Projet d'envergure nationale, le Grand mémorial redonne une identité à tous les combattants de la Grande Guerre. Interview avec Hervé Lemoine, directeur des Archives de France autour d'un projet ambitieux pour commémorer le centenaire d'un conflit qui concerna tous les Français.

Le Grand Mémorial, qu'est-ce que c'est?

À travers ce qu'on appelle les registres matricules, ce projet donne un nom, un visage, retrace le parcours personnel et militaire de chacun des combattants. Depuis plusieurs années, mais surtout à partir du moment où la ministre de la Culture et de la Communication a validé ce projet d'envergure nationale, le ministère de la Culture et de la Communication et les collectivités territoriales numérisent systématiquement ces fiches de renseignements qui contiennent des descriptions précises sur le combattant : son physique, la couleur de ses yeux, de ses cheveux, sa physionomie, son métier, son niveau d'instruction,... En somme, ce projet revient à restituer la personnalité du soldat, mais aussi grâce à d'autres données complémentaires (les journaux de marche et opérations – JMO, aujourd'hui accessibles depuis le site du ministère de la Défense et prochainement reliées au Grand Mémorial), il permet de retracer son parcours militaire et les batailles qu'il a menées.

Combien de registres matricules sont accessibles?

Le 11 novembre 2014, date à laquelle François Hollande et la Ministre inaugureront le Grand Mémorial, près de neuf millions de registres matricules seront accessibles, soit autant de soldats qui ont combattu. Avec l'autorisation juridique de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), ce site va permettre à tous les Français de rechercher et de trouver les traces de son aïeul pendant la Grande Guerre. De plus, le Grand Mémorial – accessible notamment depuis une page de dialogue sur Culture.fr - a vocation à se développer et à se pérenniser dans le temps. Grâce au web collaboratif, chacun au fil des années, va pouvoir agrémenter la fiche de son aïeul par une photographie, une correspondance, un souvenir, qu'il aura lui-même pris le soin de numériser, des annotations. Des communautés de descendants pourront se constituer. Enfin, pour les chercheurs, c'est un outil indispensable pour comprendre la sociologie des combattants sur tout le territoire.

Les Français ont un intérêt constant pour la Grande Guerre. Pourquoi les touche-t-elle?

On comptabilise près de deux milliards de pages vues sur les sites internet des Archives, et « Mémoires des hommes » qui recense, depuis le site du ministère de la Défense, le parcours militaire du soldat, enregistre des records de fréquentation. Le conflit de 14-18 est une guerre lointaine et proche. Elle est proche parce qu'elle concerne tous les Français, toutes les familles, toutes les couches sociales. A contrario de la seconde guerre mondiale qui a divisé la France, celle de 14-18 rassemble autour d'un sentiment national unanime.

Comme s'il s'agissait avec ce projet centré sur les combattants de la Grande Guerre de saisir une autre réalité ?

Le Grand mémorial va permettre d'aller vers une mémoire intime et personnelle. De découvrir grâce par exemple à la lettre d'un soldat de 19 ans, des scènes de fraternisation, comme ce 24 décembre 1914 où Français et Allemands l'espace de quelques heures, une veille de Noël,« sortent des tranchées, partagent des bonbons, fument des cigarettes, et redeviennent des hommes.»

Est-ce la fin du Soldat inconnu?

Le Grand Mémorial va redonner à tous les combattants de la Guerre 14-18 une identité. Dans les registres matricules, il y a forcément la fiche du soldat inconnu.