Elle remercie de leur participation les ministres des 19 États représentés
(Afrique du Sud, Allemagne, Brésil, Burkina Faso, Canada, Corée du Sud,
République arabe d’Egypte, Espagne, Etats-Unis, France, Italie, Japon,
Maroc, Pologne, Royaume-Uni, Fédération de Russie, Suède, Suisse,
Vietnam) ainsi que les hauts responsables de la Commission européenne, de
l'OCDE, de l'OMPI et de l'UNESCO et les grands témoins du monde de la
culture.
En ces temps de crise économique internationale, le dynamisme de la création
culturelle est plus que jamais un facteur clé de croissance et d'emploi ; c’est
aussi un véritable enjeu de civilisation.
C’est la raison pour laquelle la Présidence française a souhaité placer cette
réunion dans la continuité de la déclaration des chefs d'État et de
gouvernement lors du sommet du 26 et 27 mai à Deauville, qui a permis de
constater un consensus pour la promotion d’un internet responsable. Cette
déclaration avait notamment marqué que :
« S'agissant de la protection de la propriété intellectuelle, en particulier des
droits d'auteur, des marques déposées, des secrets commerciaux et des
brevets, nous reconnaissons que nous devons mettre en place des
législations et des cadres nationaux pour en améliorer le respect. C'est
pourquoi nous renouvelons notre engagement à prendre des mesures fermes
contre les violations des droits de propriété intellectuelle dans l'espace
numérique, notamment par des procédures permettant d'empêcher les
infractions actuelles et futures. Nous reconnaissons que l'application effective
des règles en matière de propriété intellectuelle nécessite une coopération
internationale appropriée entre les acteurs concernés, associant le secteur
privé. Nous sommes déterminés à trouver les moyens de faciliter un meilleur
accès et une plus grande ouverture à la connaissance, à l'éducation et à la
culture, notamment en encourageant l'innovation dans le commerce en ligne
de biens et de contenus, dans le respect des droits de propriété intellectuelle.»
Se fondant sur ces orientations agréées au plus haut niveau des États du G8,
le Sommet des ministres à Avignon a permis d'élargir le débat au delà des
membres de cette enceinte et d'en approfondir les implications en croisant les
éclairages des ministres chargés de la culture et de la propriété intellectuelle.
De ces échanges très nourris, marqués par le sens d’une responsabilité
partagée à l’égard de la création et de son avenir à l’ère numérique, la
Présidence française retient pour sa part 5 convictions fortes :
1. Il ne peut y avoir de création ni de diversité culturelle durables sans un
droit d'auteur qui protège et rémunère les créateurs.
L'ère numérique offre de formidables opportunités pour la création artistique
et la diffusion des oeuvres mais soulève aussi d'immenses défis pour
réinventer leur économie et promouvoir leur diversité.
C'est en faisant vivre les principes du droit d'auteur dans ce nouveau
contexte, c'est-à dire en assurant une rémunération pérenne des créateurs
et de leurs filières économiques, que ces défis pourront être relevés. La
grande diversité possible des modes de gestion du droit d'auteur, élément
déterminant de sa capacité d’adaptation, est à cet égard une chance qui doit
bénéficier au dynamisme de l’offre culturelle en ligne et des modèles
commerciaux qui la sous-tendant.
La création doit être reconnue comme la ressource essentielle des industries
culturelles, et les solutions retenues pour une protection efficace des droits
d'auteur dans l'environnement numérique constituent la condition
indispensable de l'innovation créative et de la diversité culturelle.
2. Une offre légale diversifiée de contenus culturels en ligne est dès
maintenant disponible : il faut lui donner toutes ses chances tout en
développant la numérisation du patrimoine de manière ambitieuse et
responsable.
Au cours des dernières années, le développement d'offres légales a connu
des progrès décisifs et montre que l'ensemble des acteurs ont intégré la
technologie numérique. Déjà, dans de nombreux pays, des millions de titres
musicaux sont aisément disponibles en ligne pour un coût attractif. Dans le
domaine de l'audiovisuel, de la presse et bientôt du livre, pour ne citer que
quelques-uns des secteurs concernés, des multitudes d'offres apparaissent
avec des ergonomies créatives et simples d'utilisation, des services associés
et des principes de tarification innovants. Une page se tourne ainsi puisque
le prétexte de l'indisponibilité des oeuvres à l'abri duquel s'est développé le
piratage de masse n'a plus lieu d'être, une place de marché efficace jouant à
cette fin un rôle déterminant.
Il faut maintenant saisir cette chance pour développer l'économie de la
culture tout en assurant une numérisation ambitieuse et responsable des
oeuvres du patrimoine en particulier. De la Bibliothèque numérique
Europeana à la Bibliothèque publique numérique américaine ou à
l’importante plateforme brésilienne en la matière, des efforts décisifs sont
engagés en ce sens. Les pouvoirs publics doivent jouer tout leur rôle dans le
développement de cette économie de la culture. Les chantiers de
numérisation du patrimoine culturel et toute entreprise de diffusion
numérique de la culture doivent suivre des règles de partenariat équitables
entre le secteur public et les acteurs privés, comme l’a marqué en Europe le
rapport du Comité des Sages pour Une nouvelle Renaissance. Les services
culturels numériques doivent se développer dans le respect et en partenariat
avec les institutions culturelles existantes. Musées, bibliothèques,
universités doivent apporter leurs compétences à ces services et bénéficier
grâce à eux d'un accroissement de leurs ressources.
3. Sur tous les continents, des initiatives convergentes de mise en oeuvre
des droits se développent car la question n'est plus de savoir s'il est urgent
de réduire le piratage mais comment y parvenir au mieux.
La réponse graduée a démontré sa portée pédagogique en France et en
Corée. Du Chili à la Nouvelle Zélande ou au Royaume-Uni, de nombreuses
initiatives législatives vont dans le même sens. Aux États-Unis, le vaste
accord signé en juillet 2011 entre les opérateurs de communications
électroniques et les acteurs de l'économie culturelle se fonde également sur
une action concrète de sensibilisation pour lutter efficacement contre le
partage illégal de contenus. Dans de nombreux pays, de l'Espagne à la
Norvège ou à la Suède, les efforts se concentrent sur la mise en place de
moyens juridiques efficaces pour faire cesser les violations du droit d'auteur.
Toutes ces approches sont complémentaires et méritent d'être explorées en
parallèle, en fonction de la tradition juridique de chacun.
Elles trouveront leur pleine efficacité grâce à la prévention, l’éducation et la
sensibilisation du public, comme le font de nombreux pays, par exemple
l’Allemagne, l’Afrique du Sud, les Etats Unis et le Vietnam.
4. Cette vaste transition de l'économie culturelle est une responsabilité
partagée des pouvoirs publics, des citoyens, des ayants droit et de tous les
acteurs du numérique.
Les citoyens, les ayants droit et les entreprises du numérique ont un intérêt
partagé bien compris à cette économie de l'offre légale qui se met en place.
Au lieu de la fuite de valeur et de l'appauvrissement de la création
qu'impliquait le piratage, on peut maintenant voir se dessiner une nouvelle
création de valeur à partager. C'est une prise de conscience qui, après des
années de réticences et de malentendus, s'engage maintenant. Les
discussions des ayants droit avec les moteurs de recherche, en Europe et
aux États-Unis comme en Chine, pour que les citoyens soient dirigés vers
l'offre légale en donnent une bonne illustration. Tous les acteurs méritent
d'être impliqués, jusque par exemple aux annonceurs et aux fournisseurs de
solutions de paiement.
En parallèle, les acteurs du numérique, qui bénéficient de la diffusion sur les
réseaux d’oeuvres culturelles, doivent s'engager dans le financement de la
création, que cela passe par des approches contractuelles ou par des
initiatives législatives : par delà la question de l'accès aux oeuvres et de leur
disponibilité en ligne, le défi majeur à relever pour l’avenir de la création à
l’ère numérique concerne en effet les conditions du développement d'un
écosystème assurant le renouvellement constant de cette création dans sa
diversité.
5. La consolidation de cette économie culturelle de demain exige plus de
coopération entre toutes les parties prenantes et l'implication forte des
organisations internationales afin que les politiques publiques pour le
développement de l'économie de la création soient guidées par des
principes fondateurs communs.
L'espace sans frontière de l'internet ne se satisfait pas d'approches
purement nationales qui même convergentes, restent trop fragmentées, et
se heurtent à des comportements de « paradis numériques » non
coopératifs. Les coopérations internationales comme celle qu'ouvre ce
sommet ministériel sont déterminantes, qu'elles s'inscrivent dans un cadre
mondial ou régional, notamment au sein de l'Union européenne. Au plan
universel, le droit d'auteur est reconnu comme un bien commun dont l'OMPI
a reçu mission d'assurer la promotion, ce qui doit constituer un puissant
aiguillon pour améliorer sa reconnaissance et son efficacité.
La sécurité juridique qu'offre le cadre international du droit d'auteur est un
atout décisif pour développer l'économie culturelle de demain, qui passe à la
fois par des règles adaptées, favorisant également une juste concurrence
entre les acteurs économiques, des technologies nouvelles et des modèles
d'affaires innovants. La coopération entre pays du Nord et du Sud revêt à cet
égard une importance toute particulière.
En outre, dans une période de mutation, le rôle des politiques publiques est
indispensable pour accompagner la création. Les politiques et mesures en
faveur de la culture doivent ainsi être pensées et s'inscrire dans un cadre
international et être consolidées et considérées comme une contribution
essentielle à la création, à sa circulation et à son partage. C'est pour cette
raison que la coopération internationale doit porter aussi sur les partages
d'expériences et d'outils innovants de financement de la création, l'échange
entre les États permettant d'évaluer et de développer au mieux ces mesures
dans l'intérêt des créateurs et de leurs filières économiques.
Au-delà de possibles différences de sensibilité, il apparaît clairement que
toutes les ressources du droit et de la technologie doivent être mobilisées au
service de cet objectif commun qu’est l’avenir de la création culturelle dans
l’univers numérique.
Forte de ces cinq convictions éclairées par les débats tenus en Avignon, la
Présidence française engage ses successeurs à poursuivre le travail
partagé sur les enjeux du droit d'auteur et de la rémunération de la création
à l'ère numérique.