Pour célébrer les 40 ans de la Fête de la musique, événement incontournable de la vie culturelle française, le ministère de la Culture propose de laisser la place aux artistes lors d'une journée marathon.

On n'a pas tous les jours 40 ans... La Fête de la musique, cette initiative lancée le 21 juin 1982 par le ministère de la Culture pour célébrer la pratique musicale, n'a pas pris une ride au fil de ses éditions successives. Et pourtant, il s'en est passé des choses en quarante ans, qui ont transformé un événement cousu-main en standard international, dont l'immense succès populaire ne s'est jamais démenti.

Pour fêter dignement cet anniversaire, le ministère de la Culture a mis les petits plats dans les grands en proposant, au Palais-Royal, à Paris, non pas un concert, ni deux, ni trois, mais un véritable festival gratuit et ouvert à tous, qui réunira toutes les esthétiques et tous les musiciens, scolaires comme étudiants, amateurs comme professionnels, dans un même élan musical.

Véritable événement dans l'événement, cette soirée, organisée par le ministère de la Culture (délégation à la musique de la direction générale de la création artistique et délégation à l'information et à la communication au secrétariat général) et les professionnels du secteur musical, notamment les producteurs, est aussi une manière de saluer l'enthousiasme d'un indispensable acteur : le public. Un véritable retour aux fondamentaux, en somme. Place aux artistes !

Zaho de Sagazan, les débuts d’une voix profonde et intense

Zaho de Sagazan • Zoé Cavaro (Photo de presse).jpg

« Avoir une fête de la musique, dans un pays comme le nôtre, c'est génial, et que le ministère de la Culture ait pensé à nous pour venir jouer chez lui, c'est trop bien ! » C’est un beau roman, c’est une belle histoire, en effet, que celle de Zaho de Sagazan. Ses aînés l’ont repérée et lui ont donné sa chance, après qu’elle se soit constituée un public qui, déjà, la plébiscitait sur les réseaux sociaux. Qu’on en juge : jusqu’en septembre 2021, la jeune femme n’avait pas fait un seul concert. Éditant ses chansons sur son compte Instagram, elle attire l’attention du groupe Mansfield Tya, un duo de nantais comme elle, qui l’invite à se produire en première partie de leur concert au Trianon, à Paris. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître, puisqu’elle enchaîne presque immédiatement avec la première partie d’Hervé… à l’Olympia, excusez du peu ! « Il n’y a pas de hasard dans son histoire, écrit à l’époque le Courrier de Nantes. Il suffit d’entendre, une volée de minutes, sa voix, profonde et intense, de la voir vivre ses textes, magnétique, sur des nappes électroniques, pour se dire qu’il se passe quelque chose. Qu’on a affaire à quelqu’un. »

Enfant de Saint-Nazaire, pour elle  « la Fête de la musique était une belle journée qui réveillait la ville. Voir des copains sur scène c'était très sympa : on fêtait le début de l'été sur la plage et puis on allait les écouter. Plus âgée, j'allais à Nantes où il y avait beaucoup d'ambiance. » Cette toute jeune artiste de 22 ans, qui se réclame autant de Koudlam que de Jacques Brel, est déjà une  bête de scène : « Je préparais cela depuis longtemps dans ma tête. Et je ne m'étais pas trompée, je m'y trouve très bien, très libre et très joyeuse ! On n'arrivait pas les mains vides puisqu'en amont on préparait un album, mais on a fait surtout une résidence d'une semaine où l'on a travaillé jour et nuit. Beaucoup d'excitation, beaucoup de recherches : il faut chercher sans relâche, jusqu'à trouver le bon son, la justesse. »

Zaho de Sagazan - Suffisamment (live)

Les fanfares, place à l'ambiance et à la fête

Rillettes de belleville

La culture de la fanfare des Beaux-Arts est une tradition plus qu'ancienne qui perdure dans les écoles d'architecture. Celle de Belleville n'en possédait pas, jusqu'à ce qu'une étudiante décide d'en fonder une, Les Rillettes, il y a quatorze ans. Au départ, les bonnes volontés affluent. La fondatrice elle-même, pianiste de formation, s'initie à la trompette vaille que vaille. Année après année, l'harmonie se renforce, et le groupe se tourne vers la musique des Balkans. Au fil des ans, la fanfare se fait une réputation dans le quartier de Belleville, ses bars, son parc, ses rues. La société musicale accueille de nouveaux musiciens, mais répète toujours dans l'école d'archi où elle se produit pour les grandes occasions, avec deux autres fanfares qui s'y sont créées depuis.

Les Muses tanguent, quant à elles, ont une histoire semblable, à l'école de Versailles. « Elles » en effet, car c'est une fanfare féminine, fondée en 2004 et devenue multigénérationnelle. « Nous ne sommes pas particulièrement féministes, mais le monde de la musique amateur est très masculin ! »  nous explique Anne-Sophie Cramoysan, la présidente de l'association. « La fête de la musique, poursuit-elle, semble avoir été conçue pour les fanfares. C'est LA formation adaptée ! Pas de scène et une ambiance festive garantie. Pendant le reste de l'année, on n'a pas autant de liberté pour coloniser l'espace public. Notre répertoire est très pop. On transpose des morceaux assez exigeants musicalement. Le public cherche à les identifier et c'est avec ce jeu-là qu'on tisse naturellement un lien avec lui. »

Ces deux ensembles sont éligibles au soutien du ministère de la Culture dans le cadre du « Plan fanfare ». « L'aide du ministère permet de passer un cap. Nous avons beaucoup progressé jusqu'ici, explique Eva Renaud, saxophoniste aux Rillettes de Belleville, mais nous souhaitons trouver des moyens et de l'accompagnement pour nous former à la composition de nouveaux morceaux, des arrangements meilleurs, et une certaine écriture de notre show. Pour des amateurs, avoir recours à des professionnels, par exemple pour un travail en répétitions, produit de grands progrès et on le sent tout de suite !»

Extrait du projet de film documentaire de Zoé Authier

DakhaBrakha, la liberté à cœur battant

Vitaliy Vorobyov.jpg

DakhaBrakha est un groupe ukrainien renommé. Ils ont décidé de contribuer à l’effort de guerre de leur pays en sensibilisant, par la musique, la communauté internationale. Marko Halanevych, chanteur et accordéoniste, l’explique dans une interview pour France Musique : « Nous sommes partis à la rencontre de notre public, faire des interviews et collecter des fonds, pour les enfants, les forces armées et les médecins ukrainiens. » Un engagement d’un courage bouleversant, car il s’agit, ni plus ni moins, de la survie d’une nation. Et l’on sait, dans ces cas-là, combien la culture devient un enjeu criant. « Aujourd’hui, les chants ukrainiens sont une passion, explique Olena Tsybulska, chanteuse et percussioniste (même source), un mode de vie pour les Ukrainiens. Il y a 20 ans, il n’y avait qu’un cercle d’initiés, qui partaient en expéditions ethnographiques pour enregistrer les chants des vieilles personnes. Aujourd’hui ce genre est beaucoup plus populaire. » Du reste, c’est aussi à la culture qu’on mène une guerre d’asservissement.

C’est pourquoi on ne boudera ni son plaisir ni son enthousiasme à sentir battre le cœur d’un peuple libre ! « Le folklore ukrainien est dans notre ADN d’artistes. Le chant ukrainien est un chant polyphonique. Il se chante à trois ou quatre voix. » Les DakhaBrakha s’en inspirent pour leurs créations, qu’ils appellent « un chaos ethnique », très populaires et appréciées en Ukraine. « Dans l’ancienne tradition, on croit qu’il faut chanter des chants rituels pour chasser l’hiver et amener le printemps. Nous chantons ces mêmes chants pour faire reculer les forces des ténèbres, et pour que la lumière et la vie triomphent. »

DAKHABRAKHA - VYNNAYA YA [Live @ ALAMBARI. Palace of Sports, Kyiv, 06.12.2019] -15th group anniversary celebration

Temenik Electric, le groupe rock qui parle aux enfants de Marseille

Temenik Electric_Xavier Lours_3.jpg

« La langue arabe se marie très bien avec le rock. Elle correspond aussi à mes origines, confie Mehdi Haddjeri à RFI en février dernier. Comme je la chante c’est plus un outil artistique. » Auteur, compositeur et leader de Temenik Electric, il apporte, avec ses quatre compagnons, un parfum d’Orient à une scène rock que le groupe ne craint pas de pousser vers les transes « electrorientales ». Leur dernier album est présenté comme « l’esquisse d’une géographie sonore des quartiers nichés au cœur des mégalopoles, ces lacis de rues aux effluves familiers et étrangers à la fois, aux mélopées échappées de cours intérieures. »

Mais l’œuvre de Temenik ne s’arrête pas là. Ils sont enfants du 3ème arrondissement de Marseille, donné comme l’un des plus pauvres d’Europe. « Ce qu’il faut en retenir, explique Mehdi Haddjeri à Nathalie Hayter sur musicbox, c’est qu’il y a dans ce quartier une telle énergie, de telles possibilités, que c’est ça qu’il faut aller y chercher. » Mehdi Haddjeri ne s’en fait pas faute. Directeur artistique du festival Babel Minots, à destination du jeune public et des familles éloignées de la musique, il s’est engagé à favoriser l’éveil des enfants. A ce festival s’articule tout un travail d’action culturelle soutenu par le Nomad Café. Ainsi la Cité des Minots, 300 heures d’ateliers musicaux qui touchent 15 écoles marseillaises.

« La fête de la musique, nous dit Mehdi Haddjeri, quand j'avais une quinzaine d'années, et que je rêvais d'être musicien, c'était l'occasion de se produire dans la rue, avec les copains... et de jouer ! Devant la famille, les voisins, les passants. Aujourd'hui, je m'aperçois qu'on n'a pas fait mieux, depuis quarante ans, pour rassembler les gens dans un esprit de fête populaire, qui pour moi signifie l'esprit de la pop music. Et en ces temps d'incertitudes, on a besoin de ces prétextes forts et symboliques, comme la fête de la musique, pour rassembler tout le monde. Jouer au Palais-Royal nous fait un plaisir immense : on fait le grand écart, certes, mais défendre une culture populaire, c'est ça : jouer à l'Opéra de Marseille aussi bien que dans un quartier pauvre... »

FR 2:47 / 3:16 Temenik Electric - Manich Maleik (Clip Officiel)

Marie Perbost, l’amour de la comédie lyrique

Christophe Pelé_OnP(1).jpg

« Par les temps qui courent, moi j’ai besoin de rire, explique Marie Perbost au public de son programme « Une Jeunesse à Paris ». Je pense que vous aussi. Une chose en entraînant une autre, voilà, je me retrouve à chanter de la chanson. » Sacrée « révélation artiste lyrique » aux Victoires de la Musique 2020, où elle interprétait brillamment l’air de la folie, du Platée de Rameau, elle n’a jamais caché son goût pour la comédie. « Du reste, nous dit-elle, le répertoire français baroque, auquel appartient Platée, est à l'origine de la comédie musicale. On est chanteur, danseur, acteur, au sein de superproductions et, concrètement, on fait la même chose qu'à Broadway ! Dans la mise en scène qu'ont créée Shirley et Dino, on nous a demandé un jeu théâtral intense et fascinant que j'aime beaucoup. »

Quant à la forme piano et chant  : « Mes pianistes sont habitués à toutes mes folies, ce qui me donne une liberté totale d'interprétation. Je peux sentir l'ambiance dans la salle, l'humeur du public, et faire des choix sur le moment. Et puis les partitions de ce répertoire sont souvent incomplètes ou introuvables, si bien que nous les réécrivons. La Tour Eiffel, par exemple, a été écrite vers 1900 par un contrebassiste de l'orchestre de l'Opéra qui avait des soucis avec sa femme, et ne manquait pas d'humour ! La puissance de ces textes, avec une bonne diction et un peu d'humour, est propre à nourrir l'imagination des spectateurs. On n'a pas besoin de beaucoup d'accessoires pour faire voyager les gens, simplement un gros investissement personnel sur scène. »

Elle nous l'affirme avec malice : « J'ai un faible pour le répertoire Belle époque et celui des Années folles, et, quand j'en ai l'occasion, je me livre volontiers à ce penchant inavouable pour la chanson.  D’où l’idée d’explorer un répertoire parfois méconnu : chansons (J’ai deux amours, Les Feuilles mortes…) et airs d’opérette (L’Amour masqué d’André Messager), que la jeune cantatrice interprète avec volupté, poésie et humour. « Le public apprécie aussi de casser un peu le mythe de la chanteuse lyrique, et moi de trouver une simplicité avec les gens. » Un programme iconoclaste où se mêlent habilement quelques incontournables du lyrique, aussi magnifiques qu’hilarants.

TEASER - Marie Perbost | Une jeunesse à Paris

L’ Orchestre à l’école de Rueil-Malmaison, l’énergie incroyable des élèves de CM1

36-©carolinebottaro-6963-2-1024x682.jpg

Rassemblez, deux heures par semaine, deux classes d’école primaire et des professeurs d’instrument du Conservatoire voisin : pendant une heure ils travaillent par pupitres (clarinettistes d’un côté, violonistes de l’autre…), puis une seconde heure tous ensemble, en mode symphonique. Déclinez le dispositif sur toute la France, en zone rurale, en zone urbaine et quartiers « Politique de la ville ». Faites-le 1460 fois, pour être exact, dans les écoles et les collèges, et vous aurez le dispositif national dans sa forme actuelle : « Orchestre à l’école » !

Le 21 juin, 54 enfants de Rueil-Malmaison viendront vous montrer comment ils interprètent non seulement Dave Brubeck, mais aussi Yellow submarine ou la musique traditionnelle japonaise. « Il n’y a pas de compétition. C’est l’orchestre qui doit réussir et tous les enfants de la classe doivent l’intégrer, nous explique Marianne Blayau, déléguée générale de l’association Orchestre à l’Ecole. Ce qui le rend possible, c’est d’abord le plaisir, auquel s’ajoute la bienveillance, qui conduit à l’exigence, la concentration, la motricité fine, l’autonomie, le respect de soi-même et de l’autre dans le cadre d’une règle commune pour servir un intérêt commun, autant de compétences et de valeurs qui permettent à ces enfants, grâce à la musique, de s’épanouir et de bien s’engager dans la vie. »

Les instruments de musique sont fournis aux enfants. Ils les emportent chez eux. Ils ramènent leurs parents, frères et sœurs, parfois éloignés de la musique, aux concerts. Au bout de trois ans, les orchestres se renouvellent sans peine, preuve s’il en fallait de leur succès. Des centaines vont se produire le 21 juin dans toute la France : ne manquez pas celui de votre voisinage ! A noter aussi que Gautier Capuçon, le célèbre violoncelliste, est « l’ambassadeur » d’Orchestre à l’école. Il intègre à son propre festival (« Un été en France », douze concerts gratuits dans des lieux éloignés) six de ces orchestres d’enfants, de six régions différentes, qui joueront avec lui à la suite d’un petit stage financé par le ministère de la Culture (« Eté culturel »).

Infographie - Présentation de l'Association Orchestre à l'Ecole

40 ans de la Fête de la musique : la programmation du ministère de la Culture

affiche FDLM 2022 numérique HD (c) Vincent Perrottet.jpg

La Fête de la musique 2022 marque les 40 ans de cette manifestation d’envergure internationale. Initiée en 1982 par Jack Lang, alors ministre de la Culture, elle a pris son essor, devenant une manifestation incontournable de la vie culturelle française.

Pour célébrer cet anniversaire, et dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, le ministère de la Culture propose, au Palais-Royal dès 13h, une programmation éclectique. En ouverture, les agents du ministère de la Culture s’approprieront la scène, suivis de musiciens amateurs et scolaires.

Suivront le rappeur Sopico, nom émergent de la musique urbaine, Zaho de Sagazan et ses chansons électro aux textes ciselés, et enfin des interprétations d’œuvres de Maurice Ravel et Camille Saint-Saëns par le chœur Les Métaboles, Marie Perbost et Nicolas Chesneau.

Anne Paceo, batteuse, compositrice, et Julien Clerc, monument de la chanson française, se produiront, avant de laisser la scène aux musiques du monde avec DakhaBrakha, groupe de musiciens et musiciennes ukrainiens qui mêlent chants traditionnels et rythmes actuels, et enfin Temenik Electric et son Arabian Rock transcendantal.