Quand je pense au rôle essentiel que jouent la télévision et les médias dans la représentation de la réalité de nos sociétés, je me souviens de la pensée de George BERKELEY, ce philosophe et évêque irlandais du XVIIIe siècle et sa théorie dite de « l’idéalisme absolu » selon laquelle « être, c’est être perçu », « esse est percipi ». Pour exister, il faut être vu, « vu à la télé » en quelque sorte…Nous sommes passés, en somme, de « l’idéalisme absolu » à une sorte d’« idéalisme médiatique », pour ne pas dire d’« idéalisme cathodique »…
Plus sérieusement, aujourd’hui, pour exister, être elle-même, construire notre vivre-ensemble, avancer sereinement, notre société et ceux qui la composent doivent pouvoir se reconnaître dans ce qu’ils voient sur les écrans de télévision et qui, quelque soit le regard critique que l’on peut parfois porter sur elle, structurent nos vies presque autant qu’elle les représente. Cette exigence de rendre la télévision plus fidèle au réel, plus authentiquement proche des préoccupations et des attentes de chacun répond à une vraie demande sociale et sociétale. J’en veux pour preuve les succès que rencontrent toutes les fictions et programmes qui sont sous placés sous le signe de la diversité. Ce sont des programmes qui rassemblent, qui unissent : je pense bien sûr à Aïcha de Yamina BENGUIGUI, ou encore à Plus belle la vie… Ce sont aussi, d’ailleurs, les productions les plus primées, comme « Clandestins » au Festival international des Programmes individuels (FIPA), ou encore « Fais danser la poussière » au Festival de Luchon. Parce que l’on doit croire et espérer que le télévision contribue à la formation de ce que l’on appelait jadis « l’honnête homme », souvenons-nous de cette sage parole de Montaigne : « un honnête homme, c’est un homme mêlé », un homme dont la culture s’est nourrie d’identités plurielles.
C’est pourquoi je veux d’abord rendre hommage au travail remarquable accompli par le président Hervé BOURGES et les membres du comité, qui, en moins d’un an, est parvenu à nous livrer un rapport sans complaisance et surtout nourri, si j’en juge par ce qui vient d’être dit, de suggestions extrêmement prometteuses et, je dirai même courageuses.
Je n’en attendais pas moins de la part d’Hervé Bourges qui fut le créateur des Nuits du Ramadan, et qui a eu à cœur lorsqu’il a présidé les chaînes du groupe public, de commencer à leur reconnaître une responsabilité majeure, qu’elles n’avaient guère assumée jusque-là dans la représentation de la diversité des composantes de notre culture et de notre société.
Cet effort a été poursuivi depuis et singulièrement accentué par Patrick de CAROLIS et ses équipes, sous le regard attentif du Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui est le garant de l’expression de la diversité dans les médias.
Mais, vous-mêmes cher Patrick, en mettant en place ce Comité permanent de la diversité, vous avez compris que la télévision doit être le ferment d’un changement de nos mentalités, un aiguillon permanent tant sur le plan éditorial que sur le plan de la conduite de cette entreprise qu’est France-télévisions. Les chaînes publiques se doivent d’être exemplaire dans leur politique de recrutement et de promotion, pour que la diversité ne soit pas seulement un effet d’écran, mais la résultante d’un concours de toutes les forces vives, intellectuelles, morales, artistiques et techniques, qui contribuent à nourrir, jour après jour la télévision publique.
Sachez que je serai toujours aux côtés de France Télévisions et de ses dirigeants pour les accompagner dans cette exigence.
Le rapport que vous nous remettez aujourd’hui coïncide avec deux autres rapports qui seront prochainement rendus publics :
celui que le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel remet annuellement au Parlement ;
celui que présentera prochainement la Commission « Médias et Diversités », présidée par Bernard SPITZ et créée à la demande de Yazid SABEG, Commissaire à la diversité et à l’égalité des chances.
Chacune de ces initiatives s’inscrit dans une démarche qui lui est propre : vous allez aujourd’hui nous proposer une série de mesures spécifiques à France Télévisions.
Le CSA dresse un bilan plus général de la diversité dans l’ensemble des médias audiovisuels et plus particulièrement à la télévision. C’est grâce à lui – et au baromètre qu’il a mis en place – que nous avons une photographie de la diversité en télévision, que nous connaissons la place réservée aux femmes, aux différentes catégories socio-professionnelles, à la « variété des origines ethniques » ainsi qu’aux personnes handicapées.
La Commission « Médias et diversités », enfin, formulera une série de propositions destinées à améliorer cette représentation dans une optique plus large, qui couvre l’ensemble des médias et s’attache à examiner la représentation de la diversité non seulement dans les contenus, mais aussi dans la formation et les carrières.
Tous ces rapports seront connus ce mois-ci. Ils témoignent d’une préoccupation commune et répondent à l’évidence d’une lacune.
Nous savons que c’est la société civile qui, à la fin des années 1990, a permis la prise de conscience de ce déficit de représentation dans les médias français. Et vous le savez mieux que personne, cher Hervé, vous qui avez été à l’origine de la première étude sur ce sujet, lorsque vous présidiez le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Nous savons également que, dix ans après, la situation n’est pas satisfaisante. Elle « n’est pas admissible », pour reprendre l’expression employée par Michel BOYON, lorsqu’il remettait la troisième étude du CSA sur la diversité dans les programmes de télévision. Selon le dernier état des lieux dressé par le Club AVERROES, la représentation de la diversité dans les médias français serait en stagnation, voire en régression.
Le constat est unanime, et personne ne peut admettre une telle situation.
Qu’Alexandre DUMAS soit incarné par un acteur blanc ne pose évidemment aucun problème, mais à la condition que des acteurs noirs aient par ailleurs toute leur place dans le cinéma français ; à la condition que l’on ne donne pas l’impression d’omettre la couleur de peau de l’un des plus grands écrivains français.
Une fois connues l’ensemble des propositions qui seront remises ce mois-ci, j’examinerai avec mes collègues du Gouvernement les mesures que nous prendrons.
Enfin en ce qui concerne plus particulièrement l’action de mon ministère aux côtés du vôtre, chère Fadela, je souhaite qu’à l’occasion prochaine du renouvellement du fonds « Images de la diversité », doté de près de 9 millions d’euros, nous puissions ensemble donner un nouvel élan à ce dispositif qui a déjà fait la preuve de son efficacité et dont les résultats seront de plus en plus visibles, c’est-à-dire, dans le fond réels.
Je vous remercie.
Discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication prononcé à l’occasion de la remise du rapport 2010 du comité permanent de la diversité de France Télévisions
Madame la Ministre, Chère Fadela Amara,Monsieur le Président de France Télévisions, Cher Patrick de Carolis, Monsieur le Président du Comité permanent de la diversité du Groupe France Télévisions, Cher Hervé Bourges, Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Partager la page