1.Ancien Régime
Les femmes au chevalet ! Tentatives d'émancipations à l'aube du XIXe siècle
Origines
A partir du milieu du XVIIe siècle, la reconnaissance de l’exercice du métier d’artiste passe, en France, par l’agrément à l’Académie royale de peinture et de sculpture, qui permet d’exposer au Salon, passage obligé de la reconnaissance publique. Jusqu'en 1793, en un siècle et demi, quinze femmes seulement seront élues académiciennes. Aucune ne fut pour autant reçue « peintre d’histoire », seul genre permettant d’accéder au titre de professeur. Aussi, les femmes sont-elles cantonnées aux arts d'agrément, la peinture de fleurs et la nature morte, et au mieux aux genres dits mineurs du portrait et de la scène de genre. Elles sont aussi filles, sœurs ou épouses d'artistes : en 1663, la première femme peintre admise à l’Académie est Catherine Duchemin (1630-1698), peintre de fleurs, plus connue comme épouse du célèbre sculpteur royal François Girardon (1628-175). Elle mettra fin à son activité de peintre en raison de ses nombreuses maternités. Sa réception à l'Académie n’a donc pas ouvert la suite de sa carrière, et son œuvre a quasiment disparu.
Académiciennes
Alors que, pendant quarante ans, il n'y aura plus de femme élue, c’est la Vénitienne Rosalba Carriera (1675- 1757) qui entre à l'Académie en 1720, demeurant la seule académicienne pendant trente-sept ans. Portraitiste du féminin, elle est l’une des femmes peintres les plus célèbres du XVIIIe siècle, contribuant à diffuser à Paris la mode du pastel considéré alors comme une "technique féminine".
En 1757, Marie-Thérèse Reboul (1728-1805), plus connue comme Mme Vien, épouse du directeur de l’Académie, reprend le titre. Peintre de fleurs, elle arrête d'exposer après son admission.
Enfin, les quatre principales académiciennes de la deuxième moitié du XVIIIe siècle sont encore issues de familles d'artistes : Anne Vallayer-Coster (1744-1818), peintre de natures mortes et fille d'un orfèvre du roi, et les trois portraitistes Marie-Suzanne Giroust-Roslin (1734-1772), épouse d'Alexandre Roslin (1718-1793), lui-même portraitiste, Adélaïde Labille-Guiard (1749-1803), épouse du peintre François-André Vincent (1746-1816) et Elisabeth Vigée-Lebrun (1755-1842), formée par son père le pastelliste Louis Vigée (1715-1767).
Emancipation
L'année 1791 est capitale pour l’émancipation des femmes peintres : un décret du mois d'août leur permet d’exposer librement au Salon, qui va connaître un essor stupéfiant avec un afflux d'œuvres considérable. Jamais les femmes ne seront aussi nombreuses à exposer au Salon : si Adélaïde Labille-Guiard est seule à y participer en 1791, elles seront plus d'une trentaine en 1799 et plus de quatre-vingts en 1824.
La dissolution des corporations (loi Le Chapelier), la même année, va également permettre aux femmes d'avoir leur propre atelier, de signer de leur nom de jeune fille et de choisir plus librement leur sujet. Jamais avant le Consulat, il n’y eut autant d’ateliers féminins qui ne cessent de proliférer à Paris notamment. Les sujets se déplacent alors de la nature morte au portrait et à l'autoportrait, les femmes artistes revendiquant ainsi un nouveau statut social. Mais la peinture d’histoire leur est encore peu accessible puisqu'il s'agit de représenter le nu masculin, par nature pratique moralement inconvenante pour une femme, selon les mentalités de l’époque. La division sexuée des arts perdure : aux hommes, la peinture des conquêtes, des fresques guerrières, du récit de l'épopée, de la douleur et de la mort ; aux femmes, les larmes de la mélancolie, la vie quotidienne, le joli, le mièvre, la famille et la vocation maternelle.
Réalité
Si la période ouvre aux femmes jusqu'en 1815 une visibilité sans précédent, l'activité artistique reste par définition un métier d’hommes selon le modèle aristotélicien qui veut que la transformation de la matière soit une activité virile. Le code civil de 1804 confirme l'assujettissement de la femme à l’homme et fait régresser son statut professionnel. La femme mariée doit obéir à son mari en échange de la protection financière. Elle n’a donc pas besoin de travailler et ne peut pratiquer la peinture qu’en dilettante. L’activité picturale, qui fait partie de la bonne éducation, est considérée comme un loisir de l'aristocratie et de la bourgeoisie cultivée.
Hélène Meyer
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