projet a été lancé en septembre. Il dispose d'une dotation de
75000 . Les dossiers doivent être déposés d'ici au € 14 novembre, et ils
seront examinés par le groupe d'experts les 13 et 14 décembre. Un
second appel à projet sera lancé dans le courant du premier semestre
2012.
Un plan triennal pour la commande publique photographique a été lancé,
d'un montant de 300.000 €. Un premier appel à projet a été lancé, et le
groupe d'experts correspondant se réunit le 16 novembre. La commission
nationale de la commande publique du CNAP pourra ainsi statuer les 24 et
25 novembre prochains.
Les achats conduits par le CNAP se sont poursuivi. En 2011, la
commission chargée de l’acquisition de photographies et de vidéos a
disposé ainsi d’un budget de 600.000 €. Elle a procédé à l’acquisition de
60 oeuvres dont 47 photographies.
Je me réjouis particulièrement que l'on ai pu aussi mobiliser hier la
commission d’achat de la photographie du CNAP, qui a ainsi pu proposer
l'acquisition d’une vingtaine d’oeuvres. Celles-ci viendront ainsi enrichir les
collections publiques, aux côtés de la collection Bouqueret entrée au
Musée national d'art moderne de même que la dation opérée par Marc
Riboud, qui bénéficie déjà d'une présentation dans les salles du musée.
Depuis le retrait de l'hôtel de Sully, l'État ne dispose plus à Paris de lieu
spécifique d'exposition photographique clairement identifié et
convenablement équipé, susceptible d’accueillir des expositions
historiques, d’offrir un regard sur la jeune création contemporaine. J’ai
souhaité que l'hôtel de Nevers, situé rue de Richelieu à proximité
immédiate de la bibliothèque nationale, puisse remplir cette fonction. Ces
bâtiments sont mal connus, constitués d'un vestige de la bibliothèque de
l'ancien palais du cardinal de Mazarin, et du logis de l'abbé Barthélémy.
Son état actuel n'en permet que difficilement une visite, c'est pourquoi je
propose que nous regardions ensemble un petit film qui vous fera mieux
connaître cet ensemble. Les travaux de restauration du clos et du couvert
vont être engagés dans les prochains mois. C'est une superficie de plus de
600 m2 qui ainsi, dès la fin de l'année 2013, pourrait se trouver consacrée
à la photographie. J’envisage d’en confier la gestion au Jeu de Paume, qui
avait assuré la programmation des expositions photographiques de l'hôtel
de Sully, et pour lequel l’organisation d’expositions reste une des ses
missions centrales.
J’ai souhaité également profiter de cette réception à l’occasion de « Paris
Photo » pour rendre hommage avec vous à Marta Gili. Elle a su au cours
des quatre dernières années confirmer avec brio le rang qu’occupe le Jeu
de Paume parmi les grands lieux d'exposition internationaux.
Cher Marta Gili,
Après vos études de philosophie et de psychologie à l'université de
Barcelone, vous entrez dans le monde de la photo par votre premier
emploi à l’Institut d’Etudes photographiques. Vous y organisez notamment,
dans le cadre de vos études, un colloque sur « Perception, Inconscient et
Image photographique ». La jonction était faite pour celle qui allait
développer un regard si singulier sur l’image, ses ramifications
sémantiques, sur la puissance des formes esthétiques.
Vous rejoignez en 1983 les organisateurs de « La Primavera Fotográfica ».
Pendant cinq ans, vous allez participez à cette très belle aventure de la
biennale catalane, où vous fondez également, en 1985, le département
photographique de la fondation Joan Miró. C’est cette expérience et la
force de conviction que vous exprimez dans votre travail de critique qui
séduisent la Fondation "la Caixa" : elle vous confie en 1991 les rênes de
son département Photographie et Arts Visuels, que vous allez diriger
pendant 15 ans. Un pari réussi : comme le rappelle l’artiste Jordi Colomer,
« après une période de trou institutionnel en Espagne, Marta est la
première personne à avoir normalisé la scène artistique hispanique avec
des expositions de niveau international. »
Les nombreuses manifestations que vous organisez pour la Caixa, portant
sur un spectre très large, des expositions historiques à la photographie et
la vidéo contemporaines, vous valent le prestigieux prix culturel « Ciutat de
Barcelona » en 1996. Diane Arbus, Richard Avedon, Albert Renger-
Patzsch, Christer Strömholm… Autant d’expositions remarquables,
consacrées aux plus grands, qui sont encore de toutes les mémoires, sans
parler de votre travail consacré à la création contemporaine, issue de tous
les continents, comme Tracey Moffatt ou Gillian Wearing.
Il y a une dizaine d’années, vous assurez pendant deux ans la direction
artistique du Printemps de Septembre à Toulouse. Dans le monde des arts
visuels, vous devenez ainsi la plus française des Catalanes. En 2006, le
conseil d'administration du Jeu de Paume vous choisit comme directrice
pour prendre la suite de votre ami Régis Durand, en consacrant ainsi votre
attachement à la France, pleinement réciproque depuis de longues années
– je pense à tous les jurys, à toutes les commissions pour lesquelles votre
participation a été sollicitée, à Arles, ou encore pour le Fonds national d’art
contemporain, de 1994 à 1997, sans parler de votre ubiquité dans les plus
prestigieuses enceintes du monde de la photographie, en Espagne bien
sûr, notamment pour le Musée d’art contemporain de Castille et León,
mais aussi à Vienne pour « Camera Austria », à Göteborg pour le prix
Hasselblad, à Oslo, à Francfort, à Londres, à New York… Vos
commissariats d'expositions, vos publications qui font autorité, vos
collaborations avec les revues ou les éditions d’art comme Phaïdon,
apportent une contribution majeure à l’histoire de la photographie en train
de se faire.
Ce qui a séduit les administrateurs du Jeu de Paume, c’est précisément
votre polyvalence et votre ouverture à tous les modes de mise en valeur de
la photographie comme expression en soi, depuis les approches
strictement documentaires aux démarches plus plasticiennes, des travaux
monographiques aux mises en perspective thématiques. Depuis lors, nous
avons tous pu apprécier la très grande qualité et la rigueur de votre travail,
avec les magnifiques expositions que vous nous avez proposées, comme
celle que vous avez consacrée à Sophie Ristelhueber qui a d'ailleurs reçu
le prix Deutsche Börse en 2010, sur le site du Jardin des Tuileries qui
connaît grâce à vous et votre équipe une hausse massive de sa
fréquentation, mais aussi à la Monnaie pour Willy Ronis, ou encore au
Château de Tours.
C’est aussi avec beaucoup d’impatience que nous attendons tous de
découvrir la programmation que vous allez nous proposer pour l’hôtel de
Nevers.
Au coeur de tout votre travail, il y a ce souci unique de l’attention, celle du
visiteur – spectateur, cette attention qui nous laisse, je reprends vos mots,
« dans l’expectative, mais aussi dans l’attente des associations possibles
et des suggestions à venir », celles qui font que les arts de l’image existent
aussi, pour reprendre le mot de Nietzsche, « pour nous empêcher de
mourir de la vérité ».
Chère Marta Gili, au Nom de la République française, nous vous faisons
Officier de l’ordre des Arts et des Lettres.