Une clef d’accès inédite dans les archives du pouvoir exécutif

Lieu emblématique des institutions de la République, le Conseil des ministres est aussi le lieu par excellence où s’exerce le pouvoir dans notre pays. En quoi la numérisation de l’intégralité des dossiers et communiqués de presse issus des conseils entre 1945 et 1981 fait-elle événement ?

À ce jour, il n’existait pas de collection ou de base de données de communiqués de presse des Conseils des ministres pour la IV^e République et le début de notre V^e République. Pour aboutir dans leurs recherches, les administrations, les archives et les chercheurs devaient connaître en amont des périodes précises ou entreprendre de très longs dépouillements. Ce répertoire de 1868 Conseils des ministres est donc une clef d’accès inédite dans les archives du pouvoir exécutif. Pour les Archives nationales, l’application des délais de communicabilité prévus par le code du Patrimoine sera également facilitée.

Un point intéressant a été de constituer une collection factice et provisoire. En effet, il a été nécessaire de prélever des communiqués au sein de plusieurs fonds et versements pour constituer le répertoire le plus complet possible. Après leur numérisation, chaque communiqué a rejoint sa cote d’origine. Ainsi le répertoire présenté porte sur une entité matérielle qui n’existe plus aujourd’hui.

Avec ce fonds d’archives, on dispose dorénavant d’une série homogène de documents permettant aux chercheurs d’interroger le fonctionnement du Conseil des ministres sur un segment de temps significatif. Que va apporter à l’histoire des institutions ce fonds d’archives ?

Le communiqué de presse est performatif en lui-même, mais s’étudie aussi en lien avec les dossiers de séance. Chaque conseil s’inscrit dans une temporalité et une action politique qui produit d’autres documents. Les archives des cabinets ministériels, des chefs du Gouvernement et de la présidence de la République sont en résonance. La prise de décision se comprend en suivant le processus dans son intégralité.

L’enjeu institutionnel, pour les services producteurs avec qui nous collaborons étroitement – mission des archives auprès des services du Premier ministre et service des Archives et de l’Information documentaire de la présidence de la République – et pour les Archives nationales, est grand. L’État est en questionnement permanent sur sa propre mémoire et ce projet, au carrefour de plusieurs institutions, est propre à nourrir de nouveaux projets en histoire institutionnelle, politique ou encore communicationnelle.

Les archives proviennent de plusieurs sources, principalement les services du Premier ministre (Secrétariat général du Gouvernement), mais aussi les archives de la présidence de la République et des fonds privés. Ces sources font-elles apparaître des différences de point de vue, des nuances, voire des divergences, dans le traitement des affaires ?

Cette nouvelle ressource a en premier lieu une fonction utilitaire de clef d’entrée dans les dossiers de séance, mais c’est également une nouvelle source à part entière. De 1945 à 1981, l’expression du discours politique évolue. Un communiqué passe d’une page à deux dizaines de pages ! La forme évolue mais dans le temps, sans réelle rupture liée, par exemple, à une alternance gouvernementale. Le Conseil des ministres voit en effet son secrétariat tenu par le Secrétariat général du Gouvernement [SGG]. Le Secrétaire général prépare les ordres du jour en lien avec le Premier ministre et les soumet au Président, est présent pour relever le verbatim des séances et prépare relevé de décisions et communiqué de presse. Institution d’une grande stabilité, le SGG incarne la pérennité de l’administration au-delà des événements politiques. Les Conseils des ministres sur le temps long sont le reflet de cette permanence. En revanche, une étude fine, conseil par conseil, met en lumière les directions politiques données au pays au fil des gouvernements.