L'église Sainte-Ségolène domine le paysage messin du haut de la colline Sainte-Croix. Elle est l'une des plus anciennes paroisses de Metz, comme en témoigne sa crypte, seul témoignage de l'existence d'une première chapelle hors-les-murs dès les IXe-Xe siècles. Elle n'est pourtant protégée au titre des monuments historiques que depuis 1981 et a été classée en totalité seulement le 1er avril 2014. L'histoire de sa protection est liée à l'histoire même de cet édifice et rappelle à quel point notre regard sur le patrimoine est en constante évolution.

La paroisse Sainte-Ségolène est incluse dans les murs de la ville de Metz lors de l'extension de l'enceinte urbaine au XIIIe siècle. Pour répondre à l'accroissement démographique, l'église est reconstruite dans le deuxième quart de ce siècle. L'édifice est alors un exemple représentatif du gothique messin qui fleurit à cette grande époque de reconstruction des églises paroissiales à Metz. Au XVe siècle on lui adjoint même un porche gothique flamboyant.

A la fin du XIXe siècle, la petite église Sainte-Ségolène compte quatre travées et n'a qu'un clocher de faible hauteur. Elle se distingue par son élégant chœur, comparable à celui de la Sainte-Chapelle. Le destin de la modeste église paroissiale se joue après l'annexion allemande. En 1884, l'évêque de Metz signifie au curé de la paroisse que si son église est belle, elle est néanmoins trop petite. Dès lors, le curé Dellès va mettre en œuvre toute son énergie pour aboutir à la reconstruction quasi complète de l'église.

Entre 1896 et 1898, l'église est entièrement restaurée et agrandie sous la direction de Conrad Wahn, architecte en chef de la ville de Metz pendant la période allemande. Respectueux du style gothique original, Wahn conserve en partie les élévations médiévales. En revanche il remanie fortement les bas-côtés pour construire un transept et agrandit considérablement l'église par l'adjonction de trois travées supplémentaires. Surtout, il détruit le porche du XVe siècle et le clocher du XIIIe siècle pour permettre l'élévation d'une imposante façade néogothique surmontée de deux hautes tours à flèches.

Pour orner la façade, il fait appel au sculpteur le plus en vue à l'époque, Auguste Dujardin, à l'origine des sculptures des portails restaurés de la cathédrale. Ce dernier s'émancipe des modèles classiques et fait représenter des saints proprement locaux, rappelant le passé glorieux du royaume d'Austrasie (sainte Ségolène, saint Arnould, saint Sigisbert etc.). A l'intérieur, le mobilier et les décors sont entièrement repensés. L'ensemble des murs et des voûtes de l'église sont notamment recouverts des peintures murales du Lorrain Jean Engel. Ce riche décor répond harmonieusement à la simplicité des élévations et vaut à l'église la qualification de « Sixtine messine » par les contemporains.

Plus qu'un exemple des nombreuses interventions sur des édifices anciens que connut le XIXe siècle, le chantier de Sainte-Ségolène s'inscrit dans l'intense période de transformation de la ville de Metz entre 1871 et 1918, sous influence culturelle allemande. Réunissant des artistes de tous bords, elle voit un architecte germanique édifier une église inspirée d'un modèle allemand (Sainte-Elisabeth à Marbourg) mais adaptée au style et à la spiritualité locale. Pourtant, malgré les indéniables qualités architecturales et esthétiques de l'édifice, sa reconnaissance patrimoniale est tardive et partielle.

En 1981, la protection au titre des Monuments historiques distingue l'abside avec la crypte et les deux absidioles ainsi que les trois dernières travées de la nef, seuls vestiges de l'édifice du XIIIe siècle, en les classant au titre des monuments historiques, alors que le reste de l'édifice est seulement inscrit. Cette protection mixte stigmatisait en quelque sorte la partie XIXe en lui octroyant un niveau inférieur de protection, signe de la reconnaissance tardive de l'architecture de la fin du XIXe siècle en France. Elle a pourtant pleinement sa place comme édifice protégé, comme la réhabilitation de Viollet-le-Duc ces dernières années le montre bien. En Lorraine elle possède un intérêt supplémentaire en raison des influences frontalières qu'elle a pu subir, particulièrement en territoire annexé.

La reconnaissance du patrimoine de l'Annexion en Moselle est pourtant encore plus récente. Elle se traduit aujourd'hui par de nombreuses publications, par l'extension du périmètre du secteur sauvegardé de Metz de façon à inclure la Neustadt et par la candidature de la Ville de Metz à l'inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l'Unesco qui met fortement en avant cet aspect de son histoire urbaine. C'est dans ce contexte que s'inscrit la révision du régime de protection de l'église Sainte-Ségolène, un peu plus de trente ans après sa première protection.

Suite à la demande de classement en totalité formulée par la ville de Metz, le dossier de l'église Sainte-Ségolène a été présenté devant la Commission nationale des Monuments historiques à Paris qui s'est unanimement prononcée en faveur du classement en totalité de l'église « considérant, outre ses très grandes qualités architecturales, son exceptionnel intérêt pour l'histoire du patrimoine messin à l'époque médiévale et pendant la période de l'annexion allemande ». Le classement en totalité de l'église Sainte-Ségolène est un pas de plus vers la reconnaissance de l'architecture du XIXe siècle trop souvent considérée, encore aujourd'hui, comme un simple pastiche des styles anciens, alors qu'il s'agit bien d'une architecture à part entière.

La Direction régionale des Affaires culturelles poursuit actuellement une politique de recensement et de protection au titre des monuments historiques du patrimoine de cette époque, notamment dans les territoires annexés.