De l’hospice des Invalides voulu en 1673 par Louis XIV pour les blessés des guerres aux projets de Thiers pour les forts ceinturant Paris entre 1840 et 1845, les liens entre la place militaire de Paris et l’histoire de l’architecture sont nombreux et significatifs. Le fait militaire a toujours eu un rôle bâtisseur, de Vauban au général Dode de la Brunerie au XIXe siècle. Aujourd’hui, le regroupement stratégique des Etats-majors sur le site de Balard est une opportunité unique pour écrire une belle page de l’urbanisme parisien.
Une nouvelle cité militaire va voir le jour d’ici 2015. Ce « grand projet » est un acte fort qui s’inscrit dans la dynamique du Grand Paris, depuis que le Président de la République l’a lancé ici même, à la Cité de l’architecture et du patrimoine.
Pour les militaires, l’enjeu n’est pas de se déployer sur un nouveau territoire en périphérie, mais bien au contraire de reconquérir un site méconnu intra-muros. Un site inscrit au cœur des mobilités de la capitale, un site situé entre le boulevard périphérique et le boulevard des maréchaux, un site récemment desservi par le tramway, aux portes de l’héliport de Paris. Avec ses 15 hectares, ce site constitue un véritable territoire urbain dans la ville, une véritable « ville dans la ville ».
Mais l’époque de Vauban est désormais révolue. L’heure n’est plus à construire des forteresses majestueuses avec force lunes et demi-lunes, mais des enceintes contemporaines en liaison avec la ville toute proche. « Construire la ville sur la ville », c’est là l’une des approches essentielles dans le projet du Grand Paris.
Pour façonner cette nouvelle « pièce urbaine », neuf équipes d’architectes ont été mobilisées pour réinvestir un lieu, par définition, inaccessible aux civils. Pour répondre à un tel enjeu, une procédure particulière a été mis en place. Il ne s’agit pas d’un concours d’architecture comme ceux qui ont donné naissance, dans les années 90, à la Bibliothèque nationale de France ou à l’Arche de la Défense, par exemple, mais d’un partenariat public-privé, un « PPP » expérimental, qui dépasse la réalisation du seul monument, pour conduire à la conception d’un ensemble complexe dont 8 hectares de création contemporaine.
L’objectif, en effet, est de développer un nouveau programme tout en assurant un continuum avec la cité de l’Air, élément de patrimoine remarquable des années 30, mais aussi l’articulation avec un bâtiment classé, signé Auguste Perret, situé à l’angle du boulevard Victor.
C’est en face de l’un des plus beaux immeubles parisiens, l’édifice de logements conçu par Pattou, illustration de « l’architecture-paquebot », que le nouveau projet a été envisagé dans une perspective de laboratoire urbain répondant aux exigences actuelles en matière de développement durable.
Sur ce « site sensible » - territoire de l’armée oblige - l’enjeu consistait aussi à combiner le domaine civil et le domaine militaire, dans une opération distinguant clairement l’institution ministérielle, des bâtiments tertiaires d’accompagnement.
Au terme de deux ans de processus, le projet de Nicolas Michelin, associé à Jean Michel Wilmotte et l’équipe 2/3/4, a été retenu. « Le Pentagone à la française », comme on a souvent appelé le programme, prendra la forme d’un hexagone. Coquetterie hexagonale diront certains, exception culturelle diront d’autres ! C’est ainsi que l’équipe de Nicolas Michelin, connues pour ses expérimentations dans le domaine de l’urbanisme, notamment à Metz et Bordeaux, a répondu aux contraintes multiples posées par cet ambitieux projet.
Mais, si par définition, il ne peut y avoir qu’un seul lauréat, je ne veux pas oublier pour autant l’investissement intellectuel des autres équipes dans la redéfinition de ce pan de la ville. La scénographie « en escadrille », signée du jeune architecte Raphaël Gabrion, lauréat des nouveaux albums, donne à voir la qualité de l’immense travail fourni par les équipes mais aussi les options stratégiques prises par les architectes, notamment Dominique Perrault et Norman Foster dans la phase finale.
En présentant les 15 maquettes qui ont marqué les trois étapes de la consultation sur deux ans, fruit de la réflexion de toutes les équipes engagées par les trois groupes d’entreprise, la Cité de l’architecture et du patrimoine a pris le parti de mettre à plat tout le processus. C’est une première ! Et, en choisissant de présenter l’exposition « le ministère de la Défense prend ses quartiers à Balard » dans la Galerie des moulages, au sein même du musée, - dans le lieu même où plus de 210 000 visiteurs ont pu découvrir les dix stratégies pour le Grand Paris - la Cité met ainsi en perspective l’avenir de l’ouest parisien. Je sais en effet que la Cité présentera prochainement le laboratoire de l’île Seguin à Boulogne-Billancourt, selon le scénario envisagé par Jean Nouvel. D’une certaine manière, cette institution qui joue un rôle primordial dans la pédagogie du paysage et dans la transmission d’un « humanisme à visage urbain » s’inscrit au cœur des mutations contemporaines de la ville et des débats légitimes qui les accompagnent.
Après le Parc Citroën, conçu par Jean-Paul Viguier et Gilles Clément, le site de Balard va marquer une nouvelle étape de la transformation urbaine du XVème arrondissement. Et je n’oublie pas que la tour Triangle, projetée par les architectes suisses Herzog et de Meuron, à quelques mètres du site de Balard, Portes de Versailles, va également modifier la physionomie de la capitale.
Comme une « ruse de l’histoire », l’Hexagone et le Triangle viennent ainsi prendre le relais de l’esprit de géométrie haussmannienne, avec l’esprit de finesse qui caractérise la pratique contemporaine de l’architecture, qui, aujourd’hui fait de l’arrangement avec le réel son principe même d’existence.
Je souhaite donc à cette exposition tout le succès et toute l’attention du public. Elle montre combien le Grand Paris est aujourd’hui à l’œuvre et combien la dimension culturelle et paysagère est partie prenante de cette ambition pour la métropole du XXIe siècle. D’une certain manière, le projet architectural du ministère de la Défense dans le quartier Balard traduit les exigences que pourrait revêtir la métropole du XXIe siècle : une métropole proche des attentes de ses habitants, une métropole aux quartiers revivifiés, une métropole respectueuse des normes environnementales mais aussi une cybercité connectée au réseau mondial, une « fenêtre » pour comprendre un monde global aux équilibres toujours plus instables.
Je vous remercie.