Un an après l'incendie de Notre-Dame, le ministère de la Culture est allé à la rencontre des acteurs de la restauration de l'édifice. Aujourd'hui, Stéphane Deschamps, chef du service régional d’archéologie d’Ile-de-France, explore le passé de la cathédrale.

Au lendemain de l'incendie de Notre-Dame de Paris, une équipe du service régional d’archéologie de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d’Ile-de-France s’est lancée dans un patient –  et difficile – travail d’inventaire et de cartographie. « Il s'agit pour nous d'une démarche essentielle », assure Stéphane Deschamps, conservateur général du patrimoine à la tête du service régional d’archéologie, en ajoutant que l’objectif est de « documenter à la fois l’histoire de l’édifice et l’histoire de sa construction ».

« Nous avons d’emblée considéré, précise-t-il, que les différents gravats devaient être abordés sous un angle scientifique, celui d’échantillons que nous devions prélever de la meilleure façon possible ». Ces gravats ont désormais un statut juridique, ce sont des « biens archéologiques mobiliers » dont la conservation revient à la DRAC Ile-de-France. « Nous traitons les effondrements matériels issus de l’incendie comme nous traitons un amas de débitage de silex du Néolithique ».   

L’objectif est d’avoir un modèle numérique complet de la cathédrale, comme un système d’information géographique mais en 3D

Un archéologue multi-carte

La vocation de Stéphane Deschamps remonte à son enfance, plus précisément au spectacle d’un chantier de fouilles situé juste à côté de la maison familiale. Aujourd’hui, il a fait de ce choc initial une véritable « passion professionnelle ». Si les lourdes missions attachées à sa fonction de chef du service régional d’archéologie d’Ile-de-France lui laissent peu de temps libre, il ne néglige pas pour autant ses activités de chercheur, qui le conduisent régulièrement en Arménie, où il accompagne une mission sur une forteresse du 1er millénaire avant notre ère.

A la DRAC Ile-de France, il anime une équipe d’une vingtaine de collaborateurs, dont cinq d’entre eux se relaient depuis avril dernier sur le site de Notre-Dame. La mission première des services régionaux d’archéologie est en effet de soutenir la recherche, notamment sous l’aspect administratif et financier, en lien avec les partenaires que sont le CNRS et les universités. Mais ils doivent aussi superviser ce qui relève de « l’archéologie préventive ». A Paris, quelque cinq cents dossiers sont examinés chaque année, dont ceux correspondant aux cinq premiers arrondissements où sont enfouis l'essentiel des vestiges de la ville antique et médiévale.

S. deschamps

L'avenir du passé

Sur le site de Notre-Dame, les archéologues ont dû apprendre à cohabiter avec les nombreux corps de métiers présents sur le chantier mais aussi à insérer leur agenda dans celui de la maîtrise d’œuvre. Ce ne fut pas toujours facile. Ils comptaient sur six semaines de fouilles mais l’installation de la grue qui domine aujourd’hui la cathédrale ne leur en a laissé que trois. Autre exemple : ils auraient voulu fouiller quatre puits, ils n’en ont fouillés que deux. Certaines difficultés sont d’ordre technique. C’est ainsi qu’ils doivent recourir à des robots pour effectuer certains prélèvements situés au sol dans des zones dangereuses ou à des cordistes pour les gravats situés en hauteur.

Ce n'est pas la première fois qu'ils rencontrent de telles conditions sur les chantiers de fouilles – et ce n'est pas cela qui va les empêcher de mener à bien leur mission, à savoir de procéder à un « relevé photogrammétrique » de la cathédrale et de ses décombres. Ce travail, qui est aujourd’hui en bonne voie, devrait permettre, selon Stéphane Deschamps, d’obtenir « un modèle numérique complet de la cathédrale dans lequel on puisse lier de l’information – comme un système d’information géographique mais en 3D ».  Reste à trier les débris et à les tenir à la disposition des futurs chercheurs. « Nous ne savons pas aujourd’hui quels seront leurs questionnements dans trente ans », reconnaît l’archéologue. Une chose est sûre : le passé de Notre-Dame a beaucoup d’avenir.